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dont les facultés compréhensives sont beaucoup moins aiguisées que celles des enfants. Dans la catégorie de trois mois à un an, il faut encore exclure les condamnés ayant dépassé un certain age, auxquels un pareil effort ne saurait plus être demandé. Le nombre des élèves se trouve donc singulièrement restreint. Dans certaines prisons départementales, il ne doit pas dépasser le nombre d'un ou deux. On comprend que, dans ces circonstances, peu d'efforts soient faits par l'administration pour augmenter le nombre des instituteurs dans les prisons. Toutefois, ces réserves faites, nous croyons qu'il pourrait être tenté davantage. En effet, une observation nous a frappé. Ce n'est pas toujours dans les départements dont les prisons sont les plus peuplées que, d'après les indications de la statistique, nous trouvons des instituteurs. Le département de l'Ariége en comptait un au 31 décembre, pour une population de 37 détenus, répartis en 3 prisons'; le département de l'Aveyron, un pour une population de 116 détenus, répartis en 5 prisons; le département du Jura, un pour une population de 106 détenus, répartis entre 4 prisons. Si donc le zèle d'un instituteur trouve moyen de s'exercer sur un nombre aussi restreint de détenus, il en pourrait être de même à plus forte raison dans des départements dont la population pénitentiaire est beaucoup plus nombreuse, comme ceux des Bouches-du-Rhône, du Rhône, de la Gironde, du Nord, etc. Il est inadmissible que l'administration n'entretienne pas un instituteur dans des

1. La statistique ne désigne pas la prison à laquelle l'instituteur est attaché.

prisons aussi considérables que celles de Marseille, de Lyon, de Bordeaux, de Lille. A Paris, il n'y a que deux instituteurs pour plus de 5000 détenus! Nous devons aussi faire remarquer qu'en Belgique et en Hollande, où des difficultés de même nature se rencontrent, un instituteur est attaché à chacune des prisons qui correspondent chez nous aux prisons départementales, et que l'école est obligatoire, dans le premier de ces pays, pour tout détenu àgé de moins de quarante ans et condamné à plus de six mois, et, dans le second, pour tout détenu âgé de moins de quarante-cinq ans et condamné à plus de trois mois. Nous nous croyons done autorisé à dire que l'administration des prisons pourrait peut-être faire, de nouveaux efforts pour propager l'enseignement primaire dans les prisons départementales.

Nous ne pouvons terminer ce qui concerne le régime moral des prisons départementales sans constater les efforts auxquels se livre, dans certains endroits, la charité privée pour venir en aide aux prisonniers. Lorsque les prisons départementales étaient dans un état beaucoup plus déplorable encore que celui où elles sont à présent, lorsque la nourriture des détenus - était à peine assurée, et que les aumônes des âmes pieuses constituaient le plus certain des ressources destinées à subvenir à leur entretien, les sociétés charitables et les confréries qui avaient pour but de venir en aide aux prisonniers étaient assez nombreuses. Ces pratiques charitables étaient souvent encouragées par des croyances superstitieuses. C'est ainsi qu'il n'y a pas extrêmement longtemps, on voyait encore à la porte de certaines prisons un tronc et une cloche.

Lorsqu'un passant déposait une aumône en sonnant un coup de cloche, immédiatement un détenu accourait et récitait à haute voix, en faveur du bienfaiteur inconnu, une prière à l'efficacité de laquelle on attachait une vertu particulière. Peu à peu, et à mesure que la condition matérielle des détenus s'est améliorée, ces sociétés ont perdu leur raison d'être et ont progressivement disparu. Quelques-unes d'entre elles subsistent encore cependant dans le midi de la France, mais leur but ne saurait être que la visite et l'assistance morale des condamnés. Assurément leur intervention est excellente, à condition qu'elles se maintiennent. dans les limites de leur ròle charitable et qu'elles n'interviennent point dans des questions de règlement et de discipline. La crainte qu'elles ne dépassent ces limites fait que souvent elles ne sont point vues avec une grande bienveillance par les directeurs de prisons, dont plusieurs se sont formellement prononcés contre toute intrusion dans les prisons de personnes étrangères à l'administration. Il faut pourtant bien se garder de décourager l'initiative privée, sans le concours de laquelle l'administration des prisons sera toujours écrasée sous l'immensité de sa tâche. Les commissions de surveillance, dans les villes où elles ont continué à fonctionner, viennent aussi parfois en aide à l'œuvre de la moralisation. A Lille, la commission de surveillance a fondé une école pour les jeunes adultes, qui est dirigée par un frère de la doctrine chrétienne. Mais ce ne sont là que des faits isolés, et nous pouvons affirmer, d'accord avec l'administration des prisons, qui le constate en le déplorant, que l'idée morale de la peine disparaît complétement dans le régime des

prisons départementales, et résumer notre opinion en disant, sans craindre d'être taxé d'exagération, qu'elles sont une école de vice et de corruption dont les élèves remplissent plus tard les maisons centrales et les colonies pénales.

CHAPITRE VII

Prisons de la Seine.

Les établissements pénitentiaires situés dans le département de la Seine mériteraient, par l'importance numérique de leur contingent, et par la juste renommée de quelques-uns d'entre eux, de faire l'objet d'une description spéciale. On trouvera cette description dans l'ouvrage bien connu de M. Maxime du Camp, et dans les rapports de MM. Bournat et Bérenger, insérés dans le troisième volume des procès-verbaux de la commission d'enquête parlementaire. Nous nous bornerons ici à signaler les particularités d'organisation administrative, qui, sous certains rapports, établissent une différence entre la gestion des prisons de la Seine et celle des prisons des autres départements français.

La loi du 28 pluviôse an VIII a divisé l'administra- . tion départementale de la Seine en deux préfectures, l'une chargée de l'administration proprement dite, l'autre de la police. Cette division nécessitait un partage d'attributions qui a été plusieurs fois modifié. Un

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