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rité nationale; il n'y aura plus d'émigrans, et tous les hommes voudront être François. C'est ainsi que rappellant dans notre sein ceux qui s'en sont éloignés; cette réunion vous vaudra la seule satisfaction qui doive plaire à des Législateurs. J'appuie de toutes mes forces le projet de décret du second préopinant.

M...

Après les éclairs de M. Brissot, je ne puis jetter que de foibles étincelles..... Pourquoi nos Officiers de ligne sont-ils passés chez l'Etranger? Est-ce que l'Asseinblée nationale étoit trop sévere, quand, par une amnistie générale, elle a invité les émigrés à rentrer dans leurs foyers, quand la nation tendoit les bras à ces enfans dénaturés, quand elle mettoit leurs personnes et leurs propiétés sous la protection des loix? Quelles excuses pourront alléguer ceux qui, depuis cette époque, se sont précipités et se précipitent encore dans la carriere de l'infamie. La clémence ne sert souvent qu'à enhardir les méchans. Ce n'est pas qu'une émigration d'une poignée de rebelles doive faire concevoir des alarmes à la patrie. Elle est au-dessus des efforts de ces pigmées, pour avoir jamais à les craindre; e quand les ennemis de notre sublime Constitution concevroient le téméraire projet de porter la guerre dans nos foyers, je dirois comine le brave chevalier Bayard laissez partir ceux qui n'auroient servir qu'à embarrasser la manoeuvre. François, ne craignez rien: les armées combinées des puissances voisines, la témérité des plus feroces généraux, disparoîtront devant nos braves patriotes, comme les ombres de la nuit devant la lumieres du soleil. Hé ! quelle force sur la terre oscroit s'opposer à la puisssance formi dable des François réunis, et enflammés d'un même amour pour la patrie?

La seule peine qu'il convient d'infliger aux émigrans, est de les livrer à l'opprobre d'une éternelle infamie. Voici Messieurs, le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter :

Art. I. A compter du jour de la proclamation du présent décret, le Pouvoir exécutif sera chargé de notifier aux militaires émigrés qu'ils aient à rentrer dans le royaume dans le délai d'un mois.

II, Tout militaire qui auroit déserté son poste pour passer chez l'étranger, et qui ne seroit pas rentré dans le royaume, dans le délai prescrit, sera déclaré infame, privé pour toujours du droit de citoyen actif, et ses biens seront vendus au profit de la nation pour subvenir aux frais de la guerre. III. Tout afficier qui abandonnera ses drapeaux pour se

retirer ehez lui, ou dans tout autre lieu du royaume, sans avoir donné une démission motivée, sera déclaré infidele à ses engagemens et ne pourra exercer aucune fonction publique. Il est d'autres articles sur jesquels je me réfere à l'avis de M. Brissot.

M. Ramond Il semble que dans ce moment la discussion ne puisse plus prendre une marche retrograde, et il me semble que la vaste étendue que lui a donné ún des préopinans, met ceux qui parlent après lui dans la nécessité de suivre la même marche. J'avouerai cependant que je croyois cette discussion plus avancée avant d'avoir ouï son projet de décret. L'arêne me paroissoit entiérement netloyée, et je nourrissois l'espérance de ne plus entendre parler dans cette assemblée d'aucune loi relative aux émigrans. Si je compare son opinion avec son projet de décret, j'éprouve quelque difficulté à me rendre compte de ces principes si sûrs, si vrais, d'une justice éternelle, avec le consentement donné dans le projet de décret, à des mesures coercitives, à des passeports, à une taxe sur les propriétés. Il paroit donc nécessaire de revenir au principe même de la contestation, et d'écarter encore une fois ce qu'il avoit si bien écarté, et ce qui ne devoit point se reproduire, dans son projet de décret. Sans doute qu'ici on n'a pas une idée bien nette de l'émigration. Sous le mot générique d'émigrans, se confondent un grand nombre de personnes dont les motifs et dont les mouvemens sont totalement divers. lly a des personnes qui se transportent; cette espece d'émigrans sont des voyageurs. Il y a des personnes qui transportent avec eux leur propriété; voilà les vrais emigrans. il y a des fonctionnaires publics qui désertent leurs fonctions; il y a enfin un rassemblement de françois suspects, et il peut y avoir bientôt des rassemblemens de françois ennemis déclarés Ces différentes personnes ne peuvent point être confondues. Il faut distinguer soignensement dans le cours de la discussion qui va suivre, cette differente qualification des per-. sonnes Il est certain que dans quelque circonstance que ce soit, aucune espece d'obstacles ne peut nuire au transport simple des personnes, que nulle ioi ne peut être faite contre aucune espece de voyageurs, en ce que ceux-là échappent nécessairement à toute espece de prévoyance. En vain on vous présenteroit à cet égard le salut du peuple le salut du peuple est d'être juste. Le salut du peuple est de ne faire et de ne souffrir jamais qu'il soit fait aucune espece d'exception aux principes; et si un peuple libre faisoit quelque sorte d'exception à ces principes, il se rangeroit

nécessairement dans la classc de ces hommes qui n'ont jamais connu de loi, et qui pensent qu'elles peuvent subir des exceptions quand leur intérêt leur en fait desirer.

Quant à la seconde classe, celle de ceux qui transportent leurs biens; libres à chaque instant de se ranger dans la classe des étrangers, de se proclamer étrangers; s'ils vous laissent des biens, la contribution que ces biens vous paient est le prix de la protection que vous leur devez. Les émigrans peuvent être suspects, et c'est alors qu'arrivent les grandes mesures qui vous ont été proposées par M. Brissot. Alors la Nation a le droit de demander aux puissances étrangeres l'entiere exécution des traités et du droit des gens. Si vous le pouvez, vous le devez; et c'est le moment alors, où la Nation prend cette attitude de fermeté et de dignité qui lui convient. Il y a enfin des émigrans qui peuvent devenir des ennemis déclarés; alors seulement doit avoir lieu la condamnation. Toute condamnation qui seroit antérieure au délit commis, seroit une condamnation absolument injuste. Il faut, pour avoir le droit de se payer des frais de la guerre, il faut que la guerre soit commencée; ce n'est point pour vous une raison suffisante que de craindre les émigrans. Envain vous suspecterez les intentions des émigrans; jusqu'à ce qu'il soit certain que ces intentions sont hostiles, vous n'avez point de droit de vous payer sur les biens qu'ils vous laissent du dommage qu'ils vous causent.

Je crois que ces principes sont parfaitement conformes à ceux que M. Brissot a énoncés; je ne les reprends que pour m'étonner de ce que je ne les retrouve point dans son projet de décret, dont le premier article exige le retour de tous les émigrans, quels qu'ils soient. Dans le second, il propose une taxe sur leurs biens; cette taxe me paroît suffisamment repoussée par des principes sacrés et avoués par lui-même. Je ne discuterai point dans ce moment la partie de son projet de décret relative à nos relations politiques : je ne fais à cet égard qu'une déclaration générale, c'est qu'il me paroît fondé sur la vraie connoissance de nos droits et de nos besoins; qu'avec lui je conviens que c'est aux chefs de ces rassemblemens suspects que doit s'adresser une Nation qui a quelque sujet de les craindre, et que les mesures à cet égard ne paroissent jusques à un certain point bien prévues, bien remplies par les articles du décret de M. Brissót. Je terminerai, Messieurs, en demandant que la discussion ne se ferme pas, actuellement que le champ de bataille est telleinent, changé, avant que l'impression du discours de M. Brissot mette l'assemblée nationale à portée de se livrer à une dis

cussion qui avance, et non pas, comme vous le voyez, à une discussion qui recule. Je conclus à ce que la discussion totale soit ajournée, au jour où l'opinien et le projet de décret de M. Brissot seront distribués à tous les membres de cette assemblée.

Plusieurs voix: La question préalable sur la proposition de M. Ramond.

L'Assemblée rejette la proposition de M. Ramond.

M. Morveau: Quelques opinans ont, jusquà présent, avancé qu'il n'y avoit actuellement aucune loi contre les officiers qui quittoient leurs drapeaux sans démission. Or, cette loi se trouve existante, et la voici :

« Ceux qui ont abandonné volontairement leurs corps ou feurs drapeaux, sans avoir donné leur démission, et qui sont ensuite passés chez l'étranger, seront incessament poursuivis comme transfuges, par les commissaires auditeurs des guerres, et jugés par les cours martiales.

J'observe à l'Assemblée que la loi d'amnistie ne peut pas abolir cette disposition, puisque cette disposition même est contenue dans un décret d'amnistie qui donnoit déjà un délai aux officiers, pour rentrer à leur poste. Il me semble que l'Assemblée ne doit point perdre de vûe l'exécution de ce décret.

M. Dumas: Messieurs, puisqu'il est devenu nécessaire de discuter, au sein du corps législatif, l'application des principes même de la Constitution, puisqu'il ne s'agit de rien moins que de courber la loi devant les circonstances, l'examinerai d'abord la prohibition proposée des émigrations dans toute la rigueur des principes; j'en appliquerai ensuite les conséquences aux circonstances où nous nous trouvons. Enfin, j'indiquerai les mesures que je crois propres à remplir vos vûes.

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Notre pacte social est fondé sur les droits de l'homme: il faut remonter à cette source pure, et voir si, dans la définition de la liberté, on peut trouver le principe d'une obligation individuelle à faire partie du corps social.

La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui; ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes, que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits; les bornes ne peuvent être déterminées qne par la loi.

Or, le pacte social n'a point posé de telles bornes ; il n'a point fixé d'époque et déterminé de circonstances où les Citoyens françois seroient privés du droit de disposor de leurs personnes et de leurs propriétés. Nous tous contractans,

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nous avons dit: tant que nous serons réunis dans les limites de l'Empire françois, nous vivrons sous de telles loix mais nous sommes-nous engagés à ne jamais nous en séparer? Aucun article de notre Constitution ne prescrit cette conscription rigoureuse. Faut-il d'accord avec nos ennemis ériger en principe que le corps politique n'existe que par la plénitude numérique et la présence absolue de tous les

individus.

Mais, me dira-t-on, quel est le point où la loi peut atteindre le Citoyen qui abuse de son égide protectrice.

Je réponds par l'article 5, de la Déclaration des droits (il le lit) que la loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Eh qu'on ne pense pas qu'il soit exact de conclure que l'émigration étant nuisible á la société, la loi doit la défendre. Non, Messieurs, une actions, nuisible dans le langage des loix, est un mal positif, une infraction, une résistance que la loi doit reprimer. Mais l'absence, la fuite hors de son pays est un mal négatif, une sorte de privation de civisme et de vertu, que l'opinion publique peut repronver, mais que la loi ne sauroit saisir. Je sais que des circonstances qui aggravent l'expatriation, peuvent caractériser des délits particuliers; je ne parle ici que de l'expatriatiou en général, et si je consacré des principes d'éternelle vérité, je n'en sens pas moins leur apparente contradiction avec la suprême loi, le salut du peuple. On répete dans cette tribune, où l'ombre de Montesquieu a été si souvent et si injusment rappellée, qu'il falloit quelquefois jetter un voile sur la statue de la loi. Mais dans cette discussion mémorable, l'orateur de la liberté, Mirabeau, ne voulut reconnoître aucun intérêt suprême; il ne composa point avec la nécessité. Voulez-vous l'entendre luimême traitant cette importante question avec toute la force, toute la grandeur de ses conceptions?

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Après avoir cité sa prophétique lettre à Frédéric Guillaume, il disoit l'homme ne tient pas par des racines à la terre ainsi il n'appartient pas au sol. L'homme n'est pas un champ, un pré, un bétail, ainsi il ne sauroit être une propriété. L'homme a le sentiment intérieur de ces vérités simples, ainsi on ne sauroit lui persuader qu'aucune loi puisse l'enchaîner à la glebe tous les pouvoirs se réuniroient en vain pour lui inculquer cette infâme doctrine. »

qu'il me soit

Mirabeau déclaré donc solemnellem migrans est

permis de conclure avec lui, qu'une loi sur les émi inconciliable avec la constitution.

Cependant quelle différence entre les circonstances ou

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