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expressions, par expropriation, ne doivent s'appliquer qu'à l'aliénation par expropriation proprement dite, qui ne peut être que l'adjudication qui se fait à la suite d'une saisie immobilière.

Il est vrai qu'il est dit dans l'arrêt: « Attendu que l'on ne peut pas argumenter de ce qui se pratique dans le cas de la vente par licitation, ou de celle pour cause d'utilité publique, parce que ces ventes, quoique judiciaires, étant considérées comme volontaires, ne sont pas soumises à toutes les formalités requises pour les ventes par expropriation forcée.>> On pourrait prétendre que la Cour de cassation n'a entendu priver de l'effet de purger les hypothèques légales, que les ventes judiciaires de la nature de celles qui se font par licitation, ou pour cause d'utilité publique, telles que les ventes de biens de mineurs, des successions vacantes, etc.; et qu'y ayant une différence entre ces ventes et l'adjudication qui se fait à la suite d'enchères sur vente volontaire, il doit être de ces dernières, relativement aux hypothèques légales, comme de l'adjudication sur saisie immobilière.

Mais ce raisonnement ne serait pas concluant. Dans l'arrêt, les ventes par licitation, et celles pour cause d'utilité publique, sont rappelées par forme de démonstration, et non par forme de limitation. Il n'en résulte donc pas que la Cour de cassation ait entendu attribuer l'effet de purger les hypothèques légales à l'adjudication faite à la suite d'enchères sur vente volontaire, dont les formes, quoique différentes de celles des ventes par licitation, pour cause d'utilité publique, et autres semblables, ne sont cependant pas celles de l'expropriation forcée proprement dite, c'està-dire, de l'adjudication sur saisie immo

bilière.

D'ailleurs, j'ai dit au no 489, que malgré les expressions, suivant les formes établies pour les expropriations forcées, qui sont énoncées dans l'art. 2187 du Code civil, on ne pouvait comparer l'adjudication sur vente volontaire, à l'adjudication sur saisie immobilière; que cela résultait même de

TOME II.

l'arrêt de la Cour de cassation, du 22 juin 1819, qui y est rappelé.

492. Le mot transcription, en matière d'hypothèque, fait toujours naître l'idée de l'insertion d'un acte translatif de propriété sur un registre public pour le faire connaître à des tiers, afin que ceux-ci prennent des mesures conservatoires. Il y a cependant des cas où la transcription peut être commandée, quoiqu'elle n'ait point cet objet; ou au moins la simple possibilité que cette transcription doive être faite suffit pour autoriser la perception de droit attachée à la transcription. L'adjudication sur saisie immobilière offre cet exemple. Les difficultés qui s'élèvent à ce sujet, sont autant subordonnées aux lois de finance qu'aux lois purement relatives au régime hypothécaire ; et on sent qu'on doit également obéir aux unes et aux autres. Il ne s'agit que de les combiner avec justesse. C'est dans un arrêt de la Cour de cassation, du 25 juillet 1821, section civile, qu'on doit puiser les motifs de décision. Cet arrêt, a été rendu entre la direction de l'enregistrement et M. le comte Cornudet, pair de France.

M. Cornudet s'était rendu adjudicataire d'un domaine sur saisie immobilière. Ayant soumis son adjudication à l'enregistrement, il fut perçu un droit de cinq et demi pour cent, conformément à l'article 52 de la loi du 28 avril 1816. Il réclama contre la perception d'un et demi pour cent, au delà des quatre pour cent qui, selon lui, auraient seulement dû être perçus pour droit d'enregistrement. Ayant succombé au tribunal civil de Riom, il se pourvut en cassation. Je vais rendre en résumé ses moyens et ceux employés en réponse par la direction de l'enregistrement.

L'article 69, § 7, no 1er de la loi du 22 frimaire an 7, disait-on pour M. Cornudet, porta le droit d'enregistrement, pour les ventes d'immeubles, à quatre pour cent, non compris le droit de transcription qui fut conservé; lequel droit était fixé, d'après la loi du 11 brumaire, à un et demi pour cent du prix dela vente. Il est bien résulté de la combinaison des

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art. 52 et 54 de la loi du 28 avril 1816, que les actes de vente qui seraient soumis à l'enregistrement, seraient susceptibles aussi de la perception d'un et demi pour cent pour le droit de transcription; mais, disait-on, ces articles ne doivent s'entendre que des actes qui seraient de nature à être transcrits au bureau des hypothèques. Or, les adjudications sur saisie immobilière ne sont pas de cette nature; donc le droit de transcription a été indûment perçu.

On répondait de la part de la direction de l'enregistrement, 1o que l'art. 52 de la loi du 28 avril 1816 renferme une disposition générale qui s'applique, sans distinction ni exception, à toutes ventes quelconques, soit volontaires, soit judiciaires; qu'il n'y avait qu'un seul droit d'établi, qui était celui de cinq et demi pour cent; 2° qu'il n'était pas exact de dire que l'adjudication sur saisie immobilière ne fût pas de nature à devoir être transcrite; qu'elle devait l'être pour qu'il fût pris, de la part du conservateur des hypothèques, contre l'adjudicataire, sur l'immeuble adjugé, une inscription d'office pour conserver le droit de la partie saisie, sur ce qui pourrait rester du prix de l'adjudication après que tous les créanciers colloqués auraient été payés; que cette inscription d'office était indispensable pour conserver ce restant exclusivement aux créanciers auxquels l'adjudicataire, après l'adjudication, pourrait hypothéquer l'immeuble dont il serait devenu propriétaire par l'effet de cette adjudication. Il faut convenir en effet que ce moyen pouvait être établi sur l'art. 774 du Code de procédure, qui ne peut avoir été conçu que dans ce sens : L'inscription d'office, y est-il dit, sera rayée définitivement, en justifiant, par l'adjudicataire, du paiement de la totalité de son prix, soit aux créanciers utilement colloqués, soit à la partie saisie, et de l'ordonnance du juge commissaire qui prononce la radiation des inscriptions des créanciers non colloqués. » Ces mots, l'inscription d'office, et ceux-ci, soit à la partie saisie, font supposer la nécessité de la transcription de l'adjudica

tion; ou si ce n'est pas une nécessité absolue, c'est au moins la possibilité que la transcription doive se faire dans la suite. C'est dans cette idée qu'avait été rendu le jugement du tribunal de première instance de Riom, qui avait statué sur la contestation.

Le pourvoi contre ce jugement fut rejeté par ces motifs : « Attendu que l'article 52 de la loi du 28 avril 1816, contient une disposition spéciale aux mutations à titre de vente, et qu'en fixant le droit d'enregistrement des ventes d'immeubles à cinq et demi pour cent, il n'a pas distingué des ventes ordinaires, les ventes par adjudication sur poursuites judiciaires; - Attendu que la disposition particulière par laquelle le même article a ajouté que la formalité de la transcription ne donnera plus lieu à aucun droit proportionnel, n'a eu pour objet que de dispenser à l'avenir les ventes, lorsqu'elles seraient transcrites, du droit auquel était précédemment assujettie la formalité de la transcription;

Attendu enfin que l'art. 54 de la même loi, loin de modifier l'article 52, n'a fait qu'en étendre la disposition; d'où il suit que le jugement attaqué n'a violé ni l'article 52, ni l'article 54 précités. »

Que résulte-t-il de cet arrêt, en dernière analyse? c'est l'assujettissement au paiement d'un droit de transcription, par l'effet de la nécessité très accidentelle où l'on pourrait se trouver d'en venir à la transcription même, pour se procurer la radiation d'une inscription d'office qui peut être prise par le conservateur dans l'intérêt de la partie saisie, qui figure ici comme un vendeur. Cette inscription ne peut être radiée que sur une adjudication non seulement enregistrée, mais encore transcrite. Il est très rare qu'il reste une partie du prix de l'adjudication, après que les créanciers inscrits et venus à l'ordre ont été payés. Il arrive plus souvent qu'ils ne le sont pas tous; aussi l'art. 774 ci-dessus cité veut que le juge commissaire prononce la radiation des inscriptions des créanciers non colloqués. On ne conçoit pas facilement qu'un adjudicataire puisse, par des hypothèques

pour créances personnelles sur l'immeuble qu'il vient d'acquérir à ce titre, frustrer, soit les créanciers inscrits, soit la partie saisie, du prix dont le paiement est une condition inhérente à cette adjudication. Il peut se libérer du prix entier de l'adjudication, ou par le paiement aux parties intéressées, ou par la consignation. Cependant n'étant pas vrai que l'adjudication soit un acte de nature à ne pouvoir être transcrit, et étant possible qu'elle doive l'être, cette possibilité seule suffit pour légitimer la perception du droit.

Mais toujours est-il vrai qu'il s'agit là d'une transcription particulière, qu'on ne peut comparer, sous aucun rapport, à la transcription vraiment légale, qui est un acte important dans notre législation hypothécaire. Celle-ci prépare la purgation des hypothèques dont l'immeuble vendu est grevé; elle appelle les mesures conservatoires de la part de tous les créanciers. L'autre s'applique comme accessoire à un acte qui, de sa nature, purge toutes les hypothèques qui déjà ont été connues. Car tel est le caractère de l'adjudication : elle purge tout, sans le secours d'aucune formalité ultérieure.

493. Les raisonnemens que j'ai faits pour décider la question que je viens de traiter, s'appliquent au cas de l'adjudication par suite d'enchères sur vente volontaire. Il faut toujours bien distinguer la transcription nécessaire que j'appelle légale, qui est celle de la vente, dont l'objet est le moyen de connaitre les créanciers du vendeur, et de parvenir à la purgation des hypothèques, de la perception d'un droit de transcription qui se fait en vertu des art. 52 et 54 de la loi du 28 avril 1816. Je l'ai déjà dit, ce droit est perçu dans l'idée de la simple possibilité qu'une transcription doive avoir lieu accidentellement, et abstraction faite de tous moyens nouveaux de, purger l'immeuble d'hypothèques qui l'ont déjà été par l'adjudication.

Ainsi, quand un jugement d'adjudication par suite d'enchères sur vente volontaire est présenté par l'adjudicataire pour être enregistré, soit que cet adjudicataire

soit l'acquéreur qui a été le dernier enchérisseur, soit que l'adjudication ait été faite à tout autre que l'acquéreur, on conçoit qu'il puisse être perçu, en même temps, un droit de transcription. Cependant il est juste que l'adjudicataire, quel qu'il soit, ne doive un droit d'enregistrement et un droit de transcription qui en est un accessoire, que proportionnellement à l'excédant du prix de l'adjudication sur celui de la vente. Dès qu'on a perçu un droit d'enregistrement et de transcription sur le prix de la première vente, le même prix ne peut de nouveau être passible du même droit. Il ne reste de soumis à ce droit que l'excédant du prix et les frais faits sur l'adjudication, qui en font partie. Je crois aussi que c'est ce qui se pratique de la part des préposés de la direction de l'enregistrement. Ce droit de transcription est dû, comme celui de l'enregistrement, abstraction faite de toutes autres considérations. Il est dû par cela seul que, d'après les art. 52 et 54 de la loi du 28 avril 1816, ces deux droits s'identifient et rentrent l'un dans l'autre. Telle est l'idée que présente l'arrêt de la Cour de cassation, du 25 juillet 1821.

Néanmoins, pour ce cas même comme pour celui de l'adjudication sur expropriation forcée, la perception du droit de transcription pourrait être fondée sur la loi civile, qui alors viendrait à l'appui de la loi de finance. On pourrait dire, en argumentant, par analogie, de l'art. 774 du Code de procédure, que de même qu'une inscription d'office peut être prise dans l'intérêt de la partie saisie, pour le restant du prix après que les créanciers seraient payés, de même aussi une pareille inscription pourrait être faite dans l'intérêt de celui qui aurait droit au restant du prix dans le cas de l'adjudication sur vente volontaire, qui serait ou le vendeur, ou l'acquéreur, n'importe lequel. Voyez les n° 468 et 469.

Tout se réduit donc à la perception par avance du droit de transcription. L'adjudicataire aura ensuite la liberté de faire transcrire le jugement d'adjudication, si

bon lui semble. On sent qu'il est difficile d'en prévoir la nécessité. Mais toujours est-il certain que la transcription qui se ferait de ce jugement, ne serait relative qu'à la conservation du restant du prix, s'il y en avait un. Il doit toujours demeurer pour constant que cette transcription ne peut être comparée, quant aux effets, à la transcription primitive, je veux dire celle de la vente. On ne peut soutenir que cette transcription pût donner ouverture, dans la quainzaine du jour où elle serait faite, à de nouvelles inscriptions de la part des créanciers du vendeur, soit antérieurs à la vente, soit postérieurs à cette vente, mais antérieurs à l'adjudication; que ces nouvelles inscriptions dussent autoriser de nouvelles enchères, et qu'enfin on dût en venir à une nouvelle purgation d'hypothèques. Tout est purgé par l'adjudication. On ne conçoit même pas, d'après l'esprit de notre législation, et surtout d'après l'art. 834 du Code de procédure, que des inscriptions prises après l'expiration de la quinzaine, à compter de la transcription de la vente, puissent, en aucun temps, être attributives d'hypothèque sur l'immeuble. Si l'on voulait admettre que de nouveaux créanciers pussent s'inscrire sur la transeription de l'adjudication, comme sur la première vente, on ne saurait où s'arrêter sur le nombre des adjudications et des transcriptions ultérieures. En sorte que la loi aurait creusé un abime sans fond, précisément par les moyens qu'elle aurait pris pour l'éviter.

Dès le moment de la vente, le vendeur n'a plus eu aucun droit de propriété sur l'immeuble vendu. S'il y a un restant sur le prix, après que tous les créanciers auraient été payés, ce restant est dévolu à celui qui doit l'avoir, ou du vendeur ou de l'acquéreur; mais à tout autre titre que celui d'hypothèque. Ce restant ne donne prise, à l'égard de tout créancier quelconque, qu'à des saisies et arrêts, telles qu'elles ont lieu pour des objets purement mobiliers. L'arrêt de la Cour royale de Paris, du 3 avril 1812, qui est rendu dans des idées contraires, ouvrirait la

porte la plus large à tous les inconvéniens que je viens de signaler. Aussi, je persiste dans tout ce que j'ai dit, relativement à cet arrêt, au no 472.

494. L'ordre ne peut être attributif d'aucun droit particulier en faveur des créanciers; il est seulement l'exécution de l'adjudication, lors de laquelle toutes les hypothèques inscrites ont été converties en actions sur le prix. Il est seulement déclaratif de ce que l'hypothèque assurait à chacun des créanciers. Il règle le rang des hypothèques, suivant le droit acquis à l'époque de l'adjudication à laquelle il se réfère. Ce principe est fécond en conséquences. Voyez les no 108 et suivans de ce Traité, et le no 473.

Après avoir développé les dispositions et les conséquences de l'art. 2151 du Code civil, je me suis arrêté au no 102, sur la question de savoir si l'inscription était nécessaire de la part des créanciers pour la conservation des intérêts qui courraient à compter de l'adjudication. Je me suis contenté de m'y décider pour la négative. Mais je sentais que la question demandait un plus grand développement; et voulant me borner alors à établir le principe posé par l'art. 2131, et à indiquer les exceptions dont cet article est susceptible, j'ai renvoyé ce développement au présent chapitre.

Ayant renoncé au projet que j'avais, lorsque j'en étais au no 102, d'entrer dans quelques détails sur ce qui concerne la saisie immobilière et l'ordre, parce que j'ai cru que cette matière était étrángère à l'objet de mon travail, et que ce serait trop m'allonger, je n'aurais pas rappelé cette question si je n'avais pas été jaloux de coordonner toutes les parties de ce Traité. Mon dessein était d'entrer dans une dissertation où j'aurais expliqué les résultats des art. 757, 767 et 770 du Code de procédure, où j'aurais combiné l'art. 19 de la loi de brumaire an 7 avec l'art. 2131 du Code civil. Mais, depuis, j'ai remarqué dans la 3o édition des Questions de droit de M. Merlin, aux mots Inscription hypothécaire, § 2, pag. 394 et suiv., un développement si lumineux

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495. L'HYPOTHÈQUE et le privilége sont, comme nous l'avons déjà dit dans le cours de cet ouvrage, des droits réels et accessoires qui garantissent une obligation principale.

Tout ce qui éteint cette obligation doit donc aussi éteindre les priviléges et hy pothèques, car l'accessoire ne saurait exister sans principal; cum principalis causa non consistit, nec ea quidem quæ sequuntur locum habent. L. 139, ff. de reg. jur. Mais comme l'accessoire ne réagit pas également sur le principal, les priviléges et hypothèques sont soumis à des modes particuliers d'extinction, qui ne touchent pas à l'existence de l'obligation.

Ces idées aussi simples que vraies tracent naturellement la division du présent chapitre en deux paragraphes. Dans le premier, nous traiterons de l'extinction des priviléges et hypothèques, opérée par l'extinction de l'obligation.

Dans le second, nous parlerons de l'extinction des priviléges et hypothèques indépendamment de l'existence de l'obligation principale.

Les règles relatives à la radiation des inscriptions seront le sujet d'un troisième paragraphe.

Nous ne rappellerons pas toutes les causes d'extinction de l'obligation principale, et par conséquent de l'hypothèque ; nous négligerons celles qui rentrent absolument dans les principes généraux du droit. Nous passerons donc sous silence les extinctions qui dérivent de la remise volontaire, de la compensation, de la confusion, de la perte de la chose due, de la perte de l'immeuble sur lequel repose l'hypothèque, et de plusieurs autres causes qui ont le même effet, telles, par exemple, que le paiement fait par le débiteur lui-même, et les offres suivies de consignation. Il n'est personne qui ignore que le paiement, pour opérer la libération, doit être valable, c'est-à-dire, qu'il doit être fait par une personne qui en ait la capacité légale; qu'il doit être intégral, et que s'il n'est que partiel, l'hypothèque dans le restant subsiste pour la totalité des immeubles hypothéqués. On sait encore que la consignation par suite

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