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Toutefois nous avons peine, pour notre compte, à admettre comme principe général l'opinion formulée par le conseil des inspecteurs généraux. Il nous paraît en effet difficile de soutenir, d'un côté, qu'un prix de journée de 70 centimes doit couvrir tous les frais résultant de l'entretien des jeunes détenus, et, d'un autre côté, d'établir que ces mêmes frais d'entretien s'élèvent dans les colonies publiques à plus d'un franc par jour, sans conclure en même temps que les colonies publiques ne sont pas administrées avec une suffisante économie, ce qui assurément n'est pas la pensée du conseil des inspecteurs généraux. Il est vrai que les terres sur lesquelles sont situées les colonies de jeunes détenus reçoivent par la culture une plus-value dont ne bénéficiaient pas les colonies publiques quand les terres exploitées par elles appartiennent à des particuliers. Mais, d'un autre côté, il faut considérer que cette plus-value n'est pas indéfinie au point de vue du rendement; que si elle a pu être considérable là où des terrains incultes ont été exploités pour la première fois, il n'en est pas de même là où les colonies ont été établies sur des terrains en cours d'exploitation, et que d'ailleurs, tant que la colonie reste aux mains de ses propriétaires primitifs, ceux-ci se trouvent à quelques égards dans la même situation que les colonies publiques. D'ailleurs il ne faut pas considérer seulement la théorie, mais les faits. Or il est notoire que les colonies privées sont loin d'être toutes dans un état de prospérité. Leur situation financière est au contraire généralement assez obérée. Celles-là seules ont réalisé des bénéfices qui avaient un fonds de roulement assez considérable pour que le prix de journée

payé par l'administration n'ait été en quelque sorte considéré par elle que comme un accessoire de ce fonds de roulement. Mais celles, au contraire, dont le prix de journée a été l'une des ressources principales ont dù presque toutes contracter des emprunts qui ont pesé lourdement sur leur situation.

Ce qui paraît d'ailleurs démonstratif, c'est le chiffre élevé des subventions qui depuis un certain nombre d'années a été payé par l'État aux colonies privées. Ce chiffre ne s'élève pas aujourd'hui à moins de 1915 700 fr. L'État n'a accordé ces subventions qu'à bon escient et parce qu'il se voyait en présence de besoins véritables. Nous croyons en conséquence qu'il n'est pas possible de dire d'une façon absolue que les colonies privées font ou doivent faire des affaires fructueuses, et nous sommes persuadé qu'on s'exposerait à des déceptions si l'on voulait, ainsi que la commission du budget paraissait tentée de le faire, chercher des économies dans la transformation des colonies publiques en colonies privées, car l'État dépenserait bientôt en subventions les réductions qu'il pourrait réaliser d'autre part. Laissons donc sur ce point les choses en état, et préoccupons-nous avant tout de corriger les imperfections et de combler les lacunes dont une étude impartiale et attentive amène à signaler l'existence aussi bien dans les colonies privées que dans les colonies publiques.

CHAPITRE XV

Établissements consacrés aux jeunes filles.

Nous avons remis jusqu'ici de parler des établissements réservés aux jeunes filles, parce que la loi du 5 août 1850 règle ce qui concerne ces établissements par des dispositions spéciales. Les articles 15, 16 et 17 de cette loi portent que des maisons pénitentiaires reçoivent les mineures de moins de seize ans détenues par voie de correction paternelle, celles condamnées à un emprisonnement d'une durée quelconque et celles acquittées comme ayant agi sans discernement. Elles doivent être élevées en commun dans ces maisons et employées aux travaux de leur sexe. La loi ne spécific pas quels sont ces travaux; mais, par opposition avec les prescriptions précises qui concernent les jeunes garçons, il est évident qu'au lieu d'être des travaux agricoles, ce sont au contraire des travaux d'intérieur, la couture, le ménage, etc. Bien que l'application en soit différente, nous nous trouvons toujours en présence du même principe: celui de l'uniformité de régime, sans distinction entre l'origine urbaine ou rurale. Cette uniformité, nous devons le reconnaître, pré

pas

sente ici moins d'inconvénients, le nombre des jeunes filles originaires des villes étant beaucoup plus nombreux que celui des jeunes filles originaires des campagnes, et d'ailleurs certaines notions domestiques étant également indispensables aux femmes de la ville. et de la campagne. Toutefois, l'emploi des jeunes filles d'origine rurale à des travaux sédentaires ne laisse. que d'emporter, tant au point de vue de leur santé qu'à celui de leur avenir, certaines conséquences fâcheuses. Aussi nous verrons que depuis quelques années une réaction intelligente s'est produite contre cette tendance trop uniforme à employer les jeunes filles à des travaux d'aiguille, et que de bons résultats ont été obtenus par leur application à l'agriculture.

Les établissements publics consacrés aux jeunes filles s'élevaient, ainsi que nous l'avons dit, à 2 au 31 décembre 1869 l'établissement d'éducation correctionnelle de Saint-Lazare, à Paris, et le quartier correctionnel annexé à la prison départementale de Nevers. On en compte aujourd'hui un troisième la maison pénitentiaire de Sainte-Marthe, près Pontoise. Quant aux établissements privés, ils étaient en 1869 au nombre de 23; ils sont aujourd'hui au nombre de 21, par suite de la suppression des trois maisons situées en Alsace et de l'adjonction de l'établissement des diaconesses sis à Paris. Ces différents établissements contenaient au 31 décembre 1869 une population de 1 612 jeunes filles, ainsi réparties au point de vue de leur situation légale :

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Toutes les observations que nous avons faites au sujet de la composition de cette population, au point de vue de l'âge, des antécédents, de la situation des familles, de la natures des faits qui ont motivé la condamnation, s'appliquent, à très-peu de différence près, aux jeunes filles. Nous ne pourrions également que tomber dans des redites si nous insistions de nouveau sur la supériorité des envois en correction par rapport aux condamnations, sur la nécessité de prolonger ces envois assez longtemps pour que l'éducation porte ses fruits, et assez tard pour que les jeunes filles ne retombent que pour le moins de temps possible sous l'autorité légale de leurs parents. C'est pour les jeunes filles surtout que la mise en liberté à seize ou à dix-huit ans est funeste quand la famille elle-même est un danger pour la moralité. Nous n'aurions également qu'à nous répéter si nous entrions dans des considérations détaillées sur le régime hygiénique et disciplinaire. Le règlement général de 1869 est applicable aux établissements de jeunes filles. La difficulté pour nous aurait peut-être été de savoir jusqu'à quel point ce règlement était strictement exécuté dans ces établissements. Il n'est pas toujours facile, en effet, d'obtenir des renseignements précis sur le régime intérieur des maisons religieuses. Les personnes vénérables qui les dirigent se montrent assez peu soucieuses de venir déposer devant les commissions d'enquète, dont l'appareil ne laisse pas que de les intimider; parfois même leur règle y apporte un obstacle absolu. D'un autre côté, ce n'est pas non plus sans quelques scrupules que quelques-unes d'entre elles admettent des visiteurs. Nous aurions donc pu nous trouver dans un assez grand embarras si, pour suppléer à

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