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mercenaire, les peines de la désertion doivent être plus sévères; il y a mauvaise foi et même un vol fait à l'état. Mais lorsque ce recrutement est fait par conscription, il ne sera, je crois, pas difficile de prouver qu'il est d'autres considérations qu'on ne doit pas perdre de vue, et que les individus appelés par la loi au service militaire, peuvent être coupables de s'y soustraire, mais le sont moins que des mercenaires qui se sont vendus. On concevra facilement que la peine de mort n'est point en proportion avec la désertion, et que si elle peut y être appliquée, ce n'est que lorsque la désertion étant à l'ennemi, prend le caractère de trahison. Outre cette dernière il a deux autres espèces de désertion; celle à l'intérieur et celle à l'étranger. La première n'enlevant pas un citoyen à l'état, doit être punie d'une peine moins sévère que la seconde. On pourra donc, en punissant en général la désertion par les travaux publics, les diviser en deux classes; les simples et les forcés. Les individus condamnés aux travaux simples pouvant et devant même, en raison de leur conduite, être susceptibles de recevoir la remise d'une partie de leur peine et étant destinés à rentrer dans leurs corps à l'expiration de cette peine, il sera mieux de leur conserver les formes et la tenue militaire. On pourra donc, dans les lieux de détention, les organiser par compagnies, leur donner des armes et un uniforme qui ait quelque différence notable avec celui de l'armée; les assujétir à un régime disciplinaire plus sévère; les faire commander par des officiers vétérans, choisis à cet effet et propres à les ramener à leurs devoirs. Les travaux qui devraient alterner avec l'exercice tactique, devraient être de la classe de ceux que les Romains appelaient militaires, c'est-à-dire, de fortifications, des canaux, des ponts, des grands chemins, etc. Ils devraient se rendre aux travaux en ordre de bataille et armés. Les individus condamnés aux travaux forcés devraient être vêtus d'un habillement non militaire, quoique différent de celui des condamnés pour délits civils, dont ils doivent être entièrement séparés. Les lieux de détention les plus convenables pour eux sont les forteresses, où ils feraient les travaux

forcés de la fortification et de l'artillerie, et même ceux de la tenue des casernes des troupes. Tout ce que je viens d'indiquer relativement à la désertion a été mis en usage en France dès les premières années de ce siècle, et les résultats en ont été trop avantageux, pour qu'on ne puisse pas présenter cette institution comme un modèle à suivre.

D'après la gradation morale que présente ce que j'ai exposé ci-dessus, il ne sera pas difficile de graduer les peines selon la classe de l'individu et celle du délit. La désertion à l'intérieur peut avoir été commise par un conscrit non encore attaché à ses devoirs par une parfaite connaissance, ou par un conscrit déjà formé, ou par un remplaçant acheté. Dans le premier cas, la peine suffisante, à mon avis, est celle des travaux simples pendant un tiers du temps fixé pour la durée du service. Dans le second cas, la peine pourrait être double. Dans le troisième cas, il y a non seulement délit contre l'état, mais vol envers celui qui a payé le remplacement. La peine devrait donc être celle des travaux forcés, et pour une durée égale à celle du temps de service. La désertion à l'étranger est plus grave et demande des peines supérieures. Dans le premier cas, on pourrait appliquer celle des travaux simples pour une durée égale à celle du temps de service. Dans le second cas, les travaux forcés de la même durée. Dans le troisième cas, le double. Ces peines n'ayant rien d'infamant pour la société, les individus condamnés aux travaux simples devraient, à l'expiration de la léur, rentrer dans l'armée et y recommencer leur temps de service. Il faudrait aussi, après s'être assuré par des inspections annuelles de l'état moral des condamnés, accorder cette grâce à ceux que leur conduite en rendrait dignes. Une pareille mesure appliquée aux condamnés aux travaux forcés, pour en faire passer une partie aux travaux simples, aurait tous les bons effets qu'on peut attendre de l'équité et de l'humanité réunies. Quelqu'un dira peut-être que c'est employer trop de douceur envers des déserteurs. J'ai servi et commandé trop long temps pour n'avoir pas dû me convaincre que les châtimens barbares sont sans effet contre la désertion.

Les maximes que j'ai développées, et qui ont été mises en usage en France et en Italie, y ont rendu à l'armée bien des bons soldats, qui sans cela auraient été perdus. Pour ne citer qu'un exemple, je dirai que j'ai vu des conscrits déserteurs, grâciés des travaux simples, mériter peu après la croix d'honneur, et parvenir rapidement au grade d'officier.

Avant de terminer, je ne puis me dispenser de deux observations essentielles, dans l'intérêt même de l'équité et de la justice. La première, est la nécessité d'instituer des tribunaux de révision, chargés de prononcer sur l'observation des formes voulues par la loi, et même sur la forfaiture des premiers juges, s'ils en étaient accusés. Ces tribunaux devraient être formés de sept officiers supérieurs, ou généraux, selon la composition du tribunal qui a prononcé le premier jugement. La seconde, est que la loi, en établissant chaque peine, doit en déterminer le minimum et le maximum, afin que le tribunal puisse prendre en considération les circonstances qui peuvent atténuer le délit. Sans cela le juge, qui ne peut ni changer, ni modifier la loi, se verrait placé dans l'alternative, ou d'infliger une peine trop dure, ou dé laisser échapper le coupable, par humanité.

L'instruction des soldats, est le dernier point de son éducation morale. Je n'entends point par là l'instruction gymnastique, qui ne tend qu'à la perfection des exercices du corps, mais l'instruction théorique, qui met l'homme de guerre en état de connaître et de distinguer ses devoirs, qui lui en enseigne la cause et les effets, et qui, en lui développant les principes fondamentaux de l'art militaire, en lui faisant voir le but des opérations qu'on exige de lui, le met en état, lorsqu'il rencontre un de ces cas nombreux, que le livre le plus étendu ne peut prévoir, de prendre une détermination particulière et instantanée, sans craindre de s'écarter de ce but. La lecture, l'écriture, et l'arithmétique, sont, sans contredit, la première base de l'éducation du soldat, et aucun régiment ne doit être sans une école qui les enseigne. Mais en lui enseignant même ces premiers élémens, il faut porter ses yeux sur des objets plus élevés. Qu'il apprenne à lire dans le code de ses devoirs disci

plinaires; qu'il apprenne à écrire en les transcrivant, et se perfectionne en apprenant à tracer les rapports et les états qu'on lui demandera un jour, s'il a mérité d'obtenir de l'avancement ; que les premières applications des principes de l'arithmétique soient tirés de l'administration militaire.

Le même soin doit être pris pour l'éducation des grades les plus élevés. Il faut, pour chaque grade militaire, un manuel qui lui fasse connaître ses devoirs, lui en enseigne les relations avec les grades supérieurs et inférieurs, et lui fasse assez connaître les premiers, pour qu'en cas de besoin, il soit en état de reniplacer son chef immédiat manquant. Il faut dans chaque régiment, une école supérieure, où l'on enseigne les mathématiques, le dessin topographique, la géographie, les élémens de la fortification de campagne, la castrametation, et les élémens de la tactique et de la stratégie, non seulement aux officiers, mais encore aux sous-officiers en état d'y assister. Il faut enfin, une bibliothèque composée des livres nécessaires à l'instruction, et d'une collection choisie, historique et militaire, où chaque homme de guerre, qui voudrait s'instruire, le puisse en étudiant la vie des grands capitains. Ces dernières institutions existent déjà en Allemagne.

Ce coup-d'œil, continuellement porté sur l'avenir, est le plus puissant aiguillon pour l'amour-propre de l'individu, et le moyen le plus sûr de lui inspirer le désir d'obtenir un avancement, dont les échelons lui sont successivement connus d'avance. On voit par là, que la chaîne des connaissances militaires, doit être une série progressive et presque imperceptible; qu'elles doivent s'élever successivement, et sans ressaut, du dernier grade jusqu'au premier. Il n'y a pas de plus faux principe, que celui d'entourer les grades supérieurs d'un nuage qui en dérobe la connaissance aux inférieurs. Il en résulterait que le militaire qui a osé entreprendre d'y parvenir, se trouverait tout neuf en y arrivant, et réduit à perdre, en apprenant, une partie du temps qu'il aurait du employer à agir.

DES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE L'ORGANISATION ET DE L'ADMINIS

TRATION.

L'organisation hiérarchique, et le système administratif, auxquels une armée est soumise, ont, immédiatement après l'éducation morale des individus qui la composent, une influence directe sur le service, et sur les effets qu'on en peut attendre. Quelques observations assez simples, suffiraient pour démontrer la proposition que j'avance, si elle avait besoin de prendre de mes lecteurs.

aux yeux

dépend

char

La première base de l'organisation hiérarchique, est une juste proportion entre chaque chef militaire, et ses subordonnés, depuis le général en chef, jusqu'au grade immédiatement au-dessus du soldat. C'est de cette juste proportion, que l'exécution des ordres donnés. Si le nombre des organes, gés de transmettre les ordres du chef supérieur, est trop petit, cette transmission devient lente, et le cercle d'action de chaque chef subalterne étant trop étendu, la surveillance devient trèsdifficile, ce qui ne peut manquer de nuire à l'exécution. Si le nombre de ces organes est trop grand, il peut y avoir de la confusion, causée par un nombre d'emplois inutiles. Il s'en suit donc, que le commandement de chacun, doit être limité à l'intensité d'action et de surveillance, qui est physiquement possible à l'homme ; il faut que chaque chef ait un travail qui l'occupe, sans le surcharger, qu'il ait du repos, et point de moment oisif.

La seconde base de l'organisation hiérarchique, est de réunir, même en temps de paix, le plus grand nombre possible d'individus, sous un même commandement. Cela est nécessaire, afin de diminuer le nombre des fractions de l'armée, qui, quoique homogènes dans les principes généraux de leur constitution, sont néanmoins hétérogènes, jusqu'à un certain point; dans l'application de ces principes, et dans quelques nuances de leur manière d'être militaire. Il n'est aucun militaire un peu

ins

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