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ou une autre accusation de pareille nature, pouvoit empêcher les corps électoraux de choisir en leur ame et conscience ceux qu'ils croient dignes de la confiance publique ; ne seroit-il pas à craindre que les ennemis de la constituticn fissent des dénonciations près des tribunaux (applaudi)? Et quel seroit l'état de la France, où en seroit la constitution, si, lors de la premiere assemblée nationale, elle eût rejeté de son sein Mirabeau, son sauveur, qui étoit décrété de prise-de-corps ?

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M. Poireau: Nous venons, je crois, tous ici avec des intentions pures: nous voulons l'intérêt général du royaume; et l'intérêt général du royaume est l'exécution de la loi. Ou vous voulez partir des anciennes loix ou vous voulez partir des modernes, pour décider la question de M. l'abbé Fauchet: il n'y a point d'alternative. Or, en partant des loix anciennes, tout citoyen décrété de prise-de-corps étoit suspendu de toute espece de fonctions. Voulez-vous partir des loix nouvelles, lisez l'acte constitutionnel, et vous verrez .... (murmures). Ayez la bonté de m'entendre. Je sais qu'il a bien mérité de la patrie; mais c'est l'intérêt général que je discute ici. Ma conclusion est, non pas que la nomination de M. Fauchet est nulle et illégale, mais que nous devons attendre, pour prononcer la validité ou l'invalidité, l'effet de l'accusation qui a été porté contre lui.

M. Garran-Coulon : On vient de considérer la question sous deux points de vue : l'un suivant les anciennes loix, l'autre suivant l'ordre actuel. On n'a pas vu que l'une et l'autre de ces deux suppositions étoient inadmissible. Dans l'ancien ordre de législation, ordre qui a été rejetté avec tant de raison, il n'y avoit ni assemblée primaire, ni assemblée électorale, ni assemblée législative; il n'y avoit point de loix; car il n'y a de loix que l'expression de la volonté générale (applaudi). Il y avoit de simples réglemens que nous étions bien obligés de suivre, à défaut de mieux. Il faut examiner si ces réglemens s'appliquoient à l'élection de M. Fauchet. Alors toute la procédure étoit secrete. Quoique lors de l'élection de M. l'abbé Fauchet, il y eût une réforme à cet égard, la réforme ne s'étoit pas étendue jusqu'à ôter le secret de la procédure, immédiatement avant le décret de prise-de-corps.

M. l'abbé Fauchet étoit décrété, dit-on s'il l'étoit, il l'étoit secrétement. Le décret ne pouvoit et ne devait être connu ni de lui ni de l'assemblée électorale, qu'au moment où on l'auroit exécuté en l'appréhendant; ou, s'il se fût enfui, en annotant ses biens. D'après cela il est manifeste

que l'assemblée électorale, qui ne connoissoit point ce décret-là, n'a pas pu regarder M. Fauchet, sur un bruit bien ou mal fondé, comme exclus de son sein. M Fauchet, luimême, n'a pas pu se croire exclus, non pas des droits de citoyen actif, comme on vous l'a dit, mais de l'exercice des droits de citoyen actif, aux termes de la loi. J'ai donc eu raison de dire que dans cet ancien ordre de choses, où il n'y avoit qu'esclavage, on ne pouvoit pas appliquer l'ordonnance de 1670 au cas de M. Fauchet, puisque, d'une part, il n'y avoit pas moyen de constater la situation judiciaire où se trouvoit M. Fauchet, et que, d'une autre part, les reglemens n'avoient aucune espece d'application à des assemblées primaires, électorales, législatives, qui n'existoient pas encore.

Ce que je dis, messieurs, je le dis d'après une décision de l'assemblée nationale constituante elle-même. Vous vous rappellez tous l'odieuse affaire du prévôt de Marseille: eh bien! plusieurs officiers municipaux furent élus, étant dans les fers, en vertu de décret de prise de corps du prévôt de Marseille, qui étoit aussi un juge constitutionnel de ce teins-la; et ses décrets n'empêcherent point la validité de Télection.

Je viens à l'ordre nouveau. Cet ordre nouveau est bien loin d'être contraire à M. l'abbé Fauchet. Un article déja cité porte sont exclus des 'droits de citoyen actif ceux qui sont en état d'accusation. Voyons donc, Messieurs, dans la constitution, elle-même, ce que c'est que d'être en état d'accusation. Le voici en matiere criminelle, un citoyen ne peut être jugé que sur une accusation reçue par des jurés, ou décrétée par le corps législatif, dans le cas où il lui appartient de poursuivre l'accusation. Vous voyez un systême très-conséquent, de législation et de constitution. L'accusation se fait d'une maniere publique,' et est notifiée publiquement. La loi a voulu que les assemblées électorales, qui ne pouvoient pas ignorer tout ce qui étoit fait de cette maniere, repoussâssent de leur sein tous ceux qui seroient en état d'accusation; mais, Messieurs, dans l'état actuel des choses, nous n'avons point encore, en matiere criminelle, de juges constitutionnels; ceux que nous avons, font, tout à la fois, l'instruction, jugent le point de fait et le point de droit.

Si donc M. l'abbé Fauchet n'a eu contre lui, ni an jurẻ d'accusation qui l'ait mis en état d'accusation, ni un décret du corps législatif, vous ne pouvez pas, sans enfreindre cette constitution que vous invoquez, arrêter que l'élec

tion est nulle, que l'assemblée électorale n'a pas été régulièrement tenue, et d'une autre part que M. l'abbé Fauchet n'a pas été régulièrement élu. Je demande donc qu'il soit déclaré que l'assemblée électorale a été bien et légitimement tenue, et que l'élection de M. l'abbé Fauchet, comme toutes les autres de son département, est valable (applaudi: aux voix, aux voix).

M. le rapporteur : Après ce qui vient d'être dit sur la question, j'aurai peu de chose à ajouter pour motiver mon avis. Nous devons consulter l'état des choses. Or il n'est - pas douteux qu'un ajournement personnel, suivant les loix anciennes subsistantes jusqu'à ce que les nouvelles les remplacent, constituoient en état d'arrestation . . . ( murmures). Les voeux sont assez manifestes, de conserver à l'assemblée législative les lumieres de M. Fauchet, son civisme et celui de ses collegues. Notre intérêt est donc de donner ici un exemple dont on ne puisse pas abuser. Vous êtes fondés à motiver la délibération que vous allez prendre ( bruit).

M. . . . . . : M. le président, je demande qu'il soit dit que les circonstances. (grand bruit la discussion

fermée).

:

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M. Cerutti: Je m'éleve contre la proposition de fermer la discussion je la trouve extrêmement prématurée. La question que l'on traite est de la plus grande importance, soit par la personne de M. Fauchet, soit par la loi, Si vous me permettez de vous développer ma pensée, la voici. Je suis entre l'enthousiasme et la loi. Dans cette position je ne puis balancor un instant : je trouve qu'il vaudroit beaucoup mieux pour nous qu'en quelque sorte l'ordre du monde fût troublé que de troubler le cours de la justice ( applaudi). Mais en même tems qu'il faut favoriser le cours de la jus tice, il faut périr plutôt que de l'enfreindre. Il faut bien se garder de confondre la justice avec ce qui ne seroit que la calomnie. J'ai des détails sur ce qui regarde M. Fauchet le décret n'a point été notifié publiquement, il n'étoit fondé sur aucun fait réel. Malgré cela, si la loi est contre, la patrie doit embrasser M. Fauchet, mais doit le rejetter de cette assemblée, parce qu'il vaut mieux perdre un grand homme que de perdre un principe et une loi.

:

Cependant, lorsque sans subtilité, lorsque sans subterfuge. on peut concilier deux choses, il faut courir à la conciliation. Il me semble que c'est ici le lieu de cette conciliation La loi dit que: seront exclus de l'exercice des droits de citoyen actif, ceux qui sont en état d'accusation : 1o. cet article

est relatif aux jurés, qui ne sont point encore établis; 20. il ya de l'exercice des droits, et non pas des droits; par conséquent M. Fauchet pouvoit être élu, mais non pas élire; il peut jouir des droits, mais il ne peut pas les exercer (murmures).

L

Messieurs, je vous citerai l'exemple des romains, l'exemple des anglois, l'exemple de l'assemblée nationale constituante. Elle n'a jamais prononcé un jugement; les romains, les anglois ne l'ont jamais prononcé que sur le mot fixe de la loi. Pour condamner, il faut que le mot et le grief soient aussi clairs que la lumiere. S'il reste un petit nuage, s'il reste un point d'obscurité, l'accusé doit être sauvé et échapper par-là Ainsi il s'agit de deux choses: de marquer ici solemnellement notre respect pour la loi, en même-tems de marquer notre attachement pour les vertus et les talens de M. l'évêque Fauchet ( oh! oh!)

Une voix: Talens, à la bonne heure.

M. Cerutti: Je vous demande une chose, messieurs : je ne la demande point à votre esprit, je la demande à votre conscience. Trouvez vous la loi évidente? condamnez-le ; trouvez-vous la loi obscure? absolvez-le : c'est à quoi je conclus.

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On demande la division.

Plusieurs voix : Il ne peut pas y en avoir.

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: Je m'oppose à la division,

attendu

que

les

vices de nullité que quelques membres prétendent opposer à la nomination de M. Fauchet, seroient également applicables à tous les autres membres (applauči).

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L'assemblée admet la question préalable sur la division et déclare valables toutes les élections du département du Calvados.

M. le rapporteur du quatrieme bureau: Messieurs, le bureau à qui vous avez confié le soin de reconnoître les pouvoirs des députés nommés dans les assemblées des départemens de la Corse, des côtes du Nord, de la Côte-d'Or, de la Creuze, de la Dordogne, du Doubs, de la Drôme d'Eure, d'Eure et Loir, me charge de vous rendre compte de l'examen attentif qu'il a fait des procès-verbaux d'élection qui ont été mis sous ses yeux. Nous nous empressons de vous messieurs, qu'aucune difficulté n'a arrêté notre marche, et que par-tout nous avons trouvé la plus scrupuleuse observation des loix de l'assemblée constituante concernant les élections. Je ponrrois, messieurs, vous lire la nomenclature des députés dont les pouvoirs ont été recon

annoncer "

nus bons; mais vous aimerez mieux sûrement les entendre eux-mêmes que d'entendre leurs noms.

Le bureau est d'avis que les élections soient reconnues bonnes et valables.

J'oubliois d'annoncer à l'assemblée que le département de la Corse n'ayant point remis ses procès-verbaux il a été impossible de vérifier leurs pouvoirs; son éloignement en est sans doute cause.

L'assemblée adopte l'avis du bureau.

M. le rapporteur du cinquieme bureau: Messieurs, les membres formant le cinquieme bureau a arrêté hier la vérification des pouvoirs des départemens formant ce bureau, ils ont reconnu que les députés nommés dans les départemens du Finistere, dans ceux de l'Heraut jusqu'à l'Indre avoient été légalement élus. M. l'archiviste nous a déclaré n'avoir pas encore reçu les procès-verbaux des départemens de la Haute-Garonne et du Gers.

L'assemblée adopte l'avis du bureau.

M. le rapporteur du sixieme bureau: Messieurs, le sixieme bureau m'a chargé d'annoncer à l'assemblée, que sur les huit départemens qui y ont été vérifiés, sepi ont été trouvés être conformes à la loi. Le bureau est d'avis que ces sept départemens soient admis sans difficulté, et lorsque l'assemblée aura prononcé, je lui rendrai compte d'une difficulté qui s'est élevé sur le huitieme.

L'assemblée adopte l'avis du sixieme bureau.

M. le rapporteur: Il s'est elevé des difficultés sur la formation de l'assemblée électorale des départemens de la Loire inférieure. La commune de Nantes a protesté contre la formation de cette assemblée électorale, par la raison que tous les électeurs qu'elle avoit nommés n'avoient pas été admis dans l'assemblée. Ces protestations n'ont point été reçues par l'assemblée électorale, quoiqu'elles aient été signifiées. La commune de Nantes a pris le parti d'adresser ces mêmes protestations à l'assemblée nationale constituante, qui n'a pas jugé à propos d'en connoître, parce qu'elle n'a pas cru être compétente. En conséquence la commune de Nantes a dé puté vers vous pour réclamer une seconde fois. Les députés de cette commune se sont présentés hier à notre bureau. Ils y ont été entendus contradictoirement avec ceux de la Loire inférieure. Les difficultés nous ont paru trop grandes pour prendre sur notre compte de les résoudre. Le tems ne nous a pas permis de les présenter à l'assemblée, et nons avons pensé que devant entraîner une très-longue discussion, elle ne devoit point arrêter les travaux de l'assemblée, qui avoit

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