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LE DÉCRET DU 25 JUILLET 1885

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ral Prendergast pénétrait dans Mandalay avec une petite armée, dictait la loi à Thibô et annulait l'influence française en Birmanie.

Dans le département ministériel de M. Goblet deux très importantes mesures, peu remarquées alors, en dehors du monde spécial des universitaires, inaugurèrent la réforme de l'enseignement supérieur, entrevue par MM. Waddington et Jules Ferry et qui ne devait aboutir qu'au mois de Juillet 1896, onze ans juste après le premier des deux décrets qui furent rendus sur l'initiative du ministre de l'Instruction Publique.

Le décret du 25 Juillet 1885 autorisa les Facultés à recevoir des dons, legs et subventions, à administrer ces ressources, à discuter et à arrêter les programmes des cours, Â présenter des candidats pour le décanat. C'était un commencement d'autonomie donné aux Facultés qui depuis 1808 étaient étroitement subordonnées à l'administration centrale. Un nouveau pas fut fait dans cette voie par le décret du 28 Décembre, qui créa dans chaque chef-lieu académique un Conseil général composé des représentants de chaque Faculté ou École d'enseignement supérieur, élus en partie par la Faculté ou par l'École, délibérant sous la présidence du recteur et chargé de répartir entre les Facultés les fonds affectés aux services communs.

Par leur portée, par les conséquences qui en découlèrent tout naturellement, les décrets de Juillet et de Décembre 1885 nous apparaissent, à distance, comme l'acte le plus remarquable qui se soit accompli sous le Ministère de M. Henri Brisson.

Le jour même où le décret de Décembre était signé, le Congrès se réunissait à Versailles et, après que la Droite eut retardé ses travaux par un violent tumulte, comme protestation contre l'absence des députés invalidés, il reportait M. Grévy à la Présidence de la République, avec cent voix de

moins qu'en 1879. M. Brisson, qui n'était pas candidat, réunit 68 suffrages. Les craintes que faisait concevoir la composition de la Chambre des Députés n'étaient pas étrangères à la réélection de M. Grévy. On oublia d'autant plus facilement ses fautes, qui étaient un peu celles de son entourage, que les républicains modérés en avaient surtout souffert et que ces républicains, hommes de Gouvernement, par discipline, par sentiment des nécessités politiques sont moins portés à la rancune. D'ailleurs, dans l'état d'esprit où se trouvaient, le 28 Décembre 1885, les 383 députés républicains, on ne voit pas trop quel meilleur choix ils auraient pu faire.

Réélu dans les Vosges, avec toute la liste républicaine, M. Jules Ferry était encore sous le coup des colères, des haines qui avaient amené sa chute, le 30 Mars, et d'une impopularité qui devait mettre huit années à se dissiper seulement en partie. M. Brisson, outre que ses opinions étaient un peu plus avancées que celles de la majorité du Congrès, surtout que celles de la majorité de la France, était rendu. responsable du résultat des élections d'Octobre et de fautes qu'il n'avait pas commises. M. Clémenceau n'avait d'influence que sur une minime fraction du parti radical; dans le pays son autorité était restreinte et son programme semblait peu rassurant. M. de Freycinet avait contre lui la ruine partielle de l'influence française en Égypte et plus récemment son adhésion à la politique de conservation coloniale, son discours en faveur du vote des crédits du Tonkin et de Madagascar qui lui enlevaient presque tous les suffrages sur lesquels il aurait pu compter en toute circonstance. M. SadiCarnot, appelé aux grandes affaires depuis le 6 Avril seule ment, n'avait joué qu'un rôle effacé comme ministre ; comme député, les ordres du jour de confiance qui portaient habituellement sa signature n'étaient pas pour le recommander

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REELECTION DE M. GRÉVY

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auprès des radicaux et des intransigeants. M. Floquet, enfin, n'avait jamais été ministre et les souvenirs de 1867 lui interdisaient la première place de l'État. La nomination de M. Jules Grévy, qui bénéficiait encore des tristes résultats qu'avait donnés la première expérience d'un scrutin auquel il était opposé, s'imposait donc presque fatalement, en l'absence d'un autre candidat présidentiel ayant de sérieuses chances de succès; il était de plus le beatus possidens et bien que le renouvellement de la Présidence fût contraire. aux principes démocratiques, sa réélection se fit d'ellemême. On vota pour lui sans enthousiasme mais sans hésitation.

Le 29 Décembre M. Henri Brisson remit la démission du Cabinet au Président de la République et la session de 1885 fut déclarée close. Au terme de cette médiocre année 1885, où tous les pouvoirs publics avaient été renouvelés, la France se trouvait en présence d'un vieux Président, d'un Sénat excellent, d'une Chambre sans majorité et d'un Cabinet démissionnaire; la lassitude, le découragement, l'incertitude de l'avenir régaient partout; le pays n'avait ni la conscience de soi-même, ni l'énergie persévérante qui font les nations puissantes : l'heure critique de la République avait sonné.

Radical par les personnalités de MM. Brisson, Goblet, de Freycinet et P. Legrand, le Cabinet du 6 Avril avait été opportuniste par ses actes. En dehors de quelques avances à la Gauche et de quelques épurations regrettables, il n'est pas une de ses paroles que n'eût contresignée un Cabinet plus modéré, pas une mesure qu'il n'eût prise. Si M. Jules Ferry avait été au pouvoir avant les élections de 1885, il est bien probable que le Gouvernement, sans sortir d'une neutralité qui s'impose à toute administration vraiment libérale, eût guidé les votants par quelque déclaration très ferme et affirmé la politique de conservation républicaine et de pro

grès démocratique qui avait été la sienne. Par un respect scrupuleux pour la liberté des électeurs, M. Henri Brisson n'a pas fait cette déclaration ni affirmé cette politique. Il n'en a pas moins gouverné comme l'eût fait M. Jules Ferry et, après avoir rendu au pays les services que l'on attendait de lui, il est rentré dans le rang, sans amertume ni récrimination, avec la dignité tranquille et simple dont il ne s'est jamais départi. Son nom ne sera pas prononcé dans les innombrables combinaisons ministérielles qui vont s'élaborer désormais; sa voix frémissante de douleur et d'indignation ne se fera entendre que lorsque le Césarisme renaissant menacera son idéal de raison, de justice et de moralité : nous voulons dire la République.

CHAPITRE IX

LE TROISIÈME MINISTÈRE DE FREYCINET

Du 7 Janvier au 11 Décembre 1886.

La combinaison du 7 Janvier.

M. de Freycinet Prépondérance des radicaux. Le Message du 14 Janvier. La Déclaration du 16 Janvier. L'urgence sur l'amnistie. - Les interpellations. — La grève de Decazeville. L'affaire de Châteauvillain. Les tarifs des chemins de fer. L'abus des interpellations. Les propositions Duché et Rivet. Les trois majorités. La fête du 15 Mai. loi d'expulsion à la Chambre. La loi d'expulsion au Sénat. princes-officiers, Le général Boulanger en 1886.

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La

- Les

La revue du
La loi

La

14 Juillet. —L'œuvre législative de la session ordinaire. sur les Caisses de retraite pour la vieillesse. Les élections départementales des 1er et 8 Août. - Le Parlement hors session. grève de Vierzon et la séance du 18 Octobre. Le budget de M. Sadi-Carnot. La Commission du budget de 1887. - L'œuvre de M. Goblet en 1886. L'enseignement L'enseignement supérieur. secondaire moderne.

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La loi du 30 Octobre en première délibération au Sénat. La seconde délibération au Sénat. La nomination des instituteurs par les préfets. La loi sur l'enseignement primaire à la Chambre. La politique coloniale de M. de Freycinet les Protectorats. Les derniers La politique extérieure. actes de M. de Freycinet à l'extérieur. L'évolution de Léon XIII. — L'amendement de M. Colfavru. Chute du Ministère du 7 Janvier.

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Il fallait que le parti républicain fût bien pauvre en hommes pour qu'après la retraite de M. Brisson, en l'absence de tout principe et de toute direction, l'on soit retombé presque fatalement à M. de Freycinet. Son plan de travaux publics, si onéreux pour le Trésor, son attitude en face des congrégations en 1880, les fautes de sa politique extérieure en 1882, auraient dù le tenir longtemps éloigné du pouvoir. D'autres en ont été écartés à tout jamais pour de moindres erreurs. Ils n'avaient pas la merveilleuse souplesse de M. de Freycinet; ils n'excellaient pas comme lui à se diriger au

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