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«< Mylord,

«Des bruits ont circulé dernièrement sur ce que la constitution donnée aux Siciliens en 1812 aurait été garantie par le gouvernement britannique. Je crois bien faire en informant Votre Excellence que la correspondance du ministère des affaires étrangères avec la Sicile, dans les années 1811-1812, lorsqu'il s'agissait de la révision de la constitution de cette île, et dans l'année 1813, après que cette constitution avait enfin été sanctionnée par le roi, ne fait mention d'aucune proposition de garantie de la part de la Grande-Bretagne; cette garantie n'ayant été ni demandée ni offerte; de même que cette constitution, sanctionnée par le roi des DeuxSiciles, en février 1813, ne parle également d'aucune garantie qui aurait été donnée.

"PALMERSTON. >> Cette franche déclaration doit, une fois pour toutes, mettre fin à l'opinion qu'on avait rendue populaire en Sicile, qu'une révolte contre Naples avait le droit de compter sur l'appui de l'Angleterre.

On trouve dans les actes du congrès de Vienne (voy. le Recueil des pièces officielles par Schoell, t. VII, p. 314-378) une série de pièces relatives à la ci-devant république de Gènes, lesquelles prouvent qu'il n'a pas été facile à l'Angleterre de sortir de la fausse position où l'avait placée la conduite arbitraire de lord Bentinck à Gènes, après qu'il se fut emparé de cette ville.

Quand on voit qu'il a suffi de l'action d'un seul individu, opposée à celle de son gouvernement, pour donner alors à toute l'Italie la direction poli

tique qui la tient agitée depuis quarante ans, on comprendra quelle influence doit exercer un cabinet, quand même il se bornerait à ne donner, au mouvement des peuples, que l'appui moral de la profession des mêmes principes.

L'année 1847 nous a donné ce nouvel exemple en Italie. L'influence qu'a exercée à cette époque lord Minto sur l'Italie se rattache à des événements d'une trop haute importance, pour que le souvenir puisse en être déjà effacé. Homme considérable du parti whig, il a été fidèle aux traditions politiques de ce parti. Son influence devait être d'autant plus grande qu'il était membre du cabinet. Son voyage de touriste a été le sujet de vives interpellations dans le parlement. Sa constante réponse à toutes les questions fut une simple dénégation. Le cabinet répondit qu'il n'était pas responsable des actions d'un voyageur; que lord Minto avait fait avec sa famille, en Italie, un voyage de santé et d'agrément. Mais en niant une coopération officielle, on s'applaudissait qu'un Anglais, agissant comme individu, eût pu mériter à ce point la confiance des princes, des gouvernements et des peuples de l'Italie.

Cependant le cours des discussions qui ont eu lieu en 1850, sur la question religieuse, a mis au jour une déclaration contraire de lord Minto.

Voici le fait tel qu'il a été consigné dans la presse anglaise :

Le révérend E. Wilmot, vicaire de Kenilworth, ayant écrit à lord Minto pour lui demander d'être autorisé à contredire l'assertion faite par les jour

naux, « qu'il aurait fait connaître à Rome, de la part du gouvernement anglais, que, si le pape prenait la résolution de nommer des évêques en Angleterre, le gouvernement n'y mettrait aucune opposition, » reçut de lord Minto la réponse suivante :

<< Monsieur,

<< Minto, 4er novembre 1850.

« Je regrette beaucoup que la réserve nécessairement imposée à ceux qui ont des devoirs diplomatiques à remplir ne me permette pas d'entrer dans des explications auxquelles je ne suis pas autorisé, sur des sujets qui se rattachent à ma mission en Italie, et qu'autrement j'aurais été très-empressé de vous donner. J'ose espérer cependant que l'expérience récente du peu de confiance qu'il faut accorder aux assertions qui viennent de pareille source vous engagera à ne pas donner si facilement crédit à l'insinuation que j'aurais été consulté sur un plan quelconque d'organisation de l'église catholique dans ce pays et que je l'aurais sanctionné.

<<< MINTO. >> Extrait de l'Atlas.)

Quoi qu'il en soit de cette contradiction, ou plutôt à cause de cette contradiction, l'observateur doit s'en tenir aux faits. Or, l'ingérence de lord Minto dans les affaires de l'Italie, dans les années 1847 et 1848, a été de notoriété publique.

Lord Palmerston avait, par la déclaration citée plus haut, coupé court à l'ancienne intrigue sicilienne, qui se perpétuait comme une tradition depuis l'année 1812.

La révolution de Naples de 1847 et la révolte de la Sicile vinrent donner à l'activité de lord Minto un nouveau point de départ. La politique whig, fidèle à tous ses antécédents, en prit possession.

Le cabinet anglais peut avoir eu des raisons particulières d'être hostile à l'Autriche. Ces raisons obscures, peuvent avoir été plus ou moins secrètes, ou passionnées, peu importe. Quand une cause générale et placée plus haut suffit à l'explication des événements, il n'est pas digne de l'histoire de s'arrêter à la recherche des causes secondaires. Les petites dimensions ne vont pas à de graves sujets. Un coup d'œil rétrospectif sur le caractère de la politique du parti whig nous suffira pour comprendre celle que lord Palmerston a suivie en Italie.

L'alliance de l'Angleterre avec la France était la base du système politique qui avait donné en Angleterre le pouvoir au parti whig; c'était le nouveau principe de l'union de deux grands peuples, dont la rivalité avait suscité des guerres qui ont duré des siècles, alliés aujourd'hui dans un même système moral, qui le maintenait au pouvoir : ce système était celui d'un développement progressif, d'après des principes de plus grande liberté et surtout d'un partage plus égal de cette liberté entre toutes les classes.

Car, il faut bien le remarquer, ce n'est pas le principe de liberté qui a gagné plus de force en Angleterre; ce n'est que la manière dont la liberté est placée qui a changé; et c'est ce changement qui distingue le parti whig du parti tory.

En France, la liberté était nouvelle. Les idées

qui la firent naître la donnèrent à ceux qui venaient de la conquérir, c'est-à-dire aux classes moyennes. Le parti whig se trouvait placé sur le même terrain politique que la France; car son principe est précisément d'étendre aux classes moyennes la liberté, dont la plus grande part était l'apanage de l'aristocratie seule. En effet, l'on vit la révolution de 1830, qui rétablissait l'empire des principes de la révolution de 1789, que la restauration avait essayé de combattre, faire sortir les tories du pouvoir pour y faire entrer les whigs.

Depuis cette époque, la paix générale de l'Europe fut différentes fois menacée. Il ne suffit pas, en effet, de vouloir la paix pour qu'elle puisse être maintenue. Il y a pour tout ce qui est des conditions nécessaires d'existence. Il y a donc aussi des conditions sans lesquelles la paix ne peut pas durer. La première de toutes est le caractère de fixité qui convient à la politique des grands États. Cette fixité ne peut sans doute pas être absolue. Aussi la politique doit-elle tenir compte de tout ce qui arrive. Elle doit se modifier d'après les modifications que subissent les États, par suite naturelle de leur développement, malheureusement plus souvent encore d'après les changements qu'amènent les passions, l'ignorance, ou l'inhabileté des hommes. Mais changer de direction sans motif suffisant et passer d'un système d'alliance à un autre système qui lui est opposé, comme le fait un de ces transfuges vulgaires qui changent de drapeaux par humeur, telle, en vérité, ne doit pas être la politique d'un grand État. Car il n'y a pas de main d'homme assez forte

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