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qu'ils avaient choisi. Il ne faudrait pas croire que la cellule soit demandée seulement par des détenus auxquels une éducation supérieure rend à la fois la promiscuité plus pénible et la solitude plus facile à supporter. Cette faveur est aussi sollicitée par des détenus ordinaires qu'une difformité physique, l'irritabilité de leur humeur ou plus rarement le repentir naissant pousse à se retirer de la compagnie de leurs codétenus. C'est pour ceux-là surtout qu'une bonne organisation du travail sera nécessaire. Il est regrettable qu'il ne soit pas fait davantage pour les encourager dans cette voie, et que l'institution des quartiers cellulaires, très-bonne dans son principe, ne rende pas tous les bons résultats qu'on pourrait en espérer. Néanmoins l'expérience a été heureuse, et nous ne pouvons que souhaiter de la voir se généraliser.

Nous devons ajouter ici quelques renseignements sur le régime spécial auquel sont soumis les détentionnaires dans les maisons centrales. Ce régime a été réorganisé récemment par un arrêté du 26 mai 1873, rendu en exécution d'un décret du 23 mai de la même année. Les détentionnaires ne sont point assujettis au travail, mais ils peuvent en obtenir s'il en demandent, et la part qui leur est attribuée sur le produit s'élève aux 5/10. Ils ne sont même astreints que depuis trèspeu de temps à la taille réglementaire de la barbe et des cheveux, ainsi qu'au port du costume pénal, qui doit cependant leur être fourni, s'ils le réclament. Leur régime alimentaire est un peu meilleur, et leurs relations avec le dehors par correspondance ou par visites sont plus fréquentes et plus faciles. Telles sont les dispositions principales qui séparent le régime des déten

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tionnaires de celui des hôtes habituels des maisons cen trales.

Notons, en passant, une disposition de ce règlement qui nous paraît fàcheuse à tous les points de vue, et qu'on ne retrouve que trop souvent dans les règlements particuliers des maisons centrales. Du 1er octobre au 1er mai, les détenus se couchent à sept heures. En novembre, décembre, janvier et février, ils se lèvent à sept heures également : cela fait douze heures passées au dortoir. Aux termes d'un arrêté du 8 mai 1842, ce temps est limité à neuf heures en hiver et huit heures en été dans les maisons centrales. C'est encore là un temps. beaucoup trop long, car il ne saurait manifestement être consacré tout entier au sommeil. Ces heures de la soirée durant lesquelles on ne fait pas travailler les détenus pourraient, aussi bien dans les quartiers de détentionnaires que dans les maisons centrales, être employées, soit à l'enseignement primaire, soit à des lectures à haute voix, soit à des lectures particulières pour ceux qui en feraient la demande. Il y a là un vice capital d'organisation sur lequel nous croyons devoir appeler l'attention sérieuse de l'administration.

CHAPITRE X

Régime économique. Régime moral.

Les dépenses des maisons centrales étaient payées à l'origine au moyen de contingents fournis par les départements suivant le nombre de condamnés que chaque département était supposé devoir fournir. L'ordonnance du 6 juin 1817 et la loi du 25 mars 1817, article 53, ont imputé ces dépenses sur les 6 centimes additionnels versés au Trésor. Ces dépenses sont donc aujourd'hui tout entières à la charge de l'État. Par contre, tous les produits que les maisons centrales sont susceptibles de fournir figurent dans les recettes générales du budget. De quelle nature sont ces dépenses, et comment l'État y subvient-il? Quelle est la nature et le mode de perception de ces recettes? Telles sont les questions que nous avons à examiner et dont l'ensemble constitue le régime économique des maisons centrales.

L'ensemble de la dépense des maisons

centrales s'est élevé en 1869 à...... 4 837 621,30

La balance du produit des recettes ver

sées au Trésor s'est élevée à la som

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Ce chiffre n'est pas tout à fait exact, car dans les produits et recettes versés au trésor figurent les produits de trois colonies de jeunes détenus: les Douaires, Saint-Bernard et Saint-Hilaire, dont on ne saurait créditer le compte des maisons centrales. Le chiffre des dépenses est donc en réalité un peu supérieur. En calculant le prix de la journée de détention, on arrive au chiffre de 0 fr. 55 c. 892. Mais ce chiffre ne saurait être accepté sans réserve en ce qui concerne les maisons centrales. En effet, d'une part, dans les chiffres qui servent à établir ce prix moyen figurent à la fois les recettes et les dépenses des colonies de jeunes détenus que nous avons citées tout à l'heure; et, d'autre part, les dépenses extraordinaires ne figurent pas dans les éléments de ce compte. Néanmoins il s'approche assez près de la vérité pour donner lieu à certaines observations. Plusieurs publicistes ont émis la pensée que dans un État bien ordonné les prisons se suffiraient à elles-mêmes, et que les détenus devraient, au lieu d'être une charge pour la société, réparer par leur travail le préjudice qu'ils lui ont causé. Nous croyons qu'il serait très-dangereux d'entrer dans cette voie. et de poursuivre cet idéal. On en arriverait bientôt à une exploitation du détenu par l'Etat, qui ferait complétement négliger le but moralisateur que l'administration pénitentiaire ne doit jamais perdre de vue. Mais il est permis cependant de rechercher dans cette matière, comme dans toutes les autres, l'économie et la bonne gestion. A ce point de vue, on ne saurait trop féliciter l'administration française des résultats qu'elle a obtenus. Peut-être les hommes distingués qui l'ont dirigée depuis vingt ans se sont-ils sentis un peu décou

ragés par la difficulté morale de leur tâche, ajoutons par le peu d'appui qu'on leur a prêté, et ont-ils reporté une bonne part de leur activité et de leur industrie sur la partie financière. Nous n'essayerons pas de comparer le prix de revient de la journée de détention dans les maisons centrales avec les différents prix que nous pourrions trouver dans les documents étrangers. C'est surtout en pareille matière qu'il faut se méfier des comparaisons, lorsqu'on n'a pas la certitude que les chiffres qu'on rapproche soient établis de la même manière. Mais nous pouvons comparer ce prix de journée avec ceux que fournissent les autres établissements pénitentiaires de France. Le prix de la journée de détention dans les établissements privés de jeunes détenus est de 0 fr. 66 c. 28. Dans les prisons départementales, il est de 0 fr. 87 c. 47. On voit que la supériorité économique est tout à fait du côté des maisons centrales, qui se trouvent, il est vrai, placées dans des conditions plus favorables, à raison de la longueur des détentions qui y sont subies.

Les dépenses des maisons centrales se répartissent en plusieurs chapitres. Nous n'avons rien à dire de celui des frais de garde et de personnel, non plus que de celui des dépenses extraordinaires. L'État pourvoit directement à ces deux sortes de dépenses. Le budget du personnel est maigrement doté, et nous exprimons de nouveau ici le regret que l'état de nos finances ne premette pas d'augmenter le traitement d'agents trèsméritants, et en même temps de rendre le recrutement de ce personnel plus facile dans les rangs supérieurs de la société. En Angleterre, les directeurs des grandes prisons, qui sont souvent des officiers en disponibilité,

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