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durant quatre siècles, sur un peuple tenu dans l'esclavage le plus dégradant.

A cette époque, un Grec des Sept-Iles, André Métaxas, ancien sénateur, passe dans le Péloponnèse avec quatre cent sept insulaires, et prend parti pour ses co-religionnaires contre les Musulmans.

M. Pouqueville a soin de faire connaître avec détail l'injuste protection que le gouvernement anglais des Sept-Iles accorde aux Musulmans, aussi long-temps que le proconsul Maitland appesantit son régime de fer sur le peuple septinsulaire.

Revenons à la lutte ouverte au sein du Péloponèse. L'archevêque Germanos remet à Colocotroni le commandement de l'armée, et se livre à des fonctions civiles. Démétrius Ipsilanti vient au nom de son frère, et sans aucun titre, se présenter comme prince du Péloponèse; il amène avec lui plusieurs officiers allemands et 300,000 fr. pris sur la dot de sa sœur, laquelle offrait ainsi l'espoir de son établissement en hommage à sa patrie; on le reçoit avec enthousiasme. Cantacuzène, autre Grec du Fanal, arrive de Trieste avec des officiers allemands, des armes et des munitions de guerre; il débarque dans la Morée.

Les officiers étrangers qui se sont mis au service des Grecs ont été, pour la plupart, déçus dans leurs espérances. Au lieu d'avoir des troupes régulières à commander, ils ont dû prendre le fusil comme le simple soldat, comme les officiers et comme les généraux grecs, pour faire une guerre de partisans. Au lieu d'avoir une solde régulière et des vivres appropriés à leurs habitudes, ils ont dû se soumettre à toutes les privations et au genre de vie le plus frugal. Un grand nombre, hors d'état de résister à de telles privations, et peu faits à ce genre de guerre, se retirèrent avec mécontentement, et firent retentir le continent européen de leurs déclamations contre le peuple qui n'avait pas répondu aux espérances de leur ambition cupide.

Les deux premiers volumes dont nous venons d'offrir l'analyse sont consacrés aux événemens qui ont préparé et mûri la grande insurrection de la Grèce; les deux autres sont consacrés

à l'histoire des exploits mémorables de cette insurrection. M. de Pouqueville commence par expliquer le soulèvement de Samos, et les premiers exploits de la marine des Hellènes. Un des beaux faits d'armes de cette marine est l'attaque d'un vaisseau de 74 que montaient neuf cent cinquante marins turcs, faite par quatre bricks grecs. Ceux-ci, grâces à l'habileté de leur manœuvre, évitant le feu du vaisseau, l'abordent, les uns à la proue, les autres à la poupe, après l'avoir enfilé de leur feu. Ensuite ils clouent à l'oeuvre morte du vaisseau des toiles goudronnées et les incendient. Les Turcs se sauvent dans leurs embarcations et le vaisseau périt. A la vue de cet exploit, la flotte entière des Turcs, composée de vaisseaux et de frégates, prend la fuite devant l'escadrille des Hellènes..

Alors les Grecs méditent la conquète de Smyrne et des autres villes de l'Asie mineure; ils se dirigent vers la ville de Sydonie. Les Grecs des îles s'emparent de cette dernière ville, que les Turcs détruisent ensuite. Les lettres, les arts, et l'industrie florissaient à Sydonie, qui possédait une école célèbre. Lorsque les Turcs virent Smyrne menacée, leur fureur se tourna vers les habitans Grecs de cette ville, qui devint le théâtre d'un carnage affreux. Dans cette déplorable circonstance, le consul de France, M. David, et le commandant de la station Française, M. Lenormand de Kergrist, protégèrent avec un extrême dévouement et le courage le plus honorable, les malheureux qui se refugièrent soit au consulat, soit à bord de nos bâtimens de guerre, pour échapper à l'assassinat. Un capitaine sarde avait pris à son bord un certain nombre de Grecs pour les transporter en lieu de sûreté ; il fut arrêté par les Turcs lui et tous ses matelots; et, sans respect pour la foi des traités, les Musulmans mirent à mort le capitaine sarde et tout son équipage.

M. Pouqueville cite à cette époque l'amiral Halgan qui vient commander la station française, dans les îles du Levant. Il nous le montre faisant honneur à notre pavillon national, par sa modération, sa justice et son humanité. M. Halgan n'emploie les forces mises à sa disposition, que pour diminuer les horreurs d'une guerre, à la fois civile et religieuse, et pour sauver les mal

heureux qui dans l'un et l'autre parti, cherchent vers lui leur refuge.

Vers cette époque commence l'insurrection de la Crête; M. Pouqueville en donne l'historique.

La Porte s'apprête à reconquérir l'île de Samos. Le gouverneur de Smyrne fait un appel à tous les Musulmans qui voudront prendre part à cette expédition, en les autorisant à passer au fil de l'épée tous les Grecs ayant plus de huit ans, réservant les enfans au dessous de cet âge pour être circoncis, et les femmes et les filies pour être vendues au profit des vainqueurs. Les fidèles croyans qui répondirent à cet appel, massacrèrent la population chrétienne de Scalanova. Leur fureur s'étendit sur toute l'île de Samos. Le sang grec fut répandu, avec la même férocité, sur le territoire de Rhodes qui, dans le moyen âge et dans l'antiquité, brilla par la splendeur de sa force navale. Chypre éprouva le même sort.

La flotte turque quitte une seconde fois les Dardanelles. Le 14 juillet, elle pénètre dans l'Archipel. Dès le 20, les Grecs brûlent neuf transports que protégeait cette flotte qu'ils font fuir.

Vers la même époque, une partie de la Macédoine prend part à l'insurrection, mais sans obtenir de succès.

que

Mavrocordatos venait d'arriver dans le Péloponèse ainsi le général Normann, Wurtembergeois, et beaucoup d'autres auxiliaires. Ces deux chefs rendirent les plus grands services à la cause des Grecs.

La ville de Moninbasi cède à la vaillance des Hellènes ; elle est prise d'assaut et pillée; ce qui complète la conquète de la Laconie. Navarin venait de capituler; on assiégeait Tripolitza, place forte d'une haute importance, dont les Grecs tentaient la conquète presque sans artillerie. Les deux places de Coron et de Modon encore occupées par les Turcs, étaient bloquées par d'autres forces de la Grèce.

Tandis que cette guerre terrible présentait des combats sur chaque point du territoire, les Turcs achevaient de démolir les églises dans les principales villes de la Turquie d'Europe. La

Porte ottomane ne pouvant se persuader que le gouvernement russe vît de sang-froid le massacre de ses co-religionnaires, et la destruction de leurs temples, se plaignait amèrement et finissait par déclarer que le sultan regardait l'empereur Alexandre comme le ressort caché qui faisait mouvoir les Grecs: c'était calomnier l'impassibilité du souverain de toutes les Russies.

Cependant le baron de Strogonoff réclamait avec énergie, mais sans aucun fruit, pour le salut des Grecs. Loin d'être soutenu par son gouvernement, lorsqu'il crut devoir à sa dignité d'ambassadeur méconnue, de quitter le séjour de Constantinople, il n'éprouva qu'une espèce de disgrâce. Il se trouve aujourd'hui sans fonctions publiques, loin d'une patrie qu'il sut honorer par son courageux et noble caractère. Le baron de Strogonoft vint aborder au rivage d'Odessa, peu de jours après les funérailles qu'on avait célébrées pour honorer les restes du martyr Grégoire, du patriarche de Constantinople, du primat de la religion des Russes. La nation moscovite frémissait de fureur et de honte, au récit du massacre des pontifes de sa religion; mais le gouvernement russe, insensible aux vœux de ses sujets, semblait eoncevoir d'autres sentimens et d'autres pensées.

Revenons au Péloponèse : Démétrius Ipsilanti se trouvait alors gépérallissime; on convint d'assiéger Arta. De leur côté, les Souliotes, après avoir retranché le fort de Regniazza, se dirigèrent vers Arta. En poursuivant leur route ils font prisonniers les chamides de Margariti; ensuite ils se présentent devant Prévéza. Tandis que ce mouvement s'opère, les peuplades guerrières de l'Acrocéraune et du mont Ismaros, et les contrées environnantes, soit chrétiennes, soit mahométanes albanaises, prennent les armes pour combattre les Osmanlis, qui bloquent Ali dans Janina. Kourchid, sur ces entrefaites, prend la résolution d'attaquer les Souliotes qui avaient envoyé une division de leurs troupes contre son armée à Janina: il échoue dans sa tentative. L'armée de Kourchid pacha, augmentée par des renforts et portée jusqu'à quarante mille hom

Tom. I.

II.

mes, obtient néanmoins plusieurs succès: Arta se voit débloquée, et les Souliotes sont resserrés dans leurs montagnes.

On attendait la flotte turque sur les côtes de l'Épire et du Péloponèse; et les Grecs allaient se trouver assaillis par les forces de terre et de mer de l'empire ottoman. Outre les troupes dont nous venons de parler, dix-huit mille janissaires se rassemblaient pour se porter sur Larisse, et devaient attaquer le Péloponèsé par une direction opposée. Les Thermopyles n'avaient pour défenseurs que deux mille cinq cents hommes; mais au nombre de leurs chefs, se trouvait Odyssée, capitaine d'une bravoure à toute épreuve.

Cependant le siége de Tripolitza, par les Grecs, se continuait. L'archevêque Germanos vient au camp des assiégeans; et son éloquence ajoute la force morale à leur force physique. Une foule de chefs civils et militaires arrivent au même camp pour aviser aux moyens de sauver la patrie. Ici commencent des dissensions dont la Grèce antique offrit le triste spectacle, et qui se reproduisirent sous d'autres formes dans les temps dégénérés du moyen âge. Les Grecs d'Hydra se plaignent des chefs militaires du Péloponèse, et surtout de Colocotroni qui, gorgé de richesses, n'en veut rien dépenser pour la cause commune : les chefs d'Hydra se retirent.

Le 15 septembre 1821, l'armée navale des Turcs, qui comptait quatre vaisseaux de ligne, quatre frégates, huit corvettes et quatorze bricks, fait voile pour Patras, revient à Zante, où l'amiral ottoman s'abouche avec le proconsul Maitland, qui ravitaille la flotte turque. Toutes les forces navales ottomanes se concentrent ensuite devant Patras, puis viennent au fond du golfe de Messénie. A l'approche de cette flotte, les Turcs de Coron pendent l'évêque, le diacre, les prêtres et les primats de cette ville, après les avoir soumis à d'affreuses tortures. Ce diacre est celui qui fit entendre les chants plaintifs immortalisés par l'auteur des Messéniennes.

Tandis que ces évènemens s'accomplissent, Odyssée remporte aux Thermopyles des avantages à jamais mémorables; il met, de ce côté, l'Hellénie à l'abri de toute invasion.

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