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bestiaux, les bois dont les coupes leur sont distribuées, etc., etc. Les biens de ces deux classes ne sont pas hors du commerce; par conséquent ils peuvent être aliénés, mais avec l'accomplissement de formalités particulières, et ils sont susceptibles de prescription. (C. Nap. 2227.)

La loi du 18 juillet 1837 attribue au conseil municipal le droit de régler le mode d'administration des biens communaux, le mode de jouissance et la répartition des pâturages et des fruits, sous certaines restrictions relatives aux bois. Nous allons faire connaître les règles à cet égard; mais avant tout nous devons nous demander quelles sont les personnes qui ont droit au partage des fruits communaux.

1658. Le premier point à examiner est celui de savoir si, pour participer aux fruits des biens communaux, il est nécessaire d'être Français. L'art. 2 de la section 2 de la loi du 10 juin 1793 n'appelait au partage des biens communaux que les citoyens français domiciliés dans la commune, d'où l'on peut conclure que le partage des fruits doit être régi par la même règle. Cependant la Cour de cassation décide que cette disposition est sans application lorsqu'il s'agit de la simple jouissance des biens; que, pour avoir droit à cette jouissance, il suffit d'être habitant de la commune et de prendre part aux charges communales; qu'un étranger non naturalisé peut être considéré comme habitant d'une commune, lorsqu'il a été autorisé à fixer son domicile en France. (C. C. req., 23 mars 1853, C de Cauvency.) (1). Un autre arrêt de la chambre

(1) V. aussi id. req., 26 février 1838, Ce d'Avioth. Cependant la même chambre motivait, le 9 avril 1835, un arrêt en ces termes : « Attendu » qu'il est reconnu que les défendeurs à la demande sont Français do» miciliés dans la commune, etc. » (Ce de Bendorff.)

criminelle du 11 mai 1838 (Belot), rendu dans l'intérêt de la loi, décide que les droits de pâturage et d'affouage sont des droits réels établis pour l'utilité des maisons et des héritages de la commune; que la jouissance en appartient dès lors à tous ceux qui possèdent, habitent ou exploitent ces maisons ou héritages, quelle que soit leur qualité.

La loi du 10 juin 1793 nous paraît avoir posé un principe parfaitement juste, quand elle a appelé au partage des biens communaux seulement les Français. Autrefois les chartes municipales de la plupart des villes exigeaient des nouveaux membres de la bourgeoisie le payement des droits connus alors sous les noms de droits d'entrée, de jouissance, d'incolat. On décide aujourd'hui que ces droits ne sont pas dus par les nouveaux habitants (1). Cette décision peut être critiquée; elle est fondée sur la confusion entre l'acquisition de priviléges qui n'existent plus et l'acquisition d'une part de jouissance dans des biens qui existent encore. Mais si le payement d'un droit n'est plus exigé de ceux qui viennent prendre part aux biens d'une commune, il nous semble qu'on doit au moins exiger d'eux la qualité de Français, et protéger ainsi les habitants des communes frontières contre les étrangers qui viennent trop souvent dévorer une partie de leurs

ressources.

C'est, selon nous, un point de vue faux que de présenter le droit aux fruits communaux comme une conséquence des charges auxquelles sont soumis les habitants de la commune, étrangers ou nationaux; car ces charges pèsent sur les habitants des communes

(1) Circul. du ministre de l'intérieur du 28 mars 1838; arrêt de la Cour de cass, req. du 9 avril 1838. (Ce de Bendorff.)

qui n'ont pas de biens comme sur les habitants des communes qui en ont. Enfin, on ne peut considérer la participation aux fruits communaux comme un droit accordé par l'art. 13 du Code Nap. aux étrangers admis à fixer leur domicile en France; car il s'agit ici d'une sorte de copropriété, et non d'un droit civil propre

ment dit.

L'arrêt de la chambre criminelle du 11 mai 1838, en considérant le droit aux fruits communaux comme attaché non aux personnes, mais aux choses, pose un principe qui ne manque pas de vérité, mais auquel il donne une trop grande extension. Il existe, en effet, des droits communaux inherents aux propriétés, tels que celui de prendre dans les bois des arbres pour la reconstruction des maisons. Ces sortes de droits profitent aux propriétaires, quels qu'ils soient; mais on ne peut, comme l'a fait l'arrêt, placer dans la même catégorie le droit d'affouage, qui a un caractère tout personnel (C. for., 105). Nous devons aussi reconnaître qu'un fermier étranger doit jouir des avantages même personnels appartenant à son propriétaire français, non pas en son nom, mais au nom du propriétaire dont il exerce les droits. C'est le cas de l'arrêt du 11 mai 1838, qui, ce nous semble, aurait dû être motivé sur cette considération.

Le Conseil d'Etat a décidé, contrairement à la jurisprudence de la Cour de cassation, le 30 mars 1846 (Pire), « qu'aux termes de l'art. 3, section 2 du décret » du 10 juin 1793, le droit de participer à la jouis>>sance des biens communaux n'appartient qu'aux >> citoyens français ayant leur domicile réel dans la » commune; que l'art. 105 du C. forest. n'a changé >> aucune des conditions d'aptitude prescrites par » cette disposition. » (. aussi 18 nov. 1846, Ce de

Francheval.) (1). La même doctrine avait été développée dans un arrêt de la Cour de Colmar du 20 janv. 1841 (Ce de Dürrenentzen).

1659. Que doit-on entendre par le mot habitant? Suffira-t-il, pour avoir droit à la jouissance des communaux, qu'un individu réside dans la commune, sans qu'on puisse examiner depuis combien de temps et à quel titre? Nous ne le pensons pas; car le droit de prendre sa part des fruits communaux suppose l'intention sérieuse de faire partie de la commune. La jouissance des droits civils et politiques n'est pas immédiate; l'art. 6 de la constitution du 22 frim, an VIII voulait que le domicile politique ne s'établit que par un an de résidence; aujourd'hui il faut avoir 6 mois de résidence à la clôture des listes électorales. (Décr. 2 févr. 1852, 13.) La loi du 10 vend. an IV, t. 3, art. 4, dit que le tableau des habitants d'une commune ne doit contenir que ceux qui y sont domiciliés depuis un an; enfin l'art. 3 de la section 2 de la loi du 10 juin 1793 n'admet au partage des biens communaux, décrété le 14 août 1792, que les citoyens français domiciliés dans la commune un an avant le jour de la promulgation de ce décret; nous pensons que cet article est encore en vigueur.

M. Carré, dans son Traité sur les droits d'usufruit, est d'un avis contraire, et soutient que le principe de la loi du 10 juin a été abrogé par le Code Napoléon, qui pose le principe de la jouissance des propriétés communales, et qui règle les effets et les conditions du domicile, auxquels sont attachés les droits de l'incolat. Mais le Code Napoléon ne s'est occupé du domicile que sous

(1) D'après sa nouvelle jurisprudence, le Conseil d'Etat ne serait plus appelé aujourd'hui à statuer sur une question de cette nature (v. no 1664).

TOME III.

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un tout autre point de vue; et en parlant des droits des habitants sur les biens communaux, il se réfère évidemment, quant aux conditions requises pour avoir la qualité d'habitant, aux lois spéciales sur la matière. Le Code forestier du 21 mai 1827 prouve bien que l'acquisition de domicile, telle qu'elle est réglée par le Code Nap., serait insuffisante, puisqu'il déclare dans l'art. 105 que le droit au partage des bois appartient aux chefs de maison ayant domicile réel et fixe; enfin, si, aux termes de la loi du 24 vendémiaire an II, un indigent ne peut obtenir de secours dans une commune qu'autant qu'il y a séjourné pendant un an, comment admettrait-on qu'il peut, avant ce temps, participer au partage des fruits communaux (1)?

Dans tous les cas, il faut un domicile réel et fixe : réel; ainsi le domicile de droit, s'il était distinct du domicile de fait, ne donnerait pas le droit de participer au partage; il faut un domicile fixe: ainsi la jouissance est refusée aux fonctionnaires, dont la résidence trop précaire est subordonnée à des circonstances imprévues et à la volonté d'agents supérieurs, tels que les employés du service actif des douanes. (Cons. d'Etat, 18 novembre 1846, C de Francheval.) Y aurait-il d'autres conditions que celle du domicile réel et fixe à remplir? Faudrait-il encore, comme paraît l'avoir décidé le Conseil d'Etat (16 mars 1836, Etienne), être inscrit aux rôles des contributions personnelle et mobi

(1) V. avis conforme du Conseil d'Etat du 22 juin 1807, approuvé le 20 juillet, relativement aux habitants de la rive gauche du Rhin. L'opi nion de l'administration a varié; favorable d'abord à notre opinion (décis. du min. des fin., 30 août 1830), elle lui est devenue contraire (29 oct. 1832). Cependant Dalloz cite une décision du ministre de l'intérieur, du 22 août 1837, de laquelle il résulterait qu'on ne peut être porté sur l'état des affouages qu'après un an de domicile. (Dal., Répertoire, 2. édit., vo Comm, no 2324.)

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