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CHAPITRE VI.

SUISSE. Ouverture de la Diète. Commission d'enquête électorale. Annulation des élections. Élections nouvelles.

gouvernemet populaire par les Schwitzois.

Organisation d'un Solution du différent. Précautions prises par

- Convocation d'une nouvelle Land-gemein. la commission militaire de Kussnacht contre les troubles. Communication d'une note de l'ambassadenr de France à la Diète helvétique. - Discussion et opinions diverses à ce sujet. Nomination d'une commission de correspondance avec le canton de Turgovie. Affaire des réfugiés Mazzini. Affaire de MM. Cellard frères. - Déclaration par le grand conseil de Turgovie sur la nationalité du prince Louis.Nouvelle délibération. - Demande d'ajournement. - Adoption du projet de réponse soumis à la Diète. - Discussion nouvelle relative à la dépêche du Cabinet français. Nouvel ajournement de la Diète.-État critique de la Suisse. - Blocus mis sur les frontières du grand duché.Réponse du prince Metternich. - Lettre du prince Louis au gouvernement de Turgovie. - Mouvement des troupes françaises; leur entrée à Gers. - Départ du prince Louis Bonaparte pour l'Angleterre. - Réponse à la note du duc de Montébello. - Licenciement des troupes fédérales. - Clôture de la session de 1838.

ÉTATS-ROMAINS. Improbation du pape, relative à l'enlèvement de l'archevêque de Cologne. - Inquiétude de la Prusse Plainte de son Gouvernement. - Justification de sa conduite. Négociations entamées entre la cour de Prusse et le Saint-Siége. - Admission de M. de Brunsen, près de Sa Sainteté. - Nouvelles difficultés. M. de Brunsen quitte Rome. - Affaire relative à l'archevêque de Posen et aux mariages mixtes. - Le pape renouvelle ses griefs contre la Prusse. - Intervention de l'Autriche. - Réclamation du roi de Naples, au sujet des principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo. - Évacuation d'Ancône, par les troupes françaises. Évacuation du territoire de l'Église par les troupes autrichiennes. — Forces de l'armée des États-Romains. - Rétablissement de la santé du pape. - Réception par Sa Sainteté de Reschid-Pacha, ministre de la Porte-Ottomane. Convention conclue entre la France et le SaintSiège.

SARDAIGNE. Promulgation du nouveau code civil. - Création d'une rente de 250,000 livres, en faveur des anciens propriétaires des fiefs de la Sar

daigne. - Annonce d'un code de procédure. - Institution d'une Cour royale à Cesol (Montferrat.) Conventions entre la France et la Sar daigne, pour l'extradition des malfaiteurs. Construction d'un pont sur le Rhône. Inauguration de la statue du duc Emmanuel Philibert de Savoie.

DEUX-SICILES. Rétablissement de la tranquillité en Sicile. - Restitution aux Siciliens de leurs droits. - Amnistie accordée aux accusés politiques.

Exceptions. - Remplacement, en Sicile, de la compagnie d'armes par une gendarmerie, à l'instar de celle de Naples. - Changements administratifs. - Le duc de Cumia succède au prince de Scordia. - Restitution à la ville de Syracuse de son titre de chef-lieu. - Construction d'une chapelle protestante à Messine. - Décrets royaux sur l'exportation des grains et contre le duel. Convention avec la France et l'Angleterre, pour la répression de la traite des noirs. - Naissance du prince Charles Louis, comte de Trani et prince de Naples.

SUISSE.

La Diète, dont les débats avaient été clos le 28 septembre, ouvrit sa session le 1er juillet de cette année par des discussions d'abord orageuses, et qui prirent plus tard un certain caractère de gravité, comme nous le

verrons.

A Schwitz, l'élection des députés avait été accompagnée de désordres dont la violence avait nécessité l'intervention du vorort, qui, dans cette circonstance, eut recours à des mesures de répression pour éviter le renouvellement de pareilles scènes. Deux commissaires fédéraux furent envoyés à Schwitz, à l'effet de rechercher la véritable source de ces troubles; ils avaient la mission de s'adresser au peuple du canton dont la constitution et le gouvernement étaient renversés, et de mettre en usage tous les moyens pour que désormais les intérêts du canton et ceux de la confédération se confondissent dans la cause constitutionnelle. Mais la nomination de cette députation, émanée du pouvoir aristocratique, provoqua d'assez vives explications dans la séance du 3 juillet; la sympathie que le vorort avait mon

trée en faveur des patriotes Schwitzois fut fortement blầmée par les députés des petits cantons, ainsi que par ceux de Bâle-Campagne et de Neufchâtel, formant la ligne sarnéenne. Dans la séance du 5 juillet, la Diète prit, à la faible majorité de 12 voix contre 8, une décision qui, en annulant les opérations de la Langdsgemein de Schwitz, ordonnait qu'une autre élection aurait lieu dans le plus court délai, sommait en même temps le canton de proclamer une amnistie générale en faveur de tous ceux qui avaient pris part aux derniers événements.

Les députés de Schwitz à la diète, obligés de quitter la salle des séances, sous peine d'être arrêtés, firent remettre au président, aux noms de leurs commettants, une protestation énergique contre un acte qui les excluait de l'assemblée, en violation des réglements.

Cette décision, qui donnait gain de cause au canton insurgé, ranima toutes ses espérances de succès. Les Schwitzois organisèrent un gouvernement provisoire, chargé de négocier avec la diète; deux de leurs députés arrivèrent à Lucerne, demandant qu'il ne fût plus reconnu d'autre pouvoir à Schwitz que celui du peuple. Quatre cantons, de concert avec celui de Lucerne, appuyèrent cette demande.

Cette affaire, qui avait inspiré la crainte de voir la guerre civile s'allumer, reçut heureusement une solution prompte et pacifique.

Le gouvernement schwitzois, cédant aux instances de quelques cantons médiateurs, convoqua une nouvelle langdsgemein, chargée de recommencer les opérations interrompues, s'engageant à ne donner aucune suite aux procédures commencées et à tout ce qui avait précédé la rébellion.

La Diète, dans sa séance du 11 juillet, décida, à une majorité de 14 voix contre 7, que ces propositions seraient agréées, et que l'on considérerait comme nulles les protestations contraires adressées par les districts révoltés, bien que quelques voix se fussent élevées contre la partialité que la haute assemblée avait montrée dès le commencement des troubles en faveur des insurgés et de leur doctrine désorganisatrice. En conséquence de cet arrêté, la langdsgemein fut convoquée, pour le 22 juillet, à Rothenturn, et une proclamation des deux commissaires fédéraux invita les habitants à procéder avec calme à cette nouvelle élection. Toutefois, la commission militaire de Kussnacht, en prenant les mesures nécessaires pour prévenir les désordres annonça que dans la situation où se trouvaient les esprits, elle ne pouvait répondre que ses moyens seraient suffisants pour assurer la tranquillité et garantir la sécurité des commissaires.

Un événement d'une haute gravité, et dont les suites pouvaient avoir quelque influence sur les destinées futures de la Suisse, vint faire diversion à tous ces débats intérieurs.

Dans la séance du 3 août, le président de la diète communiqua à l'assemblée une note de l'ambassadeur de France relative au prince Louis Napoléon.

Nous avons vu dans l'Annuaire 1836 que Louis Bonaparte, après les événements de Strasbourg, avait été transporté aux États-Unis sur un bâtiment de l'état; cette précaution était bientôt devenue illusoire. De retour en Suisse, le jeune prince avait établi de nouveau sa résidence à Arenenberg, dans le canton de Turgovie, où sa présence inspirait toujours quelque inquiétude au gouvernement français. Aussi la note remise par l'ambassadeur français, M. de Montébelio, aux avoyers du canton de Lucerne exigeait-elle qu'on expulsat immédiatement Louis Bonaparte du territoire de la Confédération helvétique. Elle portait :

« Qu'après les événements de Strasbourg et l'acte de généreuse clémence dont Louis-Napoléon Bonaparte avait été l'objet, le roi des Fran

çais ne devait pas s'attendre à ce qu'un pays ami, tel que la Suisse, et avec lequel les anciennes relations de bon voisinage avaient été naguère si heureusement rétablies, souffrirait que Louis Bonaparte revint sur son territoire, et, au mépris de toutes les obligations que lui imposait la reconnaissance, osât y renouveler de criminelles intrigues, et avouer hautement des prétentions insensées et que leur folie même ne peut plus absoudre, depuis l'attentat de Strasbourg. Il est de notoriété publique que Arenenberg est le centre d'intrigues que le gouvernement du roi a le droit et le devoir de ne pas tolérer dans son sein. Vainement Louis Bonaparte voudrait-il nier les écrits qu'il a fait publier tant en Allemagne qu'en France, celui que la Cour des pairs a récemment condamné, auquel il est prouvé qu'il avait lui-même concouru et qu'il avait distribué, témoignent assez que son retour d'Amérique n'avait pas seulement pour objet de rendre les derniers devoirs à une mère mourante, mais bien aussi de reprendre des projets et d'afficher des prétentions auxquelles il est démontré aujourd'hui qu'il n'a jamais renoncé! La Suisse est trop loyale et trop fidèle alliée pour permettre que Louis Bonaparte se dise à la fois l'un de ses citoyens et le prétendant au trône de France; qu'il se dise Français, toutes les fois qu'il conçoit l'espérance de troubler sa patrie au profit de ses projets, et citoyen de Turgovie, quand le gouvernement de sa patrie veut prévenir le retour de ses criminelles tentatives.»

Le 6 août, la discussion s'éleva sur cet objet. Le président fit préalablement observer, que si la Diète n'était pas réunie, le vorort, pour toute réponse, se bornerait à remettre la note de l'ambassadeur de France sous les yeux du gouvernement de Turgovie; mais que puisque c'était à la Diète qu'on en appelait, il convenait à sa dignité d'apporter dans la discussion tout le calme qu'elle réclamait.

M. Kern, député de Turgovie, s'éleva avec force contre les prétentions de la France, qui ne tendaient pas moins, selon lui, qu'à compromettre la souveraineté de la Suisse; il ajoutait qu'il serait dangereux d'établir un précédent attentoire à l'indépendance de la nation, qu'il était temps enfin de montrer que la Suisse voulait une fois pour toutes, en finir avec les exigences toujours croissantes de l'étranger, et qu'elle n'était point une province de France, mais un état libre; que, quant à lui, il protestait au nom du canton qu'il représentait contre toute décision qui porterait atteinte aux droits de la Turgovie.

Ann. hist. pour 1838.

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