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jours cherché des auxiliaires au dehors; ce principe a fini par les rendre propagandistes. On trouve des traces de ce double mouvement dans plusieurs des épisodes de la longue guerre contre la France, Il sera utile de les montrer, parce qu'alors les complications de la politique anglaise deviennent plus faciles à comprendre.

Napier, militaire distingué d'une famille whig, dit dans l'histoire qu'il écrivit sur la guerre de l'indépendance d'Espagne (t. I, p. 31; traduction française):

« Si Napoléon, en entrant en Espagne, eût pris soin de mettre le peuple et le gouvernement d'abord dans un contact hostile (et combien d'occasions un tel gouvernement n'offrait-il pas pour cela !) au lieu de se montrer arbitre perfide dans une querelle domestique, il aurait été accueilli comme le libérateur d'un grand peuple. »

Voilà le fond de la politique du parti whig. Lord Wellington, au contraire, pendant tout le temps de sa guerre en Espagne, s'est maintenu sur le terrain militaire. L'Espagne était pour lui le champ de bataille sur lequel devait se décider la grande lutte entre la France et l'Angleterre. Il se tint le plus éloigné que possible des intrigues des cortès, qui siégeaient à Cadix. On en trouve des preuves nombreuses dans la publication qui a été faite de sa correspondance. En voici une (extrait d'une lettre du duc de Wellington au comte Bathurst. Sesaco, 5 septembre 1813, vol. VI, p. 743):

Après avoir parlé du mauvais système des cortès à Cadix, le duc dit dans cette lettre :

« Il est tout à fait impossible qu'un pareil système puisse durer. Ce que je regrette, c'est de devoir être celui qui est destiné à le maintenir. Si j'étais éloigné, il y a une quantité de généraux qui le renverseraient. Ballesteros en avait positivement l'intention, et je me tromperais fort, si O'Donnel, même Castaños, et probablement d'autres n'étaient également prêts à le faire. Si le roi revient, lui aussi renverserà toute cette fabrique, s'il a quelque courage. Mais les choses ont été si loin, et ces messieurs de Cadix sont si complétement maîtres de cette assemblée, que je crains fort qu'un nouveau bouleversement ne devienne nécessaire, et je recommande sérieusement au gouvernement britannique de se défendre de la démocratie, et de ne se mêler de rien, tant que le pouvoir sera entre ses mains, excepté de poursuivre la guerre et de s'opposer à l'entrée de l'ennemi étranger. »

Lord William Bentinck était dans ce temps un des hommes d'action influents du parti whig.

Il commandait les troupes anglaises en Sicile; il y était l'organe le plus accrédité du gouvernement britannique près la cour de Naples, qui s'y était retirée. La Sicile avait un parlement, de fondation normande, qui, malgré toutes les vicissitudes de son histoire, comptait huit siècles d'existence. Cette institution politique fonctionnant dans l'esprit du moyen âge, qui l'avait vue naître, avait toujours été un obstacle au bien-être du pays, bien plutôt qu'un moyen de le développer. Lord W. Bentinck usa de son influence pour introduire dans cette assemblée les idées modernes du parlement de la Nouvelle

Angleterre. Il en résulta la constitution de l'année 1812.

A cette époque les Français n'étaient pas, en Italie, en mesure de pouvoir menacer la Sicile. Une partie de l'armée anglaise qui l'occupait pouvait avec d'autant plus de sécurité être employée ailleurs, , que la flotte anglaise qui, depuis plusieurs années, bloquait le port de Toulon, surveillait en même temps les côtes italiennes. Lord Bentinck proposa donc au gouvernement britannique qu'il lui fût permis de faire avec une partie de son armée une expédition sur les côtes orientales de l'Espagne.

On voit par une lettre du duc de Wellington à lord Bentinck que, relativement à la manière de conduire la guerre d'Espagne, ces deux chefs partaient de deux points de vue différents.

L'extrait suivant de cette lettre, prise dans le VI volume des dépêches du duc de Wellington, suffira pour le prouver.

« Barcello, 28 juin 1812.

Pour ce qui regarde le secours qui doit advenir à l'Espagne par cette expédition, je suis affligé de voir que vous avez changé d'opinion, depuis que vous avez proposé cette mesure au gouvernement; et, si je n'espérais pas que le général Maitland, l'état-major, et les autres officiers de l'armée de Sicile, pensent autrement, en voyant de plus près ce qu'ils ont à accomplir et l'effet qui en résultera pour notre lutte, je désespérerais du succès de personnes venant accomplir un service avec une semblable opinion. Mais il n'est pas impossible que

mes succès en Castille et ceux du général Maitland sur les côtes orientales ne soient cependant d'aucun secours à l'Espagne; sur quoi je n'ai rien à dire. C'est un sujet qui doit être pris en considération par les hommes politiques. Comme officier militaire, je ne puis m'occuper d'un plan que pour juger s'il peut avoir un succès militaire quelconque. Mais je vous prie de remarquer que la même observation est applicable, de la part des hommes politiques, non-seulement à chaque plan militaire, mais aux opérations générales de toute guerre, ainsi qu'à l'objet de la guerre elle-même.

« J'ai appelé votre attention sur ce sujet, parce que, d'après moi, vous avez, par vos paroles, et sans en avoir eu l'intention, donné aux ministres du roi une plus grande responsabilité que celle qui leur revient, quant au succès de l'expédition du général Maitland.

« Je suis certain qu'elle réussira; et, en tout cas, elle sera utile à mes opérations. Tout en en désirant le succès, je puis cependant vous assurer que pour cet objet seul je ne conseillerais pas d'exposer la réputation du général Maitland ni la sûreté de ses troupes. »

Cette dépêche prouve que lord Bentinck faisait entrer de la politique dans ses projets militaires, et la sévérité de la rédaction prouve, de plus, que cette politique n'était pas conforme à celle du ministère britannique.

Mais retournons en Sicile. Là, nous en trouverons des preuves encore plus évidentes.

Napoléon était en 1812 à l'apogée de sa puis

sance. Quoique la résistance que lui opposait l'Angleterre s'accrût dans une mesure égale au progrès de son élévation, aucun Anglais ne pouvait cependant avoir la prévision d'un triomphe aussi prochain que celui que lui préparait l'expédition de Russie. Aussi le gouvernement anglais, encouragé par les succès qu'il avait obtenus en Espagne et en Portugal, travaillait-il à faire entrer les Italiens dans cette lutte de réaction du peuple contre l'oppression de la France. C'est en Sicile que devait être essayé le levier destiné à soulever l'Italie. Lord Bentinck reçut donc l'ordre de quitter les rivages de l'Espagne où sa coopération avait d'ailleurs été de peu d'utilité. Il ramena son armée à Palerme.

Une légion italienne avait été formée en Sicile. Elle était composée en partie de prisonniers faits en Espagne sur les troupes italiennes, et commandée principalement par des officiers de l'ancienne armée piémontaise. Cependant l'Italie était tenue en obéissance par l'armée napolitaine, dans le midi; par celle du royaume d'Italie, dans le nord. Les désastres mêmes de l'armée française en Russie n'y avaient fait voir aucun symptôme d'insurrection. Murat et le vice-roi vinrent y reprendre la direction des affaires et le commandement des troupes. Ils trouvèrent toutes les populations dociles à leur voix.

Murat, qui regagnait de l'importance par cette position, en profita pour négocier avec l'Autriche une paix séparée, à laquelle acquiesça l'Angleterre; de manière que n'ayant plus à craindre pour la

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