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1572. A la fin du dernier siècle, il ne restait plus des anciennes institutions que des conséquences incomprises de principes oubliés ; des garanties qui n'avaient plus d'objet; des priviléges qui étaient maintenus par un étroit esprit de localité: c'était une énigme sans non), un véritable chaos judiciaire et administratif, au-dessus duquel planait l'esprit de civilisation qui en fit sortir, en 1789, une organisation rationnelle.

L'Assemblée constituante, en proclamant l'égalité de tous devant la loi, l'unité législative, judiciaire, administrative et territoriale, en distinguant les pouvoirs, en plaçant les droits naturels et politiques sous la garantie d'une constitution qui appelle la nation à voter l'impôt, a jeté les bases d'un vaste système qui renferme toutes les anciennes libertés et leur donne la garantie dont elles manquaient. Elle a fait le droit de tous de ce qui n'était auparavant qu'un privilége; la charte des franchises n'appartient plus à une ville, à une commune, mais à la France tout entière. De là la suppression de toutes les législations spéciales, utiles autrefois, et qui n'auraient plus de but aujourd'hui, et avec elle l'affaiblissement de l'esprit de localité qui doit céder aujourd'hui devant l'intérêt général. L'autorité est une en France comme la législation; aucune partie du territoire ne peut être soustraite à l'application de la loi, qui est aujourd'hui l'expression de la volonté générale. Les droits sont partout les mêmes, les charges sont partout semblables.

1573. La loi du 14 décembre 1789 abolit toutes les municipalités alors existantes, et, posant les bases d'un système général, établit dans chaque commune un corps municipal, composé d'un maire et de deux ou de plusieurs autres membres, suivant la population. Au-dessus de 100,000 âmes, le nombre des membres

du corps municipal était de 21. Le maire et les autres officiers municipaux étaient nommés par tous les citoyens actifs de la commune; les mêmes électeurs nommaient aussi des notables en nombre double de celui des membres du corps municipal, pour composer avec eux le conseil général de la commune. Le corps municipal, dans la commune où il était composé de plus de trois membres, se subdivisait de telle sorte, que le tiers des membres composait un bureau chargé de tous les soins d'exécution et borné à la simple régie; c'était le maire, dans les communes qui ne comptaient que trois officiers municipaux, qui remplissait ces fonctions. Le conseil municipal, composé des deux autres tiers, s'assemblait au moins une fois par mois pour arrêter les comptes du bureau; lorsque cette opération était terminée, les membres du bureau se réunissaient aux membres du conseil, et délibéraient en commun sur tout ce qui était relatif à l'exercice des fonctions municipales. Enfin les notables, réunis aux membres du corps municipal, formaient le conseil général de la commune, qui n'était convoqué que pour les affaires importantes déterminées par la loi. (L. du 14 décembre 1789.)

Pour mettre en mouvement cette machine compliquée, dont l'organisation présente, comme on le voit, beaucoup d'analogie avec celle de l'administration départementale créée à la même époque, on établit un procureur de la commune, et en outre, dans les villes au-dessus de 10,000 âmes, un substitut du procureur de la commune, l'un et l'autre nommés par les électeurs, et chargés de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la communauté. Tous ces fonctionnaires devaient être renommés tous les deux ans. (Id.) Du reste, la loi de 1789 posa tous les grands principes

qui servent encore de base à notre législation; elle consacra la séparation des autorités judiciaires et administratives, et déclara les places de judicature incompatibles avec les fonctions de membre d'un corps municipal. (Id., 14.) Elle distingua dans les corps municipaux deux espèces de fonctions, les unes propres au pouvoir municipal, les autres dépendantes de l'administration générale de l'Etat, et déléguées par elle aux municipalités. (Id., 49, 50.) Pour tout ce qui concernait les dernières, elle subordonna les corps municipaux aux administrations de département et de district; quant aux autres, elle exigea que les délibérations du corps municipal fussent approuvées par l'administration du directoire du département, dans tous les cas où l'importance des affaires nécessitait le concours du conseil général de la commune. (Id., 55, 56,)

1574. L'organisation administrative des communes fut modifiée par la constitution du 23 juin 1793, et plus encore par la loi du 4 vendémiaire an II, qui déclara le gouvernement révolutionnaire jusqu'à la paix, et plaça tous les corps constitués sous la surveillance du comité de salut public, lequel rendait compte tous les huit jours à la Convention. Le décret du 14 frimaire suivant, qui organisa le gouvernement révolutionnaire, remplaça les procureurs des communes et leurs substituts par des agents nationaux, chargés de requérir et de poursuivre l'exécution des lois, de dénoncer les négligences et les infractions; ils correspondaient tous les huit jours avec les agents de district.

1575. La constitution du 5 fructidor an III prit pour base de l'organisation municipale la population plutôt que le territoire; elle établit une municipalité dans toutes les communes dont la population s'élevait depuis 5,000 jusqu'à 100,000 âmes; elle plaça dans chaque

commune dont la population était inférieure à 5,000 âmes un agent principal et un adjoint; dans les autres, le nombre des officiers municipaux s'augmentait suivant le nombre des habitants. La réunion des agents municipaux de chaque canton formait la municipalité de canton. Il y eut, de plus, un président municipal choisi dans tout le canton. (Const. du 5 fruct. an III, t. 7.) 1576. Cette organisation fut remplacée par celle qu'établit la loi du 28 pluviôse an VIII, qui simplifia le système de l'Assemblée constituante, en établissant un maire pour agir et un conseil municipal pour délibérer, mais qui supprima le principe d'élection, et, par une réaction assez ordinaire à la suite des temps d'anarchie, donna au pouvoir exécutif une part beaucoup trop étendue dans le gouvernement, en lui attribuant, outre la nomination des maires et adjoints, celle des conseiliers municipaux. (L. 28 pluv. an VIII, 18 et 20.)

1577. La législation postérieure à 1830, tout en conservant la distinction du conseil qui délibère et de l'agent qui exécute, est revenue aux véritables principes. La loi du 24 mai 4831 a rendu la nomination du conseil municipal aux citoyens, en laissant à l'autorité celle des maires. Le décret du 3 juillet 1848 fit à l'organisation municipale l'application des principes du suffrage universel; il alla même jusqu'à confier le choix des maires aux conseils municipaux, dans les communes de moins de 6,000 àmes. Une loi transitoire du 7 juillet 1852 modifia le décret du 3 juillet 1848; enfin les dispositions de la loi du 21 mars 1831, du décret du 3 juillet 1848 et de la loi du 7 juillet 1852, auxquelles on a ajouté quelques dispositions nouvelles, ont été fondues et coordonnées dans la loi du 5 mai 1855, qui forme, avec la loi du 18 juillet 1837 et

le décret du 25 mars 1852 sur la décentralisation, la législation municipale actuelle.

Le corps municipal de chaque commune se compose du maire, d'un ou de plusieurs adjoints et des conseillers municipaux. Le maire et les adjoints sont nommés par l'empereur ou par les préfets, suivant une distinction que nous ferons connaître plus bas. Les conseillers municipaux sont élus par le suffrage universel. (Vnos 581 et suiv.)

S II. Constitution de la commune.

1578. Avant d'exposer les attributions municipales, nous devons examiner ce qui constitue la commune. La constitution de 1791 explique en ces termes ce que l'on doit entendre par une commune: « Les citoyens » français, considérés sous le rapport des relations » locales qui naissent de leur réunion dans les villes >> et dans de certains arrondissements du territoire des campagnes, forment des communes. »> (Const, du 3 sept. 1791, t. 2, art. 8.)

La loi du 10 juin 1793 donne la définition suivante : « Une commune est une société de citoyens unis par » des relations locales, soit qu'elle forme une munici» palité particulière, soit qu'elle fasse partie d'une » autre municipalité. »

Le législateur n'a pu éviter ici les inconvénients inhérents à toutes les définitions; il est impossible, en effet, de renfermer en quelques mots tous les caractères d'une institution complexe, et ce n'est qu'en étudiant tous les éléments de son organisation qu'on peut en concevoir une juste idée. Les définitions données sont trop vagues; celle de la loi du 10 juin 1793 a en

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