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qu'elle regardait comme ses droits; elle finissait en jurant de défendre, même abandonnée à ses propres forces, ses libertés et sa croyance. On choisit, pour députés, près du congrès, Germanos, archevêque de Patras, l'un des promoteurs de l'indépendance hellénique, le comte André Métaxas, et Georges, fils de Pierre Mavromichalis : ils s'embarquèrent pour Ancône. On sait que la mission de ces députés n'oblint aucun succès, et les chrétiens d'Orient furent abandonnés à la vindicte des Turcs.

que

les

Suivons donc de nouveau les Grecs abandonnés à leurs seules forces, et voyons comment ils vont continuer à soutenir la lutte. A l'occident, du côté de l'Acarnanie, ils étaient réduits à se tenir sur la défensive. Mavrocordatos, avec une activité infatigable, s'occupait d'organiser dans cette contrée, forces des Hellènes ; à rapprocher, par son caractère conciliant, des chefs indociles et superbes ; à faire goûter aux primats grecs une administration moins vexatoire pour les paysans; enfin, à rétablir l'harmonie entre les peuplades, ainsi qu'entre les chefs, et à réparer les malheurs causés par les trahisons.

Omer Brionès, qui venait de recevoir un convoi de poudre et de munitions, tirées de l'arsenal de Corfou, et débarquées à Prévéza, par la corvette de sa majesté Britannique, la Médina, se met aussitôt en campagne, avec douze mille hommes, et passe l'Achelaüs. Alors, les Grecs mettent le feu à Bracori, pour ne pas laisser tomber cette place au pouvoir des Turcs. Mavrocordatos s'enferme dans Missolonghi; tandis que Marc Botzaris, avec ses Souliotes, ne craint pas de tenir devant l'armée d'Omer Brionès, si supérieure en forces. Marc Botzaris, avec six cents hommes, soutint, toute une journée, l'effort de l'armée ottomane. Trente de ses braves seulement survécurent à ce combat, et Botzaris trouva le moyen de pénétrer avec eux, dans Missolonghi. Les Grecs du Péloponèse, au récit des dangers que courait le président Mavrocordatos, résolurent de lui porter de prompts secours.

Au mois de novembre la marine grecque remporta sur la marine ottomane un avantage signalé. Le 9 de ce mois, deux

brulots conduits par Constantin Canaris, qui s'est rendu à jamais célèbre par son intrépidité et par ses rares succès, s'avancèrent vers la flotte ottomane comme s'ils eussent été poursuivis par deux bricks de guerre. Ces bricks portaient le pavillon de la Croix, tandis que les matelots et l'équipage des brûlots portaient le costume ottoman. C'est ainsi qu'on laissa sans défiance les deux brûlots arriver au milieu de l'escadre musulmane. Canaris se dirigeant sur le vaisseau amiral, enfonce son mât de beaupré dans un des sabords de ce vaisseau, et met luimême le feu à son brulot. Bientôt l'incendie se propage avec une telle rapidité dans le vaisseau amiral que, sur 2,000 défenseurs qui le montaient, le capitan pacha et une trentaine de marins purent seuls se dérober à la mort. Le second brûlot grec incendie de même un autre vaisseau. La flotte ottomane épouvantée coupe ses cables dans le tumulte de la nuit; les vaisseaux s'abordent mutuellement et se causent mille avaries. A peine parvenus au large, ces vaisseaux éprouvent une forte tempête : plusieurs périssent corps et biens; douze bricks sont jetés à la côte; une frégate et deux corvettes abandonnées par leur équipage, sont emportées par les courans jusqu'aux attérages de Paros : telle fut la victoire de Ténédos.

Les braves qui montaient les deux brûlots revinrent dans leur île natale; leurs concitoyens les reçurent en triomphe, et les menèrent aux pieds des autels faire hommage de cette victoire au dieu des armées. C'est alors que le capitaine du vaisseau anglais le Cambrien, qui venait d'aborder à Psara, demande à Canaris par quel secret de l'art, avec de simples brûlots, il peut remporter de semblables victoires? » Mon moyen! mon secret! >> dit Canaris, en mettant la main sur son cœur, «< il est là ». La simplicité des mœurs de Canaris avant comme après ses victoires, ajoute encore à la gloire de ce héros. L'amirauté d'Hydra voulut faire accepter une grande récompense à Canaris, mais quoique pauvre il la refusa; il n'eût d'autre désir que de voir accorder des secours aux gens de son équipage. On voulut lui conférer le titre d'amiral avec un commandement, il refusa de même, en disant qu'il n'avait pas les talens nécessaires pour remplir un emploi

supérieur. Simple pêcheur et content de ses filets qui lui procurent un moyen de subsistance, il sert ordinairement comme matelot sur la flotte, en attendant qu'on lui donne la direction de quelbrûlot. Un si noble caractère ne semble-t-il pas appartenir aux plus beaux âges de la Grèce ? Et qu'a de plus admirable la simplicité d'Aristide au sein d'Athènes, et sa magnanimité dans les combats de Salamine et de Platée?

que

Une révolution du gouvernement turc fit condamner à mort le pacha Kourchid, vainqueur d'Ali, dont il avait à ce qu'on prétend dilapidé les trésors : mais il s'empoisonna*lui-même, avant qu'on exécutât la fatale sentence.

Vers l'époque dont nous parlons, la Grande-Bretagne eut le bonheur de perdre son premier ministre, lord Castlereag. Aussitôt, la politique de l'empire britannique changea de principes; elle se rapprocha des vues grandes et généreuses qui conviennent au gouvernement constitutionnel d'un peuple puissant. Dès ce moment les autorités militaires des îles Ioniennes parurent moins hostiles contre les Grecs; et les croisières anglaises cessèrent d'accorder une protection scandaleuse au parti des Ottomans. Le premier décembre 1822, les Grecs s'emparèrent de Naupli. A cette nouvelle, Dramali, qui se trouvait à Corinthe, avec les débris de son armée, se résolut à faire retraite sur Patras. Ses troupes eurent à combattre contre les Grecs qui gardaient les défilés. Dans cette marche les Turcs perdirent près de trois mille hommes, et les Albanais, leurs alliés se dispersèrent.

Vers ce même temps le gouvernement provisoire de la Grèce, touchant à son terme, annonça la convocation des colléges électoraux pour élire les membres d'un congrès législatif.

Mavrocordatos, que nous avons laissé dans la mauvaise place de Missolonghi, n'avait pas quatre cents hommes sous ses ordres. Il fallait, avec une si faible garnison, mettre en état de défense des fortifications délabrées et faire face à l'ennemi qui comptait onze mille hommes; tandis que du côté de la mer, une goëlette et deux bricks formaient un blocus, afin d'empêcher les Grecs de recevoir des secours, Omer Brionès,

"

qui commandait ces troupes, voulut tenter une attaque de vive force; elle fut repoussée. Alors il crut devoir entrer en négociation avec des ennemis qu'il ne pouvait supposer aussi faibles qu'ils l'étaient en réalité. On gagna du temps, et la saison des pluies mit bientôt les assiégeans hors d'état d'entreprendre de nouvelles opérations. Plus tard, les Turcs ayant reçu de grands secours d'artillerie, démasquèrent des batteries de vingt-quatre qui, mal dirigées, produisirent peu d'effet. Enfin le 20 novembre la croisière ottomane prit la fuite, devant six bâtimens hydriotes. Un brick turc fut forcé de s'échouer sur la plage d'Ithaque. Aussitôt les navires hydriotes allèrent prendre, dans le golfe de Silène, les troupes que le gouvernement grec envoyait au secours de Missolonghi; c'était le 23 novembre. La joie de ce jour fut troublée par la mort du brave et généreux Normann, qui avait combattu pour les Grecs avec un dévouement sans exemple.

Rientôt Routchid pacha, l'un des chefs qui assiégeaient Missolonghi, partit avec ses troupes. Le 6 janvier, à cinq heures du matin, les Turcs tentent un assaut général contre Missolonghi; ils se précipitent dans les fossés et gravissent les remparts avec un acharnement incroyable; ils montent sur les parapets dont ils sont précipités par les Grecs. Dans cette action, mille soldats d'Omer Brionès perdent la vie, et dix drapeaux sont enlevés aux infidèles: tel est le résultat des sages mesures de défense organisées par Mavrocordatos.

Le gouvernement britannique avait reconnu le droit de blocus invoqué par les Hellènes; la flotte grecque s'était en conséquence emparée, d'un convoi sorti de l'île de Zante pour ravitailler les places ottomanes du Péloponèse; convoi qu'elle conduit à Missolonghi. Enfin le 13 janvier, Omer Brionès ayant appris que les Grecs s'insurgeaient de toutes parts pour lui couper la retraite, mit le feu dans son camp et leva le siége, abandonnant huit pièces de canon, deux obusiers, un mortier et beaucoup de munitions de guerre et de bouche, qu'il n'eut pas le temps de mettre hors de service ou de détruire. Les Grecs se précipitèrent à la poursuite du général

ottoman et firent sur lui des prises importantes. Omer Brionès éprouva des pertes immenses dans cette retraite. Enfin, le 5 mars, ce pacha parvint à Vonitza, ne conduisant avec lui que quatre mille hommes, triste et faible débris d'une armée qui s'était élevée à dix sept mille hommes, au commencement du siége de Missolonghi.

A cette époque, le comte Metaxas rend compte au président Mavrocordatos du succès infortuné de la mission des Grecs auprès du congrès de Vérone. Les souverains de la Sainte-Alliance persistent à ne voir dans les Grecs du Péloponèse et de l'Archipel que des affiliés aux carbonari de l'Italie; quoiqu'il n'y ait aucune alliance, aucune solidarité entre les mécontens de l'Italie et les malheureux Hellènes.

La marine grecque prit une attitude plus imposante encore en 1823, que dans les deux campagnes précédentes. Ses forces se composèrent de quarante-huit bâtimens psariens, trentecinq hydriotes et douze spezziotes, qui durent tenir l'Archipel, tandis qu'une escadrille de quarante canonnières devait assaillir les côtes de la Natolie, de la Syrie et de l'Egypte; sans compter une foule de corsaires qui se chargèrent d'anéantir le commerce maritime des barbares. A cette époque, les Persans faisaient une diversion puissante contre les Osmanlis; et l'avenir se présentait aux Grecs sous de moins sombres couleurs que par le passé.

Cependant les Turcs s'empressaient d'équiper à Constantinople une flotte nouvelle, qui ne devait pas être plus heureuse que celles dont nous avons narré les défaites, en offrant le tableau succinct des campagnes précédentes.

Le congrès législatif des Hellènes s'assembla dans le Péloponèse, au printemps de 1823. Colocotroni fut nommé généralissime de cette péninsule; Odyssée, commandant de la Grèce orientale, et Marc Botzaris de la Grèce occidentale.

Marc Botzaris s'occupa de mettre Missolonghi dans un état respectable de défense; afin de protéger, du côté de l'occident, le Péloponèse contre toute invasion des Turcs. L'opinion d'Odyssée, au sujet de la Grèce orientale, était qu'il fallait se tenir

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