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les mettre en état de suivre au premier ordre, la destination qu'il eût paru convenable de leur donner.

Les ordres de Votre Majesté ont été ponctuellement exécutés, et avec une précision que ne comportent pas toujours des expéditions qui sont subordonnées à tant de causes éventuelles. L'escadre, remise sous les ordres de M. le contre - amiral Jurien, à l'époque du 20 juin, se composait du vaisseau l'Eylau, de 80 canons ; du Jean-Bart, de 74 ; des frégates la Vénus et la Clorinde, portant du 24; de la Nymphe, de la Thémis, de la Magicienne, de la Circé, de la Médée, de la Salamandre, portant du 18, et de cinq bricks, ou briks-goëlettes, armés de 16 canons, de 18 et de 24.

M. le baron de Mackau, commandant la Circé, avait ordre de précéder de quelques jours le départ de l'escadre, qui devait ne se montrer dans les parages du Port-au-Prince, que d'après l'avis qui lui en serait donné.

Cette officier a appareillé de la Martinique, le 23, avec une division composée de la frégate la Circé, et des deux bricks le Rusé et la Béarnaise. Il a paru devant le Port-au-Prince, le 3 juillet. Le surplus de l'escadre a appareillé le 27 juin, du FortRoyal.

L'accueil que reçut M. le baron de Mackau fut de nature à lui faire concevoir de justes espérances sur le succès de la mission dont il était chargé.

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A peine se fut-il signalé, que deux officiers vinrent à son bord, et qu'un logement convenable lui fut désigné au Port-auPrince ainsi qu'aux officiers sous ses ordres.

Des conférences s'ouvrirent de suite entre lui et trois commissaires qui avait été délégués par le Président du gouvernement d'Haïti, et comme au bout de trois jours, elles n'avaient pas été amenées à un point de solution, elles furent reprises avec le président lui-même, aux intentions conciliantes duquel M. le baron de Mackau se plaît à rendre la plus entière justice.

Ce fut le 8 juillet, et après quelques discussions préliminaires qui n'étaient pas sans importance, mais qui furent traitées avec cet esprit de conciliation qui termine les affaires,

Tom. I.

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quand on veut franchement les terminer, que le président écrivit à M. de Mackau : que d'après les explications qui lui avaient été données, et confiant dans la loyauté du Roi, il acceptait, au nom du peuple d'Haïti, l'ordonnance de Votre Majesté, et qu'il allait faire les dispositions nécessaires pour qu'elle fût entérinée au sénat avec la solemnité convenable.

Je ne dois pas laisser ignorer à Votre Majesté qu'avant de prendre cette détermination, le président avait cru devoir consulter plusieurs membres du sénat et les principaux officiers de l'île; que les difficultés qui s'étaient élevées dans la discussion furent mises sous leurs yeux; que tous déclarèrent s'en remettre à la sagesse du chef de la république, que la confiance dans la parole et dans les intentions généreuses de Votre Majesté a seule aplani tous les obstacles, et que lorsque M. le baron de Mackau fut introduit du cabinet du président dans la salle où se trouvaient réunis tous les principaux officiers, les cris de vive le Roi! vive le Dauphin de France! vive la France! se firent entendre avec acclamation unanime, et se mêlèrent aux cris d'indépendance nationale, que l'ordonnance de Votre Majesté venait de proclamer et de reconnaître.

Ce fut le 11 juillet que le sénat fut convoqué, pour procéder à l'entérinement de l'ordonnance, d'après les formes prescrites les lois constitutives du pays.

par

Ce jour fut un véritable jour de fête pour les habitans de l'île. La population tout entière s'était réunie dans les places publiques et dans les rues où devait passer le cortège. Une troupe nombreuse de la meilleure tenue formait la haie depuis le rivage jusqu'à la place du sénat. L'escadre avait reçu l'invitation d'entrer dans le port. M. le baron de Mackau, accompȧgné de MM. les contre-amiraux Jurien et Grivel et des officiers de l'escadre, porta avec l'appareil le plus solemnel l'ordonnance de Votre Majesté, qui fut saluée à son passage par toute l'artillerie des vaisseaux, à laquelle se mêlèrent les acclamations unanimes de la population. Arrivés au sénat, où ils furent introduits avec les égards et le cérémonial convenables, l'ordonnance fut entérinée en leur présence. Le procès-verba

qui a été dressé de cette séance et le discours du président du sénat au commissaire de Votre Majesté, ne laissent aucun doute sur l'unanimité de sentimens avec laquelle elle a été reçue et sur la profonde reconnaissance qu'elle a fait naître dans tous les cœurs.

C'est aux cris de vive le Roi de France, vive son fils bien-aimé! que la séance fut levée, et qu'une commission de trois membres fut chargée d'en porter l'expédition au président de la république.

Depuis le jour de cette séance jusqu'au 18 juillet, jour où l'escadre est partie, et au 20 juillet où M. le baron de Mackau a quitté le Port-au-Prince, une suite de fêtes brillantes se sont succédées et la joie manifestée par la population a prouvé que les intentions bienveillantes de Votre Majesté avaient été senties et appréciées, comme elle avait droit de l'attendre.

M. le baron de Mackau a donné passage à son bord à trois envoyés qui se rendent en France dans la vue de négocier un emprunt pour satisfaire aux conditions de l'ordonnance.

Sire, ces mêmes sentimens qui s'exhalaient avec tant d'enthousiasme à deux mille lieues de votre capitale, dans une île dont tant d'événemens semblaient nous écarter pour toujours, se sont manifestés avec la même expression dans les ports et dans les villes maritimes de votre royaume. Elles ont vu se rouvrir pour elles des sources de prospérité qu'elles croyaient taries. Les anciens colons, dépourvus depuis si long-temps de ressources, et ne conservant même plus les illusions de l'espérance, éprouveront un soulagement inattendu. Un état fixe et soumis à toutes les règles d'égard et de convenances que la civilisation a introduites parmi les nations, et dont elle a fait la première base du droit public, remplacera cet état précaire qui n'était pas sans danger pour toutes les colonies européennes.

Je ne terminerai pas ce rapport, Sire, sans mettre aux pieds de Votre Majesté l'expression du dévouement du commandant et de tous les officiers de son escadre. Tous ont rivalisé de zèle pour exécuter ponctuellement les ordres de Votre Majesté. Les rapports de M. de Mackau, que j'ai mis sous ses

yeux, ne lui permettront point de douter, j'ose l'espérer, que cet officier n'ait répondu à la confiance qu'elle lui avait témoignée.

Sa mission, pour me servir de ses propres expressions dans ses conférences avec le président d'Haïti, lui donnait le caractère de soldat et non celui de diplomate ou de négociateur. La franchise de ses explications, entièrement en harmonie avec celle que le président n'a cessé de montrer dès le premier instant, a, je n'en doute pas, aplani beaucoup de difficultés et écarté beaucoup d'obstacles. J'oserai le recommander aux bontés de Votre Majesté

Je suis avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, Le très-humble et très-fidèle sujet,

Comte de CHABROL.

ORDONNANCE DU ROI.

CHARLES, PAr la grace de Dieu, Roi de France et de NAVARRE,

Sur le rapport de notre ministre secrétaire-d'état au département de la marine et des colonies,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit :

Art 1.o Le sieur baron de Mackau, capitaine de vaisseau, est élevé au grade de contre-amiral.

2. Notre ministre secrétaire-d'état au département de la marine et des colonies est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

Donné en notre château de Saint-Cloud, le premier jour du mois de septembre de l'an de grâce 1825, et de notre règne le premier.

Par le Roi,

CHARLES.

Le pair de France, ministre secrétaire d'état de la marine et des colonies,

Comte de CHABROL.

L'émancipation de Saint-Domingue et l'ordonnance du 17 avril sont encore l'objet de discussions assez importanies pour qu'on essaie, au milieu de la divergence des opinions, de ramener la question à son véritable état.

Nous ne retracerons pas ici les crimes dont cette colonie a été le théâtre. Ces désastres ne sont pas si loin de nous, que l'histoire et la leçon puissent en être déjà perdues; et, d'ailleurs, de si tristes récits réveilleraient trop de souvenirs et trop de haines. Nous ne parlerons donc que de l'époque actuelle, puisque c'est à cette époque que se rattache une mesure à laquelle on distribue avec une égale libéralité l'éloge et le b'âme.

Ceux qui s'élèvent contre l'émancipation de Saint-Domingue, persistent à dire qu'elle aurait dû être le résultat d'une loi proposée par le Roi et acceptée par les chambres: et dèslors le ministère s'est encore joué de la charte en donnant à la puissance royale une prérogative que la charte lui refuse ·

La réfutation de cette proposition ne peut pas être trèslongue. L'art. 73 de la Charte porte: les colonies seront régies par des lois et des réglemens particuliers. Quel est le sens de cet article? Que les colonies ne sont pas régies par le droit public de la France, qu'elles sont, au contraire, placées sous un régime exceptionnel; et à qui appartient-il, dans ce cas, de statuer sur les droits, les besoins et les rapports des colonies avec la métropole? sinon à celui que l'art. 14 de la charte reconnaît être le chef suprême de l'Etat, qui commande les forces de terre et de mer, qui déclare la guerre, fait les traités de paix, d'alliance, de commerce, etc.

Cette vérité est d'une telle évidence, que depuis la restauration plusieurs mesures, que nécessitait le retour du souverain légitime, ont été prises pour nos autres colonies, en vertu d'ordonnances royales seulement, et sans qu'on se soit avisé de prétendre que quelques-unes de ces mesures devaient être revêtues des formes législatives. Enfin, et cette observation doit répondre à tout, si les colonies françaises ne pouvaient être régies que par le droit public de la France, la charte eût appelé leurs représentans dans la chambre des députés.

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