Page images
PDF
EPUB

rons arriver à en tracer un tableau véritable qu'en examinant séparément les groupes qui la composent. Nous allons done examiner comment elle se répartit. entre les différents établissements pénitentiaires destinés à la contenir, et quelle est l'organisation de ces établissements. Nous continuerons à observer la division que nous avons établie d'après les administrations dont dépendent ces différents établissements, tout en nous efforçant de faire en même temps l'histoire du détenu, depuis le moment où il est appréhendé au corps pour la première fois jusqu'à l'expiration complète de sa peine. C'est l'homme en effet que nous devons envisager dans cette étude, et il faut bien se garder, au milieu des détails matériels, de perdre de vue le but supérieur de l'œuvre pénitentiaire, qui est sa moralisation.

[blocks in formation]

Parmi les prisons qui dépendent du ministère de l'intérieur, il y en a qui sont la propriété de l'État et dont il dispose comme un propriétaire dispose de son bien. Ce sont les maisons centrales et les colonies publiques de jeunes détenus. Il y en a d'autres dont il n'a point la propriété, mais qu'il administre souverainement par l'intermédiaire de ses agents, sauf partage des dépenses entre l'État et le propriétaire véritable. De cette catégorie sont les maisons d'arrêt, de justice et de correction, qui appartiennent aux départements, mais dont les dépenses d'entretien sont à la charge de l'État et qu'il administre souverainement au point de vue de la discipline intérieure. Enfin, il y en a d'autres qui ne sont ni possédées ni même administrées par lui, mais sur lesquelles il exerce un droit de surveillance. Ce sont d'abord les colonies privées de jeunes détenus. Ce sont ensuite les prisons municipales, qui servent en même temps de dépôts ou de chambres de

sûreté. Ces distinctions ont une grande importance, et nous les retrouverons souvent comme explication plausible de bien des défectuosités dans notre système pénitentiaire, l'administration se trouvant dans cette situation singulière d'avoir la responsabilité là où elle n'a pas la liberté d'action. Toutefois, nous n'adopterons pas cette classification, malgré ce qu'elle pourrait avoir de rationnel, et nous préférons suivre le détenu à travers les diverses phases de son incarcération. Nous examinerons donc successivement ce qui concerne les dépôts et chambres de sûreté, les maisons d'arrêt, de justice et de correction, les maisons centrales, les colonies publiques et privées de jeunes détenus. Nous y joindrons quelques renseignements sur les conditions d'existence des libérés et sur les tentatives qui sont faites pour leur venir en aide. Nous aurons ainsi embrassé, dans leur ensemble, les questions qui se rattachent aux établissements dépendant du ministère de l'intérieur.

DÉPÔTS ET CHAMBRES DE SURETÉ

On comprend sous la désignation générale de dépòts ou chambres de sûreté des lieux de détention de diverse nature qui servent à l'incarcération provisoire d'inculpés de différentes catégories. A vrai dire, ces lieux de détention n'ont, de par la loi, ni classification ni existence bien déterminées. Ils sont plutôt le produit de circonstances de fait et de nécessités locales. Aussi sont-ils désignés sous différentes dénominations : maisons de police municipale, dépôts, chambres de sûreté,

salles de police, violons, postes, etc. Toutefois leur existence comme lieux de détention provisoire est régularisée par un ensemble d'arrêtés, d'ordonnances, d'instructions ministérielles et de circulaires, et la légitimité des détentions qui y sont subies résulte du texte même des dispositions du code d'instruction criminelle qui concernent l'arrestation provisoire. Il est nécessaire d'analyser rapidement ces dispositions, dont l'exécution sert de base à la détention préventive, et auxquelles nous serons souvent obligé de nous reporter. D'ailleurs, comme la stricte exécution de ces dispositions intéresse la liberté individuelle, on ne saurait rechercher avec trop de soin si elles sont toujours exactement observées.

En principe, le juge d'instruction peut seul ordonner la mainmise sur la personne d'un inculpé. Il n'y a d'exception qu'au cas de flagrant délit. Nous examinerons cette hypothèse tout à l'heure; mais restons d'abord dans la règle. Lorsque le juge d'instruction a conçu des soupçons sur la culpabilité d'un individu, il lance contre lui, suivant les cas et en se conformant aux distinctions établies par le Code, un mandat de comparution ou un mandat d'amener. Le mandat de comparution ne donnant à l'agent chargé de son exécution aucun droit de contrainte contre l'individu qui y est dénommé, il ne constitue pas un commencement d'arrestation. Nous n'avons donc point à nous en occuper. Le mandat d'amener, au contraire, impose à l'agent chargé de son exécution l'obligation d'amener l'inculpé devant le juge d'instruction. Il y a donc là déjà un commencement d'arrestation. Il n'y a point encore incarcération; mais nous allons la voir appa

raitre. Aux termes de l'article 93 du code d'instruction criminelle, l'inculpé doit être immédiatement conduit. devant le juge d'instruction, qui doit l'interroger dans les vingt-quatre heures; mais si, comme il arrive fréquemment, le juge d'instruction ne procède pas à l'interrogatoire au moment même de l'arrivée de l'inculpé, où celui-ci doit-il être détenu durant le temps qui sépare le moment de son arrivée de l'expiration des vingt-quatre heures accordées au juge? Il ne saurait être conduit à la maison d'arrêt. En effet, aux termes de l'article 609 du code d'instruction criminelle, « nul gardien ne peut recevoir une personne qu'en vertu d'un mandat d'arrêt ou de dépôt ». La cour de cassation s'est prononcée affirmativement à ce sens. D'un autre côté, il ne saurait manifestement être mis en liberté, puisque ce serait l'annulation du mandat d'amener. Il doit donc être gardé dans un local qui ne soit pas la maison d'arrêt. Ce local ne peut être qu'un des lieux de détention dont nous avons parlé tout à l'heure, et c'est ainsi que la régularité de l'existence des dépôts au lieu où siége le tribunal, ressort déjà des textes mêmes du code d'instruction criminelle. L'inculpé peut donc y être détenu pendant vingt-quatre heures. A l'expiration de ce délai, le juge doit ou bien le mettre en liberté, ou bien transformer le mandat d'amener en un mandat de dépôt ou d'arrêt en vertu duquel il est régulièrement écroué à la maison d'arrêt; telles sont les formalités, très-simples, de l'arrestation, en dehors du cas de flagrant délit.

Ajoutons toutefois qu'en pratique ces règles ne sont pas toujours observées. Parfois il arrive que l'individu placé sous le coup d'un mandat d'amener est conduit

« PreviousContinue »