était la clause qui donnait force de loi à toutes les ordonnances que le comte de Durham jugerait convenable de décréter, pour maintenir l'ordre et la paix dans la province du bas Canada. << Considérant, dit lord Russell, la latitude d'un pareil privilége et l'arbitraire qui pourrait en résulter, le Cabinet croit devoir restreindre l'autorité du nouveau gouverneur dans les limites antérieurement prescrites à la législature coloniale. De son côté, l'opposition profita de cet incident, pour rentrer au fond du débat et raviver un thème qui paraissait épuisé sur tous les points. Un des membres radicaux, M. Warburton, alla même jusqu'à demander à la Chambre qu'elle exprimât le désir de voir le Gouvernement se concerter avec les colonies, sur les moyens les plus propres à amener une séparation volontaire, attendu que, dans la situation désastreuse qu'avait créée la politique du Cabinet, la possession du Canada ne pouvait être, pour l'Angleterre, qu'une cause de faiblesse et une charge sans compensation. L'orateur regrettait, en terminant, que le bill n'accordat point au nouveau gouverneur, l'autorisation de convoquer une convention composée de députés de toutes les colonies de l'Amérique du Nord, à l'effet d'en former une grande et indépendante fédération. Les orateurs ministériels rentrèrent aussi dans la lice, et, redoutant l'effet produit sur la majorité par le discours de sir Robert Peel, ils eurent l'air de suggérer au Cabinet l'idée de modifier quelques prescriptions du bill, de manière à lui assurer l'unanimité des deux grandes fractions de la Chambre, et à éviter une division qui pourrait donner lieu, de la part des Canadiens, à une fausse interprétation des sentiments de l'Angleterre à leur égard. Le ministère, qui connaissait l'importance de l'issue qui lui était ouverte, feignit cependant de résister aux sollicitations de ses amis; mais il consentit bientôt à laisser au gouverneur la faculté de convoquer, suivant l'exigence des circonstances, le simulacre d'assemblée représentative dont ses instructions lui prescrivaient la réunion comme un devoir rigoureux. Le 26, lord John Russell fit de nouvelles concessions; il renonça au pouvoir réservé à la couronne de rapporter le bill sans le concours du parlement; modification qui fut accueillie par de vifs applaudissements de la part de l'opposition tory, et à propos de laquelle le chef de ce parti ne craignit point de s'écrier : « Je n'avais point douté un seul >> instant de mon triomphe. » Cependant l'opposition radicale ne vit, dans la condescendance aristocratique du Cabinet, qu'un nouveau motif de blâme. M. Harvey, lui reprocha de soumettre au contrôle du parlement les instructions qu'il avait seul le droit de donner au gouverneur-général, et cela en prévision des plaintes qu'elles devaient provoquer, et afin de pouvoir un jour s'abriter sous la sanction législative. Lord Howick soutint, au contraire, que la communication faite aux Chambres des instructions destinées au comte de Durham, n'avait rien d'impolitique ni d'inconvenant. En effet, il ne suffisait point que le ministère eût des vues libérales; il fallait aussi que, lorsqu'il demandait au parlement une loi coërcitive et sévère, il lui fit connaître la manière dont il entendait l'exécuter. La Chambre se forma en comité et passa à la discussion des articles et des amendements proposés. Alors, un nouveau débat s'entama dans lequel prirent successivement part lord Stanley, sir William Follett, M. Ellice, sir G. Grey, l'attorney-général et quelques autres orateurs, pour ou contre le Cabinet. Enfin, le 29 janvier, la troisième lecture du bill eut lieu à la Chambre des communes, c'est-à-dire qu'il y fut voté par 108 voix contre 102 : - Majorité ministérielle 6. Quatre jours après, le Cabinet demanda à la Chambre des pairs la seconde lecture du bill déjà sanctionné par la Chambre des communes. Lord Brougham ouvrit le débat par un discours imprégné du fiel et de l'acrimonie qui caractérisent la manière de ce grand orateur. Vint ensuite l'ancien ministre des affaires étrangères, lord Aberdeen qu, tout en soutenant le projet de loi, exprima le plus souverain mépris pour la conduite du Cabinet dont il fit une sanglante critique. Mais l'événement capital de cette séance fut la magnifique oraison de lord Brougham. Jamais peutêtre cet orateur ne s'était élevé à une plus haute éloquence, que lorsqu'il retraça aux yeux de la Chambre l'époque de l'histoire d'Espagne, qui embrasse le temps écoulé entre la révolte des Pizarres et la mission de Pedro-de-Lagasca; mission qui, par sa nature et les circonstances qui la précédèrent, offre une si frappante analogie avec le mandat du comte de Durham. Cependant, ces attaques violentes et sans cesse renouvelées avaient enfin excédé la patience de lord Melbourne. « Depuis long-temps, s'écria-t-il, je m'attendais à cet orage; je savais que les sentiments de haine et d'aigreur qui, depuis 1833, fermentent dans le cœur du noble lord, devaient enfin faire explosion. Je le remercie de l'appui qu'il nous prêta en 1835, de son absence de la Chambre en 1836, de son concours équivoque en 1837; et la sévérité avec laquelle il nous traite aujourd'hui, ne m'inspire aucune irritation. » La réplique de lord Brougham fut plus violente encore que son attaque. Il protesta de la fixité de ses principes. Les ministres seuls avaient changé de conduite, et c'est pour cela qu'il était dans la nécessité de les combattre. « Mais qu'ils retractent, dit-il, leur imprudente déclaration contre la réforme; qu'ils viennent nous proposer des mesures sincèrement libérales, et ils n'auront point dans le parlement de défenseur plus zélé ni plus dévoué que moi. En attendant, je jette à la tête de lord Melbourne le défi de signaler, dans ma vie politique, une seule circonstance où j'aie été influencé par des sentiments ou des intérêts personnels. » Après ce conflit corps à corps entre lord Melbourne et lord Brougham, le duc de Wellington reproduisit les arguments qui avaient déjà été employés dans la Chambre des communes, contre la création d'une espèce de conven tion représentative. Sa Grâce insista particulièrement sur ce qu'il y avait d'injuste à soumettre le haut Canada, resté loyal et fidèle, aux mêmes interdictions dont on frappait les insurgés de la province inférieure. Le 5 février, la Chambre des pairs consentit, sur la motion de lord Brougham, à entendre à sa barre, M. Rœbuck, en sa qualité d'agent de l'assemblée législative du haut Canada. Le 8, ayant été fixé pour la troisième lecturedu bill, il fut repoussé de nouveau par les lords Ellemborough, Ashburton, Masfield, Brougham et Fitz-William, et défendu par le marquis de Lansdowne et lord Melbourne. Enfin, ce projet de loi, si diversement et si ardemment combattu, sortit triomphant de cette dernière épreuve. En voici les principales stipulations : Suspension de la constitution du bas Canada, jusqu'au mois de novembre 1840; - faculté accordée à la couronne de former un conseil spécial et d'y appeler autant de membres et tels membres qu'elle jugerait convenable de choisir ; déclaration qu'au mois de novembre 1840, le gouverneur pourrait, de l'avis et avec le consentement de la majorité dudit conseil, spécialement convoqué à cet effet, décréter, pour être appliquées aux affaires du bas Canada, toutes les lois et ordonnances qui, à l'époque du vote du bill, étaient dans la compétence de la législature provinciale, lesquelles lois et ordonnances auraient la même force et le même effet que si elles eussent été votées par les représentants légaux du pays; - l'initiative, pour le gouverneur, de toutes les mesures à proposer à son conseil qui, pour délibérer valablement, devait être au nombre de cinq membres, au moins; - enfin, le droit du gouvernement britannique, de révoquer, par un ordre en conseil, les lois et ordonnances dont il vient d'être question. Telle était la substance du nouveau droit public que l'Angleterre imposa à ses colonies révoltées, et qui donna lieu aux discussions ardentes dont nous venons de retracer les principales phases. CHAPITRE XIII. Discussion dans la Chambre des communes, sur la validité des élections parlementaires et sur la corruption en matière électorale. - Idem sur la formation des listes électorales en Irlande. - Opinion de MM. Charles Buller et O'Connell à cet égard. Débat orageux. Incident. M. O'Connell admonesté par la Chambre. - Bill électoral, adopté par les communes et rejeté par le Chambre des lords. Débat sur le vote au scrutin secret. - MM. Grote, Ward et Bulwer appuient la mesure. Lord John Russell et sir Robert Peel la combattent. - Elle est rejetée. -Un membre demande l'autorisation de présenter un bill pour la protection des électeurs. - Attaque personnelle contre lord Glenelg à propos des affaires du Canada. - Sir W. Malesworth demande aux communes qu'une adresse soit présentée à la reine, contre l'administration de ce ministre. Vive discussion à cet égard. - Les deux partis essaient leurs forces. - Lord Palmerston, lord London, lord Stanley, sir G. Grey et le chancelier de l'échiquier, sir Robert Peel, lord John Russell prennent part au débat. - Les efforts pour renverser le ministère échouent. Débat sur le bill de manumision des esclaves, à la Chambre des lords. Idem à la Chambre des communes. Un sentiment général prévalait depuis long-temps en Angleterre; c'est que le mode prescrit par le Grenville-Act, pour la vérification des pouvoirs législatifs et le jugement des questions électorales, réclamait un prompt changement. Les abus étaient au comble et de nombreux procès avaient révélé des faits de corruption d'une nature si scandaleuse, que la dignité du parlement et l'opinion publique ne permettaient plus d'ajournement. Enfin, cette modification de la loi était rendue plus importante encore par la situation numérique des partis parlementaires qui, se balançant presque dans la Chambre, avaient, chacun, un immense intérêt à l'admission ou à l'exclusion de tels ou tels membres. D'un autre côté, la formation des listes électorales pour l'Irlande, |