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vernement. Cet empire s'est montré d'abord plus faible qu'on ne l'avait présumé, plus fort ensuite qu'on ne l'aurait cru possible désormais. Il était nécessaire d'indiquer, au moins à grands traits, les causes de ce double phénomène.

L'Angleterre ne pouvait exercer d'influence sur l'Autriche que par l'Italie; il ne pouvait pas convenir au caractère de sa politique actuelle d'y être neutre. Depuis longtemps elle ne voulait plus être l'alliée de l'Autriche, elle lui fut donc hostile, hostile comme elle sait l'être, quand elle veut l'être, sans aller jusqu'à la guerre. Nous le montrerons plus tard.

Comme cet écrit a pour objet de montrer la position qu'a prise l'Angleterre vis-à-vis du continent, et que nécessairement l'empire d'Autriche est par sa position autant que par son étendue un des éléments principaux de ses calculs, l'examen de cette première base exigeait de ne laisser subsister aucun doute sur la nature comme sur les causes des événements qui ont eu lieu en Autriche.

Ce travail préliminaire fait, nous allons passer aux questions générales que suscite la position qui a été faite à l'Europe par le cataclysme politique de l'année 1848. Nous chercherons à distinguer entre la part directe et la part indirecte qu'y a prise l'Angleterre.

On lit dans l'écrit: Révision, par M. de Cormenin, 1851, page 39, le passage suivant :

« Je mets au défi de réintégrer en France une monarchie qui ne donnerait pas le gouvernement des chambres et la liberté de la presse; et je mets

au défi une monarchie qui donnerait la liberté de la presse de durer plus de trente-six mois.

« La question ne se posera plus désormais en Europe, dans les grands gouvernements, qu'entre la monarchie absolue et la république. >>

Ce serait avoir l'esprit trop hardi que de vouloir donner la solution d'une question ainsi posée. Les feuilles qui suivent se borneront donc à entrer dans la discussion des différents éléments dont elle se compose. Ces éléments ne sont pas ceux d'une théorie politique, mais bien ceux du mouvement social, tel qu'il existe aujourd'hui.

Nous changerons donc la position de la question, et nous demanderons :

Le développement des affaires pourra-t-il conduire l'Europe au but que veulent atteindre ceux qui se sont chargés de la direction de ses destinées ?

II.

De toutes parts surgit une question : le gouvernement représentatif parlementaire peut-il se soutenir? L'histoire de France, depuis l'année 1815, ne prouve-t-elle pas son impossibilité? Mais, s'il ne peut pas se soutenir, par quoi pourra-t-il être remplacé? Faudra-t-il sacrifier la liberté, qui est le principe du mouvement des États modernes ? Le vice n'est-il pas plutôt dans la forme que dans le principe? Et s'il faut sauver le principe de la liberté, peut-il être sauvé autrement que par une forme constitutionnelle? En effet, la liberté politique, pour ne pas devenir du despotisme ou de l'anarchie, a plus que tout autre état politique, besoin d'être fortement constituée; c'est-à-dire que l'idée de constitution est inséparable de l'idée de liberté.

Une femme qui avait assez d'esprit pour n'avoir pas besoin d'être belle, a dit que ce n'était pas la liberté qui était nouvelle en Europe, mais le despotisme. Il y avait dans le moyen âge beaucoup plus d'indépendance politique que dans les temps modernes. Cette indépendance avait pour base le fractionnement des États. Ce fractionnement nuisait au développement de la puissance. La vie des États les conduit nécessairement à un principe de cen

tralisation qui ne peut jamais se réaliser qu'aux dépens de l'indépendance des fractions. Dans ce cas, la puissance de l'État augmente à mesure que la liberté des fractions diminue. Il y a dans un emploi rationnel de la puissance le principe de l'augmentation de la richesse; parce que la puissance, qui n'a pu s'établir que par l'affaiblissement des fractions, possède tous les moyens de faire disparaître les obstacles que les intérêts particuliers opposaient à l'intérêt général. Dans une pareille situation, tout est préparé pour le despotisme. Nous l'avons vu s'établir. La force des choses amène la soumission d'esprits autrefois indépendants. Chaque fraction, chaque classe, chaque individualité regrette les libertés perdues. De ce sentiment de regret devait naître l'idée d'une liberté nouvelle. Il était impossible de revendiquer d'anciens droits de liberté. Tous avaient été détruits; leur principe, comme leur forme. Ce fut donc au nom de théories philosophiques que se fit l'infiltration dans tous les esprits de l'idée d'une nouvelle liberté. La scène s'agrandit. Ce ne fut plus au nom de provinces dépouillées, d'associations détruites, de corporations désarmées, ayant perdu tous les prestiges de positions qui avaient été fortes d'ancienne gloire et de richesse, qu'il aurait été possible de combattre un pouvoir concentré, qui réunissait en lui tant de forces jadis éparses. On opposa donc les droits de l'homme au pouvoir du prince, qui n'était lui-même qu'un homme semblable à tous les autres, et les droits de l'humanité à ceux que l'État avait usurpés.

La genèse de ces nouvelles théories est indiquée par les courtes observations qui précèdent; mais il faut leur donner plus de corps pour la faire mieux comprendre.

Y a-t-il dans l'organisation sociale de l'Europe actuelle la possibilité qu'une grande nation puisse se constituer en république?

Parmi les questions qui sont mises aujourd'hui en discussion, celle-ci est la plus essentielle; car sa solution doit nécessairement modifier toutes les autres. Ce qui constitue essentiellement le principe républicain, c'est l'idée que la base du gouvernement doit reposer sur une organisation collective. La mesure donnée à cette organisation formera une république aristocratique ou démocratique, ou bien une république mixte, tempérée par un simulacre de monarchie.

Une organisation collective, pour être républicaine, doit nécessairement reposer sur le principe de l'élection. Le caractère du gouvernement de la république sera déterminé par les modifications de l'élection, depuis le suffrage universel, jusqu'à l'élection la plus restreinte.

Une modification plus restreinte encore du principe républicain sera celle qu'une partie des pouvoirs soit héréditaire.

Mais n'importe la forme qui peut être donnée à un gouvernement républicain, cette forme et par conséquent la république elle-même ne pourra se maintenir, si les mœurs ne la soutiennent pas. Plus elle se rapprochera du principe pur de la république, plus elle aura besoin de l'appui des mœurs.

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