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splendeur, Sa Majesté Impériale, éprouvant d'ailleurs un sentiment de malaise par le souvenir de tout ce qu'il y avait toujours eu de difficile entre la Hongrie et le gouvernement de Vienne, la convocation d'une diète qui aurait eu pour mission de trancher des questions aussi épineuses, fut remise à un temps plus éloigné.

Ce premier moment passé, on ne tarda pas à voir surgir en Hongrie, sous différentes formes, le mécontentement qu'on y éprouvait d'être privé depuis si longtemps de l'exercice de ses droits politiques. Il arriva donc tout naturellement que la répugnance de l'empereur augmentait en proportion du mécontentement qui s'y manifestait. Comme il y a cependant des choses qu'il est impossible de ne pas faire, il fallut bien enfin aborder cette nécessité. La diète fut convoquée en 1825.

Mais pendant les dix années qui s'étaient écoulées depuis la fin des guerres, un nouvel esprit s'était emparé des Hongrois. En effet, l'ancienne position fédérative de la Hongrie était entièrement changée depuis le moment où l'empereur François avait abdiqué la couronne de l'empire d'Allemagne. Quelque faible qu'ait pu avoir été, dans les temps antérieurs, le lien fédératif entre les différentes parties qui constituaient la monarchie autrichienne, le lustre qu'ajoutait la couronne de Charlemagne à la puissance du souverain des États héréditaires de l'Autriche était si grand; l'ascendant politique qu'elle lui donnait en Europe était si prépondérant, qu'aucun de ces pays n'aurait osé concevoir la pensée de se séparer de cette fédération, illustre par

son chef et puissante par sa grandeur. Mais, quand après la nouvelle forme politique définitivement donnée à l'Europe par le congrès de Vienne, la Hongrie vint à mesurer sa nouvelle position, elle trouva qu'elle formait à elle seule presque la moitié de la superficie de la monarchie autrichienne et renfermait près des trois septièmes de la population de tout l'empire. Si l'on ajoute au sentiment de cette supériorité celui de posséder un pays plus riche qu'aucun autre de tous les dons de la nature, il devait en résulter la prétention toute naturelle de prendre dans le nouvel empire une place plus importante que celle d'une simple province.

Cette disproportion entre la Hongrie et les autres parties de l'empire détruisait le principe de pondération politique qui doit être la base de tout État fédératif.

La Hongrie, par son histoire, se trouvait beaucoup plus éloignée du principe de l'unité que ne l'était aucun des autres États de l'empire. La longue interruption de l'action législative augmentait les embarras des deux côtés. Les affaires importantes ne pouvaient pas se faire sans le concours de la diète. Les griefs du pays s'étaient donc considérablement augmentés. Beaucoup d'intérêts étaient en souffrance. On se demanda, à Vienne, dans quel esprit le gouvernement devrait agir. L'empereur et ceux de ses conseillers auxquels il accordait le plus de confiance furent d'avis qu'on ne pouvait gouverner la Hongrie qu'au moyen de sa constitution; que l'autorité constitutionnelle du roi était assez grande pour qu'il fût possible de conserver le prin

cipe monarchique dans toute son intégrité, tout en la faisant servir à rattacher la Hongrie d'une manière plus solide au corps de l'empire.

le

Mais quand les constitutions, vieilles ou jeunes, n'importe leur âge, ne sont pas d'accord avec les mœurs, ni avec les besoins, avec le mouvement social du pays, ni avec la position politique que temps lui a faite, ces constitutions deviennent des machines de destruction. On en voit plus d'un exemple de nos jours. Celui de la Hongrie en est le plus mémorable.

La Hongrie agissait sur la monarchie depuis longtemps comme une entrave. Je consens à dire que la majorité le faisait sans le vouloir, sans le savoir, et qu'elle était de bonne foi. Mais elle ne voulait être fidèle qu'à la personne du roi; et il est arrivé que les Hongrois les plus fidèles, en séparant, comme ils l'ont toujours fait, la personne du roi de celle de l'empereur, ont mis l'arme la plus puissante dans les mains du parti révolutionnaire. On a vu comme il a su s'en servir.

Le roi ne pouvait paraître en Hongrie qu'après s'être dépouillé de la pourpre impériale. Il ne pouvait y parler que des intérêts séparés de la Hongrie, jamais des intérêts collectifs de l'empire. Les Hongrois, jaloux de l'indépendance que leur donnait leur constitution politique, jaloux comme le sont les hommes de sentiments impétueux, mais d'un esprit rétréci par l'isolement, voulaient tous, à tout prix, conserver cette position d'indépendance. Ils attachaient une telle importance à la conserver entière, qu'ils n'ont même jamais cherché à exercer

sur le gouvernement de la monarchie une influence dont les moyens leur étaient donnés par la cour elle-même. Ils craignaient que l'exercice de cette influence ne les conduisît à se rapprocher plus. qu'ils ne le voulaient. Ils préféraient sacrifier leur importance plutôt que de compromettre, en quoi que ce fût, leur position d'État séparé. Toujours défiants, et, dans les derniers temps, accusateurs, ils parlent sans cesse de la perfidie de la cour.

Voyons les faits. Ils resteront toujours la meilleure réfutation des mots.

Pendant longues années du règne de l'empereur François, un comte Zichy fut le ministre des finances, et son ancienneté comme ministre d'État et des conférences, le fit, à l'époque la plus difficile et la plus intéressante de ce règne, président du conseil. Il occupa cette place jusqu'à sa mort. La sphère de son action, si importante pour les finances de la monarchie, ne lui donnait aucun droit sur celles de la Hongrie, qui n'était pas imposable.

Le comte de Zichy avait nommé un Hongrois (le baron de Gervay) secrétaire de la conférence. Le secrétaire survécut au ministre. Il garda sa place, qui devint plus importante encore par la nouvelle organisation qui fut donnée à la conférence et au conseil d'État, après la mort de l'empereur François. Un Hongrois se trouvait donc en possession de tous les secrets de l'État et il était le rédacteur des décisions impériales les plus importantes. II mourut dans l'année 1845.

Un autre conseiller hongrois (le conseiller Czillich) fut nommé à sa place.

A la mort du comte de Zichy, un autre Hongrois, le comte de Nadasdy, lui avait succédé dans le ministère des finances. Il ne quitta cette place, après l'avoir occupée plusieurs années, que pour prendre la présidence de la section des finances, au conseil d'État. Il siégeait dans ce conseil avec le titre de ministre d'État et des conférences.

Il y avait pour collègue un autre Hongrois, le comte Cziraky.

Ils étaient les deux seuls ministres d'État et de conférence qui fissent partie du conseil d'État.

Un autre Hongrois était, dans ce conseil, conseiller référendaire des affaires financières de la Hongrie.

Pendant que des Hongrois étaient appelés aux postes les plus élevés de l'administration des autres parties de la monarchie, la chancellerie aulique de Hongrie, exclusivement composée de Hongrois, résidait à Vienne, pour y faire les affaires de la Hongrie. Elle était le seul intermédiaire entre le roi et le pays.

Des hommes affranchis de tout impôt en Hongrie étaient appelés, non par le roi, mais par l'empereur, à diriger les finances des autres parties de l'empire. Et c'est de la Hongrie que vient l'accusation de perfidie! Ne sont-ce pas bien plutôt les autres sujets de l'empereur qui auraient eu à se plaindre d'un pareil degré de confiance? Et si les Hongrois ne veulent pas attribuer de pareils procédés à de la confiance, de quels autres moyens fallait-il donc se servir pour leur en inspirer? Quel motif oseraientils donc prêter à ces procédés s'ils ne veulent pas

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