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des Anglo-Russes. Il fait beaucoup de vent, et quoique je connaisse personnellement le général Abercrombie, que nous prîmes autrefois à York-Town, j'aimerais mieux le savoir sur la côte aujourd'hui que par un beau temps (1).

-Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de brouiller trois empereurs qui n'ont pas le sens commun (2)? -Plus le nouveau gouvernement, se montrera généreux envers les États-Unis, plus il déjouera la politique anglaise et détruira l'influence de M. Pitt. Adieu, ma chère Adrienne, soutenons avec courage les peines de ce monde, etc.

P. S. L'écrit de Benjamin Constant est parfaitement propre à faire réfléchir les indifférents à la contre-révolution et même une partie des amateurs (3). Le discours de Sieyes, au 14 juillet, a déplu aux jacobins; je parie qu'au 10 août il voudra leur complaire (4).

(1) Sir Ralph Abercrombie attendait dans les premiers jours de juillet 1799, au camp des Dunes de Barham, une armée russe à laquelle devait se réunir une armée anglaise pour aider la coalition dans une entreprise qu'on tenait encore secrète, mais qu'on supposait dirigée contre la Hollande.

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(2) Les empereurs d'Autriche, de Russie et de Turquie.'

(3) M. Benjamin Constant fit paraître, au mois de juillet 1799, une brochure intitulée : Suites du rétablissement de la royauté en Angleterre. (4) Dans le discours que Sieyes prononça, comme président du directoire, pour l'anniversaire du 14 juillet 89, il fit l'éloge des premiers temps de la révolution: « Est-ce trahir la vérité, disait-il, d'ajouter que plus qu'aujourd'hui peut-être, les ames alors étaient républi◄ caines? » En même temps, Sieyes déclarait « que l'assemblée consti• tuante avait jeté les fondements du gouvernement représentatif incompatible avec toute hérédité de pouvoir et par conséquent la royauté ».- -Deux semaines après, il s'éleva, dans un second discours officiel pour l'anniversaire du 9 thermidor, contre le régime de

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A MADAME DE LAFAYETTE.

29 août 1799.

C'est tout de bon que la Hollande est envahie, ma chère Adrienne; il y a plusieurs jours que les bâtitiments ennemis, de guerre et de transport, se promènent sur les côtes (1). Vous verrez dans les papiers une sommation de lord Duncan, auquel l'amiral batave, et ensuite le directoire, ont fort bien répondu. Ce pays-ci prend une bonne attitude; les troupes iront bien; elles ont deux excellents généraux, Daëndels et Dumonceau. Quant aux Français, ils se battront ici comme partout; mais il est fâcheux sous tous les rapports qu'on n'ait pas encore reçu, des bords du Rhin, la partie des troupes soldées par la

la terreur. Douze jours s'écoulèrent encore lorsqu'arriva un autre anniversaire, celui du 10 août. Le président Sieyes commença ainsi : Je vous salue, jour de justice et de gloire que les destinées de la « France avaient marqué pour asseoir enfin l'indépendance na⚫tionale sur la chute du trône! Au 10 août la royauté fut renversée en France; elle ne se relèvera jamais. Tel est le serment que vous « gravâtes sur les murs de ce palais au moment où vous en chassiez le dernier de nos tyrans. Dans ce dernier combat, il restait à la royauté pour défenseurs l'audace et la lâcheté d'une cour corrompue, la perfidie, l'insolence, etc. etc. »

(1) Dès le 20 août, une flotte de cent cinquante vaisseaux de tout rang, sous les ordres de l'amiral Duncan et du général Abercrombie, avait été vue dans la rade du Texel. Le 27, un premier débarquement de 20,000 Anglais eut lieu sur la presqu'ile du Helder, et les batteries qui défendaient ce poste furent enlevées.

Hollande qui, au premier moment où on en a besoin, se trouve être employée ailleurs. Nous avons appris hier que les ennemis débarquaient sur trois points: Helder du côté du Texel, Helvoet-Sluis et Groningue. Le corps batave de Daendels, qui défend la partie du Texel, a déjà combattu avec succès; la garnison française d'Utrecht et le général Gouvion sont partis

cette nuit.

La première division anglaise est commandée par sir Ralph Abercrombie, qui a beaucoup servi contre moi. La gazette de Leyde dit que lord Cornwallis fait en Irlande des préparatifs de défense (1), et que M. le ci-devant comte d'Artois va reprendre en Suisse ses fonctions de colonel-général; son confident Roll, qui a depuis long-temps la promesse du régiment des gardes suisses, l'a, dit-on, précédé. Quand je vois tous ces gens-là en mouvement, les uns pour opprimer les volontaires d'Irlande, les autres pour replacer en Hollande la maison d'Orange, d'autres pour faire en France la contre-révolution, je ne puis assez m'étonner de n'avoir rien à faire.

Adieu, chère Adrienne, etc.

(t) Depuis le mois de novembre 1796, l'insurrection plusieurs fois réprimée et renaissante de l'Irlande avait continué sur divers points de cette île. A la fin de 1796, une tempête dispersa la flotte qui portait aux insurgés le secours du général Hoche et de son armée; au mois d'août 1798, 1,500 Français, débarqués sous le commandement du général Humbert, s'étaient maintenus parmi eux pendant quelques semaines, mais avaient été faits prisonniers par lord Cornwallis récemment nommé vice-toi. A l'époque où cette lettre fut écrite, quoique l'union de l'Irlande fût décidée depuis plusieurs mois, cette mesure fit naître quelques résistances. Le parlement d'Irlande avait réfusé l'union en avril 1799.

P. S. Les troupes bataves, après s'être très bien battues, se retirent sur Alkmaar; il leur arrive des renforts français.

A MADAME DE LAFAYETTE.

Utrecht, 31 août 1799.

La descente des ennemis s'est bornée jusqu'à présent à la Nord-Hollande. Le fort d'Helder a été évacué, ce qui a forcé l'escadre batave à changer de position; elle est en sûreté, embossée dans un canal étroit entre deux bancs de sable. La division anglaise occupe les dunes. Il paraît que le prince d'Orange s'était flatté, comme jadis les princes français, que les troupes répugneraient à combattre contre sa cause (1). C'était une grande erreur; il n'y a point eu de mouvement en sa faveur, ni au camp, ni dans le pays. On parle de quelque agitation à Rotterdam, mais cela n'a pas même été jusqu'à l'émeute, et ici, dans tous nos environs, la tranquillité est telle, que s'il n'y avait pas de passages de troupes, un étranger ne pourrait supposer qu'il y a dans la république une armée contrerévolutionnaire. Vous jugez bien que les orangistes

(1) Le duc d'York, fils du roi d'Angleterre George III, commandait en chef l'expédition : il fit placer le pavillon orange sur les clochers et batteries du Helder. En même temps une proclamation, qui engageait la Hollande à rentrer dans l'obéissance à ses anciens souverains, fut publiée.

désirent une contre-révolution. Cependant ils ont été choqués du titre de souverain légitime que lord Duncan a donné au prince. Si vous exceptez les dépendants de cette petit cour, il y a dans le parti orange de l'aristocratie républicaine.

Vous avez vu par le dernier courrier que j'étais fort tourmenté du déficit qu'on trouvait dans les troupes françaises soldées par la Hollande; le lendemain il y avait à Utrecht beaucoup d'inquiétude et de mécontentement parmi les patriotes; c'est ce jourlà que les grenadiers, chasseurs, et des volontaires de chaque compagnie de la garde nationale ont eu ordre de marcher. Je suis venu dire adieu à notre ami Van-Ostrum qui les commande; le lendemain j'ai vu partir cette garde nationale de la bonne ville d'Utrecht, qui avait réellement le meilleur air. Depuis ce temps les affaires se sont bien améliorées; il est accouru des Français de toutes parts avec la célérité qui les caractérise. Il y a déjà trente mille hommes devant la division anglaise qui est débarquée; le vent est défavorable au reste. Cette première division n'est, dit-on, que de quatorze mille hommes, quinze mille Français arrivent du côté de Liége; la garde nationale forme à Harlem une réserve, comme celle qu'on projetait de faire à Lyon; Van-Ostrum y est. Vous jugez, chère Adrienne, que nous aurions bien voulu être à portée de concourir à la défense de ce pays qui se présente de si bonne grâce. On y trouve toutes les allures de la liberté de fait, et non-seulement les patriotes, mais les modérés parmi les orangistes, craindraient de voir leur patrie livrée aux Anglo-Russes. Mais cette défense

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