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MÉLANGES.

MINISTÈRE DE LA MARINE

. ET DES COLONIES.

M. le baron de Mackau, capitaine de vaisseau, est parti de Rochefort le 4 mai dernier, sur la frégate la Circé, avec l'ordre de se rendre à Saint-Domingue, et d'y porter l'ordonnance ci-après :

ORDONNANDE DU ROI.

Paris, le 17 avril 1825.

CHARLES, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE,

A tous ceux qui ces présentes verront, salut;

Vu les articles 14 et 73 de la Charte;

Voulant pourvoir à ce que réclament l'intérêt du commerce français, les malheurs des anciens colons de Saint-Domingue, et l'état précaire des habitans actuels de cette île, Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

Art. 1er. Les ports de la partie française de Saint-Domingue seront ouverts au commerce de toutes les nations.

Les droits perçus dans ces ports, soit sur les navires, soit sur les marchandises, tant à l'entrée qu'à la sortie, seront égaux et uniformes pour tous les pavillons, excepté le pavillon français, en faveur duquel ces droits seront réduits de moitié.

2. Les habitans actuels de la partie française de Saint-Do

mingue verseront à la caisse générale des dépôts et consignations de France, en cinq termes égaux, d'année en année, le premier échéant au trente-un décembre mil huit cent vingtcinq, la somme de cent cinquante millions de francs, destinés à dédommager les anciens colons qui réclament une indemnité.

3. Nous concédons à ces conditions par la présente ordonnance, aux habitans actuels de la partie française de l'île de Saint Domingue l'indépendance pleine et entière de leur gou

vernement.

Et sera, la présente ordonnance, scellée du grand sceau. Donné à Paris, au château des Tuileries, le 17 avril, l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.

Par le Roi:

CHARLES.

Le pair de France, ministre secrétaire d'état au département de la marine et des colonies,

Vu au sceau :

Comte DE CHABROL.

Le garde-des-sceaux de France, ministre secrétaire-d'état au de

partement de la justice,

Comte DE PEYRONNET.

Visa :

Le président du conseil des ministres.

Jh. DE VILLèle.

SIRE,

RAPPORT AU ROI

Depuis les sinistres événemens qui, en 1791 et 1792 bouleversèrent une de nos plus importantes colonies, et menacèrent toutes les autres d'une destruction générale, l'attention des divers Gouvernemens qui se sont succédés n'avait cessé de se porter sur une possession précieuse ; et qui était d'un si grand poids dans la balance du commerce de la France.

A l'époque du traité d'Amiens, une expédition formidable se prépara dans nos ports: vingt vaisseaux de ligne, vingt frégates et un grand nombre de vaisseaux de transport y débarquèrent successivement près de 50,000 hommes; on connaît les résultats déplorables de cette expédition. Je n'en signalerai point ici les causes : quelles que soient les fautes qui furent commises et les conséquences qui en furent la suite, il n'en resta pas moins démontré à tous les gens sages et éclairés, que de toutes les chances que pouvait présenter une expédidion de ce genre, celle de la conquête n'était ni la seule, ni peut-être même la plus difficile à obtenir.

Depuis cette époque, les relations avaient été entièrement rompues avec cette colonie, une mort certaine était même ré servée à tout Français qui aurait osé s'y introduire.

A l'époque heureuse de la restauration, diverses tentatives furent faites, soit pour renouer avec elle des relations favobles à notre commerce, soit pour assurer à d'anciens propriétaires une indemnité des pertes qu'ils avaient subies, soit enfin pour rattacher par les liens d'une dépendance au moins extérieure, et toute de protection, la colonie à son ancienne métropole.

Ces tentatives' n'eurent aucun résultat; mais il fut facile d'apercevoir, que les anciennes haines s'étaient affablies, que de vieux souvenirs s'étaient réveillés, qu'un système plus régulier de gouvernement s'était établi, et que les relations pouvaient se

renouer avec des avantages réciproques et mutuellemement appréciés.

C'est surtout depuis que la force des événemens avait fait tomber le pouvoir entre les mains du président actuel, que ces dispositions avaient été plus remarquées, et qu'un système de protection et d'égards pour le commerce étranger et même pour le commerce français, avait remplacé ces mesures de défiance dans lesquelles l'île avait si long-temps cherché sa sûreté.

Plusieurs expéditions se dirigèrent donc des ports de France sur Saint-Domingue; mais elles n'y étaient admises que sous un pavillon simulé, et les droits auxquels elles étaient assuféties, étaient doubles de ceux auxquels étaient soumis les navires d'autres nations plus favorisées.

Votre Majesté a pensé, Sire, qu'un pareil état de choses ne pouvait se maintenir plus long-temps; qu'il fallait ou renoncer à toute relation avec cette île, ou les établir sur un pied qui fût respectivement avoué, et qu'il importait à la dignité de la couronne, que le commerce de France ne fût dans aucun cas obligé de dissimuler son pavillon et d'emprunter des couleurs étrangères.

La sagesse de Votre Majesté avait aussi apprécié ce que la marche progressive des événemens pouvait amener de chances nouvelles dans le rapport de l'ancien avec le nouveau-monde, et elle avait marqué elle-même ce point délicat, qui dans les affaires graves et importantes est souvent unique et presque tou-jours décisif.

Votre Majesté se détermina à rendre l'ordonnance du 17 avril.

Satisfaire aux besoins du commerce français en lui ouvrant un débouché avantageux, assurer une indemnité aux anciens colons de Saint-Domingue, faire cesser l'état précaire où se trouvaient les habitans de cette île; tels furent les motifs qui déterminèrent Votre Majesté. Ils étaient dignes de son cœur paternel et de la haute protection qu'elle accorde à tous les intérêts du pays.

Votre Majesté m'avait chargé de faire parvenir cette ordon

nance au président du gouvernement de Saint-Domingue, comme la dernière condition sous laquelle elle consentirait à renoncer à ses droits de souveraineté, et à accorder à cet Etat l'indépendance pleine et entière de son gouverne

ment.

En même temps que Votre Majesté annonçait ces déterminations nobles et généreuses, elle me donnait l'ordre de faire toutes les dispositions nécessaires pour que de pareilles intentions n'eussent pas été manifestées en vain, et sans douter un instant qu'elles ne fussent reçues avec la reconnaissance qu'elles méritaient, elle avait voulu qu'elles fussent accompagnées de cet appareil de force et de dignité qui convient à tout ce qui émane d'un Roi de France.

D'après les ordres de Votre Majesté, M. le baron de Mackau, capitaine de ses vaisseaux et gentilhomme de sa chambre, a été chargé de porter cette ordonnance, et il est parti de Rochefort, le 4 mai dernier, sur la frégate la Circé.

Ses instructions lui prescrivaient de se rendre immédiatement à la Martinique, pour s'y concerter avec le lieutenant - général comte Donzelot, gouverneur de cette colonie, et avec M. le contre-amiral Jurien, commandant la station navale de Votre Majesté, dans les Antilles.

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Le contre-amiral Jurien recevait en même temps l'ordre de rallier tous les bâtimens dépendant de la station, en sorte qu'ils fussent réunis au fort royal, du 15 au 20 juin, et le contreamiral Grivel, commandant la station navale du Brésil, devait se rendre à la même époque à la Martinique, et s'y réunir à l'escadre du contre-amiral Jurien.

La Médée, partie de France, vers le milieu de mai, recevait la même destination, et arrivait au fort le 17 juin.

Votre Majesté m'avait aussi donné l'ordre de tenir en état d'armement complet, et prêtes à appareiller au premier signal, quatre frégates, l'Amphitrite, l'Antigone, la Flore et la Galathée, et de mettre en commission, ou en état d'armement provisoire, deux vaisseaux, quatre frégates, et plusieurs bâtimens légers. Il eût suffi de quelques jours pour achever leur armement,

et

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