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des deux armes dont elles sont composées; savoir : la vélocité et l'aisance des mouvemens dans tous les terrains. Qu'elles sont donc propres en même temps à couvrir un grand espace et à pénétrer dans les plus petits intervalles. Qu'elles sont les plus propres à une attaque imprévue, et à se dégager d'un danger par la possibilité de se disperser. Leur place est donc en avant de l'armée, et même autour de l'ennemi autant qu'il se peut;

4°. Que l'artillerie, en raison de sa composition, ne peut, dans un ordre de bataille, jouer d'autre rôle que celui de former des espèces de forteresses ambulantes, dont l'effet est d'augmenter le rayon du cercle d'action. Que dans les marches elle est passive et ne peut, à cause des difficultés qu'elle éprouve, servir d'appui aux autres armes, que lorsque celles-ci prennent un ordre de bataille. L'artillerie doit donc former un corps nonseulement séparé, mais même divisé en plusieurs parties; sans relation directe entre elles et combinées dans une plus ou moins grande proportion avec les autres armes.

La conséquence littérale de ces différens résultats serait, qu'il faut, dans tous les cas, former la base de son ordre de bataille ou de marche par l'infanterie; couvrir cette infanterie par-devant, sur les flancs et sur les derrières, en marche, et sur les flancs, en bataille, par de la cavalerie; placer l'artillerie partout où elle peut défendre à l'ennemi l'approche de notre front ou de nos colonnes, protéger nos mouvemens et être défendue elle-même; éclairer tout le front et les flancs de notre position stratégique par nos troupes légères. Ce principe général est reconnu par tous les tacticiens et les modifications qu'ils y ont proposées, ne sont, à les bien examiner, que des applications à des cas particuliers; il résulte de l'examen des différentes armes, et toutes les fois qu'on réfléchira attentivement à la ture de leur service, aux circonstances et au terrain qui leur est propre, on n'aura pas de peine à trouver des modifications, applicables au cas où l'on peut se rencontrer.

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La nature du terrain sur lequel on doit agir, est la vraie base d'où il faut partir, pour établir la proportion des différentes armes entre elles; tout autre calcul serait erronné. En plaine,

c'est à la cavalerie à protéger l'infanterie et l'artillerie, dont les mouvemens déjà lents, seraient à chaque instant gênés et retardés par les attaques de l'ennemi. Il en faut alors une assez grande quantité, pour couvrir tous les points qui peuvent être menacés et pour assurer la marche de l'armée. Dans un pays coupé, c'est à son tour à l'infanterie à couvrir et protéger la cavalerie, qui ne peut pas agir avec facilité et l'artillerie qui est arrêtée à chaque pas. Il ne faut dans ce second cas, pas la moitié autant de cavalerie. Dans un pays montagneux et où les vallées sont étroites, la cavalerie est à-peu-près inutile et l'artillerie doit être de beaucoup diminuée. Quelques auteurs ont fixé la proportion de la cavalerie à 175 ou 176 de l'infanterie et celle de l'artillerie à trois pièces par mille hommes, du total de l'armée, dont deux en ligne. Mais cette fixation, qui est loin d'être applicable à tous les cas, me paraît plutôt un terme moyen entre deux extrêmes, qu'une règle fixe. En effet, je crois qu'elle peut être adoptée dans un pays où il y a peu de grandes montagnes, mais qui n'offre pas non plus des plaines fort étendues. Dans un pays plat, elle est trop faible, et dans un pays coupé ou montagneux, elle est trop forte. Au reste, il ne faut dans la fixation de la proportion des différentes armes entre elles, perdre de vue deux considérations très-essentielles : c'est la connaissance de la qualité des routes de communications pour l'artillerie et la quotité de la récolte en fourrage pour les chevaux en général. On peut encore ajouter une dernière considération relativement à l'artillerie. C'est que chaque pièce en ligne, entraînant au moins cinq voitures à sa suite, tant au petit qu'au grand parc; le nombre et la prolongation de ces convois deviendrait un obstacle presqu'insurmontable à la célérité des mouvemens et entraînerait de graves inconvéniens. Je pense donc de passer, en terme moyen, la proportion de trois pièces par mille hommes, il faut encore un peu la réduire. On pourrait donc l'établir à deux pièces par mille hommes en ligne et un tiers de ce nombre en réserve et de plus gros calibre.

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DE LA LEVÉE LE L'ARMÉE PERMANENTE ET SON COMPLÈTEMENT EN HOMMES ET EN CHEVAUX.

On appèle recrutement le moyen qu'on emploie pour maintenir l'armée permanente, à la force où elle doit être dans l'état de paix et lui fournir l'augmentation nécessaire pour passer à l'état de guerre, lorsque ce dernier est distingué du premier. Selon les usages actuellement reçus en Europe, on y parvient de deux manières différentes.

La première est l'enrôlement volontaire. Le nom seul de ce mode de recrutement emporte avec lui une idée favorable. Rien en effet ne saurait être plus honorable et plus utile qu'une armée composée d'individus qui, mus par le sentiment de l'amour de la patrie, se dévouent volontairement à sa défense. Une armée pareille serait la plus propre et peut-être la seule propre à remplir parfaitement le but de son institution : le général en chef qui la commanderait, verrait doubler tous ses moyens. Mais ce qu'on appèle enrôlement volontaire est bien loin de présenter des résultats aussi avantageux. Dans les circonstances importantes et qui touchent à l'intérêt général, lorsque l'existence ou l'indépendance d'un état est menacée par une invasion, on peut espérer de voir accourir dans les rangs de l'armée, qui défend la patrie et le gouvernement, un nombre de citoyens guidés par les sentimens les plus généreux. Mais il n'en est pas ainsi dans les cas ordinaires.

Dans un état bien gouverné, chaque citoyen qui a une propriété ou une industrie, trouve la subsistance et le repos dans les travaux de l'agriculture et des arts; cet état est celui qui convient le plus à l'homme en société, et il n'en sort pas volontairement: il faut des motifs extraordinaires pour l'y décider. Or, ces motifs extraordinaires ne peuvent se présenter que dans deux cas; ou le citoyen est obligé d'en sortir momentanément pour le défendre d'un danger pressant et le conserver pour l'avenir; ou ne trouvant aucune ressource, ni dans lui-même, ni dans ses propriétés, ne pouvant par conséquent pas assurer

au moins sa subsistance, par les travaux de l'agriculture et des arts, il est forcé de chercher un autre moyen d'acquérir ce qui lui manque. Le premier cas est hors de ligne pour nous; étant tout-à-fait accidentel et transitoire, il ne peut contribuer en rien à former les bases du remplacement et de l'entretien de l'armée permanente.

Le second cas est celui qui produit le recrutement volontaire ou plutôt mercenaire. Le simple exposé que je viens d'en faire, nous porte aux conséquences suivantes, qui en dérivent directement. Le recrutement mercenaire ne peut être abondant que dans les pays où la classe inférieure est très-pauvre, ou bien dans ceux ou les arts industriels sont peu cultivés. Plus les travaux de l'agriculture, de l'industrie et des arts pourront suffire à la subsistance des citoyens, plus la ressource du recrutement mercenaire ira en diminuant. Il faudra donc alors avoir recours à des moyens extraordinaires, comme par exemple, des levées forcées ou l'achat de mercenaires étrangers. Mais ces moyens n'étant qu'accidentels et transitoires, ne présentent pas une base fixe et suffisante, pour la formation et l'entretien d'une armée permanente. Une autre conséquence non moins désavantageuse dérive de l'espèce même des individus, qui sont disponibles pour les enrôlemens volontaires. J'ai dit que ce ne pouvait être que ceux qui ne trouvaient aucune ressource dans leurs propriétés, ou en eux-mêmes, pour les arts et l'industrie.

Différentes classes d'hommes peuvent se trouver dans cet état, et y avoir été placés par des circonstances et des dispositions morales également différentes. Les uns nés sans fortune indépendante et voulant cependant remplir le premier devoir de l'homme en société, celui de se rendre utile à cette société, ont choisi la carrière militaire comme la seule qu'ils puissent embrasser avec facilité, et qui put ainsi les conduire à leur but. Ils ont envisagé l'état militaire sous le point de vue le plus honorable, et l'ont exercé avec distinction. A ce nombre appartiennent une foule de soldats vaillants et vertueux, qu'on a vus dans tous les temps aux armées, et beaucoup d'illustres chefs, qui, par leurs grandes qualités ont pu surmonter les obstacles

que leur opposait la hiérarchie militaire alors en usage. Les autres, et c'est malheureusement le plus grand nombre, plongés dans le vice, par un effet de leur misère et de la corruptibilité qui en est la conséquence, ou ayant perdu leurs moyens de subsistance par une suite de ce même vice, ne se vouent à la carrière militaire que pour échapper à la misère et quelquefois pour se soustraire à l'empire des lois civiles. Ils portent dans leur nouvel état toutes les souillures de leur vie précédente; ils saisissent en l'exerçant toutes les occasions de se livrer à leur penchans criminels; le fléau de la guerre, déjà pesant pour les peuples, devient dans leurs mains un glaive exterminateur manié par le génie du mal. C'est un troupeau de brigands mercenaires, qui consommerait la destruction de la société s'il n'é– tait retenu par le frein unique dont il est susceptible; la mort et les supplices honteux. C'est dans des armées pareilles que le nombre des déserteurs augmente dans une progression rapide aux moindres revers. Les individus, qui en composent la grande majorité, ne possédant aucune des vertus sociales, n'ont pas même la véritable valeur; leur subsistance et les moyens de l'assurer ont été leur unique but, et pour y parvenir, ils sacrifieront toute autre considération.

La seconde manière d'assurer, par des canaux fixes et invariables, la formation et le complètement de l'armée permanente, est celui d'une levée proportionnelle, imposée par la loi parmi les citoyens. C'est la plus conforme aux vrais principes de la science de la guerre. Nous avons vu dans un premier mémoire que la force totale de guerre, d'un état quelconque, se composait de l'armée et du pays, et nous avons examiné les relations existantes entre ces deux élémens, sous le rapport du système militaire et du système de guerre. L'application de ces principes doit nous conduire à fixer les bases organiques, de la formation et de l'entretien numérique de l'armée permanente, qui forme une section de l'un des élémens de la force totale de guerre.

Les deux principales relations qui existent entre les deux élémens de cette force totale de guerre, sont l'harmonie et même

Tom. I.

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