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études, qui remontaient jusqu'au règne de MarieThérèse. Rédigés avec toute la précision qui convient à des lois organiques, ils formaient une source riche de principes, d'où pouvaient jaillir ces lois subsidiaires que le mouvement social ne cesse d'exiger, mais qui, pour ne pas être discordantes entre elles, doivent sans cesse émaner de la même source et être conçues toujours dans le même esprit. Cette conviction existait, car il y avait deux commissions auliques permanentes : l'une pour la législation, la seconde pour l'instruction publique. Mais leur organisation était vicieuse. Elle ne les formait pas en corps constitué. Ces commissions étaient composées d'employés empruntés à tous les autres ministères. Ils avaient à remplir près de ces ministères les fonctions journalières que le service courant leur imposait. Le travail qu'aurait exigé la nature de ces commissions n'était pour eux que secondaire. Elles n'avaient donc pas de séances régulières. Elles ne pouvaient donc, en aucune manière, remplir l'intention primitive de leur institution.

Un État aussi fortement organisé que l'était l'empire autrichien pouvait supporter longtemps des vices ou des lacunes de législation; mais aucun État ne peut supporter, pendant trois générations, sans marcher à sa décadence, un système d'instruction publique vicieux, et moins encore une absence complète de système.

Les causes physiques de force ou de faiblesse sont visibles à tous les yeux. Leurs causes morales demandent à être étudiées. De même que le carac

tère est caché dans les replis les plus secrets de la nature de l'homme, de même aussi les causes morales de force ou de faiblesse, en matière politique, se cachent dans les profondeurs de l'organisation sociale.

Le but de l'instruction publique est de donner pour base à l'État l'accord, aussi intime qu'il est possible de l'établir, de la religion avec la science et la politique; et, quand cet accord est impossible, au moins le degré de concordance nécessaire à une commune existence. L'importance de ce but est tellement grande, les éléments qu'il faut mettre d'accord pour l'atteindre sont, de leur nature, si vastes, si compliqués, que les hommes qui ont mission de s'en occuper doivent être placés de manière à pouvoir y vouer tout leur temps et toutes leurs facultés. La direction des études et de l'éducation, dans un grand empire, ne peut pas être une occupation secondaire. Mettre d'accord des opinions dont quelques-unes n'ont quelquefois pour base que des préjugés, est une des premières difficultés qui se présentent. Les préjugés ne s'instruisent pas. Il faut les vaincre. Et quand, trop profondément enracinés ou trop puissants de position, ils résistent à tous les efforts de la raison, il n'y a plus que les événements qui puissent les vaincre. Les événements de 1848 ne laissent à personne le droit de dire que les grands établissements d'éducation étaient bien conduits, bien disciplinés; que l'instruction y était donnée telle que l'État pouvait désirer qu'elle le fût. Les hommes de cette spécialité ont et auront à s'occuper des causes spéciales

du mal. Il suffit, sous le point de vue plus général d'organisation, de faire remarquer que l'absence d'une autorité constituée en a été la seule et unique

cause.

Le mot d'éducation n'aurait pas de sens, s'il ne voulait pas dire qu'il s'agit d'enseigner aux enfants les connaissances élémentaires qui seront plus tard nécessaires aux jeunes gens pour apprendre les sciences à l'étude desquelles ils voudront se vouer spécialement. Les enfants et les jeunes gens ne peuvent savoir que ce qui leur a été enseigné.

Un second but de l'éducation, tout aussi essentiel que celui de l'instruction, est de donner des principes à la jeunesse et de lui former le caractère. Si les générations qui sortent des écoles publiques sont ignorantes, ou si elles savent autre chose que ce qu'elles devraient savoir; si elles sont faibles de caractère, de mœurs trop faciles, souvent dissolues, on ne peut en accuser que le système d'éducation, que la discipline des écoles.

Il y a dans les principes générateurs des institutions humaines une loi de rétribution qui, tôt ou tard, ne manque jamais de se manifester. Une partie des professeurs et les étudiants des universités de Pavie, de Padoue, comme de toutes les autres universités de l'empire, mais particulièrement ceux de la ville de Vienne, sont devenus la verge qui a puni le grave péché d'omission qui les avait laissés sans discipline d'esprit, sans instruction suffi

sante.

Jusqu'à l'année 1846, aucun symptôme d'une prochaine insurrection ne s'était encore manifesté

dans aucun des vastes territoires de l'empire. Tous étaient encore obéissants au gouvernement. Personne n'était encore sorti des voies légales. Toutes les autorités pouvaient prendre toutes les mesures qu'elles auraient trouvées convenables et nécessaires sans craindre de rencontrer de la résistance. Il est clair que, sous de pareils auspices, les événements qui ont eu lieu ne peuvent être expliqués que par l'existence de vices organiques.

Au milieu du vaste désordre qu'aucune autorité ne savait réprimer, qu'aucune force ne pouvait combattre, on vit l'armée seule rester ferme, inébranlable, fidèle à tous ses devoirs. Elle combattit avec une égale décision les ennemis extérieurs et intérieurs.

C'est que l'armée dépendait directement de l'empereur, c'est qu'elle ne devait obéir qu'aux autorités militaires. Elle était indépendante de toute autre autorité. Le président du conseil aulique de guerre était son chef. Ce conseil la gouvernait. L'armée avait ses maisons d'éducation pour les enfants de soldats, comme pour ceux d'officiers. Elle avait ses tribunaux, ses établissements d'économie, de manutention, d'habillement, de remonte; elle avait ses règlements de recrutement. Tout individu militaire ne relevait, pour toutes les affaires civiles, que des tribunaux militaires, auxquels étaient adjoints, pour les affaires de cette nature, des assesseurs des tribunaux civils

L'armée était fière de ne dépendre que de la volonté de l'empereur Elle avait la conscience de n'appartenir qu'à elle-même, de vivre sous la loi

constante d'une même discipline. Elle s'enorgueillissait de sa vieille histoire, que chaque soldat apprenait à l'école de son régiment et par le moyen naturel d'une tradition vivante qui forme le culte du drapeau; elle se conservait pure de toutes ces influences dissolvantes des temps modernes qui affaiblissaient le gouvernement dans presque toutes ses branches.

Il y avait unité de principe, unité de pensée, unité de commandement. Le souvenir d'un ancien honneur se rajeunissait sans cesse. Et, quand cet honneur reconnut qu'on voulait lui porter atteinte, on le vit éclater avec plus de force, en raison des difficultés qui se présentaient et dont il finit par triompher.

L'histoire en a déjà recueilli les nombreux et glorieux témoignages. Elle a nommé les chefs qui lui ont ouvert cette carrière d'une gloire nouvelle, plus difficile que celle des anciens champs de bataille.

Il n'appartient pas à ce livre d'en faire le récit. Il est cependant un fait qui doit y trouver sa place; car il est à la fois la preuve la plus évidente de la puissance d'organisation de cette armée, et la réfutation la plus éloquente de tout ce que les détracteurs de l'Autriche ont avancé de faux relativement à la guerre de Hongrie.

A peine cette guerre venait-elle d'être terminée, que tous les soins du gouvernement durent être voués à la pacification du pays. Il avait été si profondément agité, si complétement bouleversé, que l'œuvre devait paraître difficile. Les anciens régi

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