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et même dépassé les réformes introduites en France. dans cette voie. Mais c'est à la France et aux Français que revient l'honneur d'avoir entrepris la campagne en faveur de l'enfance malheureuse et coupable. Presque tous les autres peuples l'ont suivie d'un pas plus ou moins rapide dans cette voie. Pour un grand nombre, sa législation et quelques-uns des établissements qui ont été fondés en exécutions de ses prescriptions, demeurent un modèle admiré et envié. Mais d'autres l'ont peut-être dépassé en étendant plus loin leur sollicitude et en insérant dans leurs dispositions des mesures non plus seulement répressives de la criminalité, mais encore préventives. C'est le progrès qu'ont réalisé la Belgique, l'Angleterre et certains États de l'Amérique. Le zèle avec lequel l'étude de cette question a été poursuivie dans ces deux derniers pays a été inspiré en partie par le découragement qu'a fait naître l'échec des différents régimes pénitentiaires dont on avait entrepris l'essai avec des illusions un peu optimistes. N'ayant pu réduire la criminalité par l'amendement des criminels déjà déclarés, on s'est efforcé de la prévenir en s'efforçant de restreindre le nombre des criminels à naître. Une raison analogue aurait pu développer en France la même préoccupation, si la question pénitentiaire n'avait traversé le long sommeil dont nous avons parlé. Nous croyons qu'un ferme propos de réparer cette négligence momentanée et une étude attentive des aspects nouveaux de la question que le temps et l'expérience ont révélés feront regagner à la France la distance perdue et lui permettront de continuer à offrir au monde civilisé, ainsi qu'elle l'a fait jusqu'à présent, des modèles qui ont fait son honneur.

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Lorsqu'après avoir exposé les principes généraux de la législation des jeunes détenus, nous abordons les détails de son application, nous nous trouvons en présence de difficultés que nous n'avions point encore rencontrées. En effet, le régime des maisons centrales et même celui des prisons départementales présente une certaine uniformité qui permet de procéder par indications générales en restant toutefois dans les données d'une exactitude suffisante. Il n'en est pas de même en ce qui concerne les établissements consacrés aux jeunes détenus. Les variétés les plus grandes se rencontrent en effet dans l'organisation de ces établissements, suivant qu'ils ont un caractère public ou privé, suivant qu'ils sont consacrés à des garçons ou à des jeunes filles, suivant qu'ils sont dirigés par des particuliers ou par des congrégations religieuses. L'initiative individuelle ayant eu la plus large part dans la fondation de ces établissements, aucun n'est complétement semblable à l'autre, et pour être minutieu

sement exact dans nos constatations, nous serions obligé de les dénombrer en quelque sorte, et de consacrer à chacun d'entre eux quelques instants d'examen. Nous n'entrerons point dans des développements aussi prolongés. Mais, pour apporter plus de précision dans notre travail, nous croyons devoir introduire ici une division spéciale et examiner séparément ce qui concerne les établissements publics, les établissements privés consacrés aux jeunes garçons et ceux consacrés aux jeunes filles. Nous nous efforcerons, au reste, en traitant séparément de ces catégories différentes, de grouper les renseignements que nous aurons à fournir sur chacune d'elles sous les divisions, déjà adoptées par nous, du régime hygiénique, disciplinaire, économique et moral.

ÉTABLISSEMENTS PUBLICS.

Il existait en 1869 trois colonies agricoles consacrées aux jeunes garçons, celles des Douaires, de Saint-Bernard et de Saint-Hilaire, et quatre quartiers correctionnels, affectés également aux garçons, ceux de Boulard, de Dijon, de Rouen et de Villeneuve-surLot; un établissement d'éducation correctionnelle affecté aux jeunes filles à Saint-Lazare, et un quartier correctionnel consacré aux jeunes filles à Nevers. Cette nomenclature doit être aujourd'hui modifiée.

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existe en effet, en plus, deux colonies agricoles consacrées aux garçons: celle du Val-d'Yèvre, anciennement fondée par M. Charles Lucas, qui lui a été louée par l'État, et celle de la Motte-Beuvron, ou SaintMaurice, ouverte dans un domaine dépendant de l'an

cienne liste civile. Il faut de plus ajouter la maison d'arrêt et de correction des jeunes détenus du département de la Seine, connue sous le nom de petite Roquette. Au point de vue administratif, cette maison doit figurer et figure en effet dans les tableaux qui concernent les maisons d'arrêt, de justice et de correction. Mais l'analogie des matières nous a fait remettre d'en parler jusqu'ici. Enfin, le nombre des établissements publics consacrés aux filles s'est augmenté d'une colonie agricole à Sainte-Marthe près de Pontoise. Mais la création de ces établissements étant de date très-récente (juin et octobre 1872 pour la MotteBeuvron et le Val-d'Yèvre, 1871 pour Sainte-Marthe), nous ne les comprendrons point dans les chiffres statistiques que nous allons fournir, et nous continuerons à prendre pour base de ces chiffres la dernière année normale, celle de 1869.

Le total de la population comprise dans ces établissements (moins la petite Roquette) au 31 décembre 1869 s'élevait :

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c'est l'écart considérable qui existe entre le chiffre des condamnés et celui des acquittés. On ne saurait trop se féliciter de l'usage de plus en plus restreint qui est fait par les magistrats de l'article 67 du code pénal, et nous voudrions voir cet usage se restreindre encore jusqu'au jour où la loi leur donnera le droit. de maintenir en correction l'enfant condamné après F'expiration de la peine. Dans l'état actuel de la législation, une condamnation prononcée contre un enfant est presque toujours illusoire à cause de sa courte durée. Il faut, en effet, que l'infraction commise par l'enfant soit d'une nature exceptionnellement grave, pour qu'avec la réduction de criminalité la peine dépasse celle de deux ans et demi d'emprisonnement. Or, toute tentative d'éducation correctionnelle qui n'embrasse pas plusieurs années est, de l'avis des hommes les plus compétents, frappée à l'avance de stérilité. A ce point de vue, on ne saurait aussi trop regretter que des envois en correction pour un temps trop court soient souvent prononcés par les tribunaux. Il y avait au 31 décembre 1869, dans les colonies publiques, enfants envoyés en correction pour moins d'un an, 48 pour moins de deux ans, 367 condamnés pour moins de quatre ans. Il est à craindre que, pour arriver à la moralisation de ces 419 enfants, des efforts inutiles n'aient été faits, et qu'on n'ait dù les remettre en liberté sans avoir pu ni réformer leur caractère, ni leur apprendre un métier. Or, ce chiffre forme le tiers de l'effectif total des colonies publiques.

Au point de vue des infractions qui ont déterminé leur condamnation ou leur envoi en correction, ces enfants peuvent être divisés en plusieurs catégories,

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