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thode et dans les procédés. Leur accueil a quelque chose de moins rigoureux, de plus facile, de plus humain pour ainsi dire, et il est aisé de s'imaginer qu'elles doivent plus rapidement inspirer une confiance facile à des enfants moins disposés, dès l'abord, à s'en écarter avec un respect mélangé d'effroi. Leur entretien témoigne qu'elles ont aussi une connaissance plus grande de la vie, une compréhension plus réelle des difficultés morales et matérielles avec lesquelles les enfants dont elles ont la garde ont été déjà et se trouveront derechef aux prises. On se les représente mieux, travaillant à la réconciliation de ces jeunes filles avec leurs parents, lorsque ceux-ci offrent quelques garanties de moralité, ou bien leur servant d'intermédiaires avec des protecteurs étrangers. Enfin, ces communaunautés libres présentent l'immense avantage que leur règle particulière n'apporte aucun obstacle aux modifications que la loi ou l'administration pourrait avoir la pensée d'introduire dans l'éducation correctionnelle des jeunes filles. Dans plusieurs maisons d'éducation correctionnelle, des communautés intelligentes ont déjà pris l'initiative de ces modifications. C'est ainsi qu'à Sainte-Anne d'Auray, à Varennes-lez-Nevers, au Méplier et à l'atelier-refuge de Rouen, un certain nombre de jeunes filles sont employées avec succès à l'exploitation de terres dépendant de ces établissements, et sont ainsi familiarisées avec les travaux agricoles qui conviennent à leur sexe. Nous nous ferions un reproche de ne pas rappeler avec autant de regrels que d'éloges les deux institutions qui existaient à Strasbourg, celle des servantes catholiques et celle des servantes protestantes, où les jeunes filles, ainsi que le

nom de ces institutions l'indique, étaient préparées avec succès au service domestique.

Mentionnons enfin comme spécimen intelligent d'éducation correctionnelle la maison des diaconesses sise à Paris, rue de Reuilly, établissement exclusivement consacré aux jeunes filles protestantes, où unt personnel vigilant concentre ses soins sur un effectif peu nombreux et où la variété des services réunis dans la maison, asile, école, hôpital, etc., permet de relever les jeunes détenues à leurs propres yeux en les initiant à la pratique de la charité.

Malgré les avantages que nous venons d'énumérer, et qui constituent à leur profit une incontestable supériorité, les maisons d'éducation correctionnelle dirigées par des communautés libres n'échappent cependant pas à toutes les critiques que nous avons adressées à celles dirigées par des communautés cloîtrées. Dans quelques-unes d'entre elles les jeunes filles sont exclusivement consacrées aux travaux de la couture, organisation absolument défectueuse, ainsi que nous venons de l'expliquer, tant au point de vue de leur santé physique qu'à celui de leur avenir professionnel. Ce qui est grave également, c'est que, dans la presque totalité de ces maisons, l'instruction primaire n'est pas suffisamment développée. C'est là, on peut le dire, le défaut dominant dans l'organisation des maisons d'éducation correctionnelle consacrées aux jeunes filles. Nous engageons l'administration, qui du reste s'en est déjà préoccupée, à déployer une grande fermeté pour combattre cet abus et à ne ménager ni les reproches ni les encouragements, auxquels il serait désirable de pouvoir donner une sanction sous forme

de subventions ou d'amendes. Mais ce ne sont là que des défectuosités accidentelles qui ne tiennent en rien au principe mème de l'organisation. Nous nous croyons donc autorisé à conclure à ce que, sans proscrire absolument l'éducation donnée dans des couvents cloitrés, qui sur certaines natures rebelles produit peutêtre une impression plus profonde, on tende ce pendant dans l'avenir à confier les jeunes détenues à des communautés libres, la méthode employée par ces communautés nons paraissant tenir un tempérament heureux entre l'éducation conventuelle et l'éducation laïque, au succès de laquelle nous sommes peu disposé à croire. Nous serions assez embarrassé s'il nous fallait citer en France un modèle d'établissement d'éducation correctionnelle consacré aux jeunes filles correspondant par exemple à ce qu'est Mettray pour les garçons. Mais il nous paraît difficile d'imaginer une institution qui réponde mieux à toutes les exigences que celle de Beernem, que nous avons visitée en Belgique. Dans cette colonie, qui présente un caractère mixte de bienfaisance et de répression, des jeunes filles de tous âges, depuis des enfants qui peuvent à peine tenir debout jusqu'à de robustes campagnardes de dix-huit ans, sont employées à des travaux de toute nature, aussi bien aux emplois les plus grossiers de l'agriculture qu'à la couture fine ou à la fabrication de la dentelle. Après avoir parcouru attentivement la maison, nous n'avons point eu de peine à croire ce les religieuses nous ont affirmé, c'est-à-dire que les jeunes filles qui sortent de Beernem sont trèsrecherchées comme servantes à la ville ou à la campagne. Hâtons-nous de dire, pour l'honneur de notre

que

pays, que l'ordre auquel appartiennent ces religieuses est d'origine française, et que la maison mère est située dans un de nos départements du nord. C'est une raison de plus pour nous d'être persuadé que nous n'aurons point de peine à atteindre en France des résultats aussi satisfaisants, lorsque l'attention du législateur, des publicistes et de l'administration se sera portée avec quelque suite sur ce point spécial de l'éducation correctionnelle des jeunes filles, un peu trop négligé peut-être jusqu'à présent dans l'ensemble des questions que soulève le régime général des jeunes détenus.

CHAPITRE XVI

Libération, surveillance et patronage. Législation étrangère.

L'exposé que nous avons entrepris demeurerait incomplet si nous ne consacrions ici quelques pages à la condition des libérés. La libération est en effet la mise à l'épreuve de tout système pénitentiaire, et les récidives en sont la pierre de touche. Pour introduire le plus de clarté possible dans cette matière intéressante, nous placerons les renseignements que nous avons à fournir sous deux divisions différentes : les adultes et les jeunes détenus.

ADULTES.

Le nombre total des adultes libérés des prisons dépendantes du ministère de l'intérieur (autres que les dépôts et chambres de sûreté) s'est élevé, en 1869, à 149 664, dont 143415 libérés des prisons départementales et 6219 libérés des maisons centrales : c'est là un chiffre énorme, qui suffit à mesurer quelle est au point de vue social l'importance des questions que

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