PREMIÈRE PARTIE

INTRODUCTION

Le Mouvement sociologique international a organisé deux enquêtes à base de questionnaire systématique, dont les réponses sont publiées sur fiches détachables et classables au gré du lecteur. L'une a trait à la sociologie générale, et la première application a été faite au système du professeur américain L. Ward (1). L'autre s'occupe des peuples de civilisation inférieure; les premières publications sont relatives aux peuplades de l'Ouelé (Afrique) (2).

La critique internationale a fait un accueil encourageant à ces essais, qui vont se poursuivre sans interruption.

Aujourd'hui, il s'agit de faire un pas de plus en avant et d'appliquer la méthode non plus seulement à la sociologie pure et à la sociologie descriptive des peuples de civilisation inférieure, mais aux structures sociales, envisagées dans leur individualité spécifique.

Parmi les structures sociales, il en est une qui fixe de plus en plus l'attention du monde civilisé; elle se développe et

(1) Voir le numéro de mars 1907 du Mouvement sociologique international. Bruxelles de Wit et Institut International de Bibliographie.

(2) Ibidem.

se multiplie sous nos yeux avec une rapidité et une fécondité qui prouvent qu'elle correspond à un besoin sans cesse grandissant c'est l'association internationale au sens moderne du mot, une des expressions les plus caractéristiques de la solidarité des peuples, le composé, pourrait-on dire, de la notion de l'internationalisme dans ce qu'elle a de plus élevé et de plus fécond.

Si l'on néglige les formes élémentaires de ce phénomène sociologique qu'est l'association internationale, et que l'on considère la forme adulte, arrivée à maturité et généralisée à notre époque, il paraît, à première vue, que cinq caractères constitutifs doivent être notés.

Les réponses à l'enquête que le Mouvement sociologique international ouvre aujourd'hui démontreront s'il faut étendre ou restreindre ces caractères, indiqués provisoirement, pour délimiter le champ d'investigation.

Le premier caractère est l'internationalisation. Pour qu'une association soit internationale, il faut que ses membres effectifs appartiennent à des nations différentes. Idéologiquement, le terme international se différencie, s'il ne s'oppose à national. Peu importe que les éléments composants soient des États, des groupements, des individus ou des mélanges à des doses diverses de deux ou trois de ces catégories sociologiques; une conséquence de ce premier caractère est d'exclure de notre enquête les institutions dont les membres étrangers sont seulement d'appoint, sans égalité de droit avec les nationaux, comme, en général, les grandes académies, l'Institut de France, l'Académie. royale de Belgique, etc.

Mais il ne suffit pas que ces associations soient internationales, il faut qu'elles soient ouvertes aux éléments semblables des diverses nations qui ont le désir d'y entrer, pourvu que ceux-ci (États, groupements, particuliers, etc.) se conforment aux

conditions contractuelles des conventions ou des statuts. En ce

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sens, l'association internationale moderne est « humanitaire »>, libre, accessible à tous, du moins à tous ceux qui ont atteint le degré de culture exigé. Cette constatation exclut de notre enquête les alliances politiques, comme la Triplice.

Un troisième caractère résulte du but de l'association inter nationale qui sera général, «< omninational » ou « mondial ». Pas d'objet régional, comme celui des associations des riverains du Danube, du Pruth ou de la mer du Nord. Le but sera tel que toutes les nations, de par leur nature, doivent s'y intéresser et y participer, pour peu qu'elles aient le souci de leur devoir vis-à-vis d'elles-mêmes et de la solidarité internationale.

Un quatrième caractère essentiel, c'est que l'association internationale n'ait point de but lucratif, au sens usuel et juridique. Ainsi s'écartent les associations économiques proprement dites.

Enfin, en cinquième lieu, pour mériter vraiment son titre, l'association internationale moderne doit avoir abouti à une institution permanente, sorte de substrat d'un pouvoir exécutif qui vit et fonctionne avec continuité. Peu importe le nom que porte cette institution permanente, qu'elle soit office ou bureau, conseil ou union, comité ou commission, institut ou secrétariat, etc. De ce chef sont exclus les réunions temporaires comme telles, les congrès et même les conventions ou traités qui ne donnent pas lieu à institution internationale, unique ou centrale ainsi, les conventions entre États relatives aux échanges littéraires et artistiques internationaux qui ont donné naissance seulement à des services nationaux pour l'exécution et qui ne possèdent nulle part un centre d'opération; ainsi aussi les traités de commerce ou autres semblables (').

Donc, l'association internationale peut être provisoirement définie une association ouverte - dont les membres effectifs

(4) Assurément, il y a divers degrés dans le plus ou moins de généralité du but de cette institution permanente elle-même. Les degrés élémentaires paraissent pouvoir être exclus de cette enquête sans inconvénient; tel le bureau d'un congrès international, chargé seulement de préparer le congrès futur.

appartiennent à des nations différentes

association qui pour

suit un but général ou mondial — non lucratif organe d'exécution une institution permanente.

et a comme

Assurément, cette définition est purement indicative; elle sera rectifiée après l'enquête, si les résultats l'exigent.

Telle qu'elle apparait, la définition proposée est trop vaste encore. Il est une série d'associations internationales très connues ou trop complexes pour pouvoir entrer dans notre cadre. d'études. Telles les associations philosophiques et religieuses, comme les Églises des religions universelles. Telles aussi les associations à caractère exclusivement politique, comme l'Internationale socialiste. Telles, enfin, les associations plus ou moins mixtes, comme la franc-maçonnerie.

Comme pour la sociologie générale, le système le meilleur pour les structures sociales paraît être un questionnaire simple et général, dont les rubriques seraient aussi peu nombreuses que possible, quitte à laisser naitre sous chacune d'elles les sous-questions et les réponses suivant les besoins de chaque analyse. L'essentiel, c'est que les réponses de même nature soient toujours comparables entre elles.

Il a semblé que la formule du questionnaire de la sociologie générale (1) pourrait être adapté ici, mutatis mutandis.

Dans cette hypothèse, toujours rectifiable par la critique scientifique, voici le plan proposé :

I. Définition de l'association internationale.

II. Histoire de l'association internationale.

III. Classification de l'association internationale (genres et espèces).

IV. Comment l'association internationale s'est formée?

(1) Voir le numéro de mars 1907 du Mouvement sociologique international, p. 9.