CHAPITRE V. Ré GRÈCE. Le roi prend la direction des affaires. - Réformes diverses Application de la loi sur la conscription. -- A Athènes, à Agition, à Scopolo, elle est accueillie avec enthousiasme. Adoption de l'uniforme européen. Renvoi d'une partie des troupes bavaroises. voltes des Hydriotes au sujet de la nouvelle loi - Amnistie accordée aux coupables à l'occasion de la fête du roi. Institution d'une fête nationale. Changements opérés dans diverses branches de l'administration. Réduction du budget de la guerre. - Création d'une banque nationale. - Constructions nouvelles à Athènes et au port du Pirée. Emprunt grec; paiement de la troisième série. - Contestations à ce sujet. - Note des puissances concernant le versement de la troisième série. - Voyage du roi Othon en Roumélie. - Révolte en Messénie. - Dispersion des rebelles. Les changements importants qui avaient signalé l'année précédente prouvaient que l'administration voulait réellement constituer un gouvernement national. En effet, la création d'une armée toute composée de Grecs, et surtout la ferme volonté du jeune roi, qui n'hésita pas à prendre la direction des affaires, semblaient faire présager que les causes de désordres dont ce malheureux pays avait été affligé depuis si long-temps allaient enfin avoir un terme. Entré dans cette voie, le roi Othon commença à régner véritablement; et si quelques troubles étaient venus encore compromettre la tranquillité publique, l'énergie avec laquelle ils avaient été réprimés lui avait donné de nouveaux titres à l'affection et à la confiance de ses sujets. En se déclarant ainsi lui-même son premier ministre, en se confiant sans réserve à l'amour des Grecs, le roi résolut de tenter les réformes les plus utiles, et de réduire des dépenses nécessitées jusqu'à ce jour autant par la présence des Bavarois que par les abus qui en furent la suite. Une tâche semblable était sans doute difficile; mais l'activité du jeune prince purent faire naître l'espérance qu'il aurait la force de l'accomplir. La nouvelle loi sur la conscription fut partout appliquée sans opposition; dans quelques localités, on l'accueillit même avec enthousiasme. A Athènes, par exemple, plus de cent cinquante volontaires, appartenant tous aux premières familles, s'enrolèrent. A Agition et à Scopolo, la jeunesse montra le même empressement à entrer dans une armée devenue réellement nationale. Et, malgré la vieille répugnance que les Grecs avaient manifestée jusqu'alors pour la discipline et l'uniforme européens, tous demandérent à l'envi à revêtir le costume militaire des peuples civilisés et à se soumettre aux exigences d'un service régulier. L'organisation d'une milice toute composée d'indigènes étant effectuée, le gouvernement put faire embarquer une partie des troupes bavaroises, afin de dégrêver sensiblement par là le budget de la guerre, et d'effacer ces motifs de défiance qui, dans l'origine, avaient mis en état d'hostilité le roi avec ses sujets. Cependant, à Hydra, l'exécution de la loi sur la conscription rencontra une opposition opiniâtre de la part des habitants; le gouverneur, M. Backmer, malgré l'intrépidité et le sang-froid dont il fit preuve, fut insulté, assailli, et courut même les plus grands dangers. A la première nouvelle de ces troubles, le ministre de la marine, Kriesis, se transporta à Hydra avec la phalange qui était sous ses ordres; il entra sans résistance dans la ville, et menaça d'employer la force si dans quatre jours les habitants n'avaient fait leur soumission. Les Hydriotes demandèrent l'autorisation d'envoyer une députation au roi, qui refusa de la recevoir. Quelques jours après, une division de l'armée navale fit son entrée dans la ville, aux cris-répétés de vive le Roi! On proclama la loi, et la tranquillité fut bientôt rétablie. A l'occasion de la fête du souverain, on accorda une amnistie à la plupart des coupables qui avaient été arrêtés à la suite de ces troubles, et les Hydriotes obtinrent une concession de terre pour former une colonisation au port du Pirée. Plus tard, on institua une fète nationale destinée à célébrer l'anniversaire de l'affranchissement de la Grèce. Plusieurs ordonnances parurent au mois de juin; elles avaient pour but des changements dans les diverses branches de l'administration; on réduisit les dépenses du budget de la guerre; le corps du génie et des pionniers furent organisés et confiés au même officier supérieur. M. de Regny fut nommé intendant militaire, et, sous les auspices de celui-ci, une banque fut créée à l'effet de faciliter les relations commerciales et de leur donner un nouvel essor. Toutes ces améliorations, jointes à la confiance que le jeune roi inspirait, portèrent leurs fruits. La ville d'Athènes et le port du Pirée prirent un nouvel essor; de nombreuses constructions ne tardèrent pas à les assimiler aux grandes villes, et ces deux cités, ou plutôt cette seule ville, car tout tend à les réunir, s'enrichirent de plusieurs filatures de soie et de coton, et de manufactures auxquelles il ne manquait que des capitaux pour leur donner toute l'extension qu'elles pouvaient comporter. Malgré ces sages mesures et l'économie apportée dans l'administration, la volonté royale, qui avait pour but d'é quilibrer les recettes avec les dépenses, ne put empêcher qu'il n'y eut quelque embarras dans les finances de l'état. Le paiement de la troisième série de l'emprunt grec devait avoir lieu cette année. Une prétention élevée par la Bavière pour le remboursement d'une somme de deux millions de florins, qu'elle disait lui être due, et dont elle demandait l'acquittement, excita le mécontentement des trois puissances créancières. Sous l'administration du comte d'Armansperg, le produit de l'emprunt avait été envoyé en Grèce par l'intermédiaire de la maison de banque d'Eschtal de Munich; de sorte qu'il était facile de terminer les comptes à l'amiable sans éveiller l'attention des puissances sur cet objet. Mais M. Rudhart, successeur du comte d'Armansperg, déclara que désormais les affaires de l'emprunt ne seraient plus confiées à la maison d'Eschtal, et que les fonds seraient envoyés directement à Athènes. La Bavière se vit alors contrainte de s'adresser aux puissances qui étaient sur le point de payer la troisième série; cette demande motiva de la part de l'Angleterre une réponse conçue dans les termes les plus énergiques; il y était dit : Que si la Grèce avait un remboursement à faire, ce devait être sur les deux premières séries avancées par ses alliés; d'ailleurs que jusqu'à ce jour, la Bavière n'avait rempli aucune des obligations contractées, puisque, par le traité de 1832, elle s'était engagée à soutenir de toute manière le jeune roi Othon, et que, dans cette occurence, il convenait de le secourir et non de réclamer des avances faites à son gouvernement. L'intérêt des puissances protectrices n'était pas de laisser Othon dans un embarras financier qui ne pouvait qu'aggraver les difficultés de sa position, surtout après ses efforts pour paralyser l'influence bavaroise et créer une armée nationale. Une note fut donc remise au roi, dans laquelle on déclarait que le versement de la troisième série serait effectué sous les conditions suivantes : 1o Que le gouvernement grec donnerait pour hypothèque de l'emprunt un nombre suffisant de domaines nationaux et en céderait le revenu pour le service des intérêts annuels; 2o Que tous les six mois, le trésorier général rendrait un compte exact du revenu des biens nationaux hypothéqués; 3o Que dans ce cas les puissances renonceraient à leur droit d'examiner les comptes généraux du revenu du pays; 4° Que dans cette série de l'emprunt, on déduirait les intérêts et l'amortissement de l'année courante; 5° Que le gouvernement grec serait invité à rétablir l'équilibre entre les recettes et les dépenses; 6° Enfin, que le gouvernement bavarois n'exigerait qu'en 1849 le remboursement des sommes qu'il prétendait lui être dues. Le gouvernement français exprimait, en outre, le désir qu'une partie de l'emprunt servit à établir une banque nationale. Affranchi de cette difficulté, le roi s'occupa activement d'affermir la tranquillite de ses états; dans ce but, il fit un voyage avec la reine en Roumélie. Partout, il fut accueilli avec enthousiasme; et la promesse qu'il fit à ses sujets de réformer les abus, lui concilia tous les cœurs. Cependant, dans les provinces de l'ouest, les désordres ne cessèrent pas tout-à-coup, et la misère et les brigandages continuérent encore, mais avec moins d'intensité. En Messénie, l'arrestation d'un nommé Maniotis fut la cause d'un soulèvement grave: les révoltés délivrèrent le prisonnier et se divisèrent en deux corps: le premier occupa le village de Zoé et le second prit position près de Navarin. Mais bientôt le gouverneur de la Messénie, à la tête de 400 hommes, assaillit les rebelles dans le village de Zoé et les contraignit à se retirer, et ceux qui avaient pris position près de Navarin furent dispersés par le colonel Fédor. On occupa militairement tous les villages qui avaient pris part à la révolte; une instruction sévère fut dirigée contre les insurgés, et l'ordre se rétablit peu à peu dans toute l'étendue du nouveau royaume. : |