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doute un grand nombre qui, mus par le désir d'une instruction plus approfondie, et dont ils ne soient redevables qu'à euxmêmes, voudront ou se former une bibliothèque ou recourir eux-mêmes aux sources originales de la science.

Pour faciliter l'accomplissement d'un désir aussi honorable, nous avons cru devoir leur éviter les recherches préliminaires, assez longues et pénibles, qu'il leur faudrait faire pour connaître seulement quels sont les ouvrages qu'ils doivent consulter. Tel est le but de l'Essai sur une bibliographie militaire, qui fait l'objet de cette notice. Notre intention n'est point de donner un catalogue complet de tous les ouvrages, qui traitent des institutions mititaires ou des guerres des différens peuples, anciens et modernes. La liste déjà fort nombreuse des premiers se grossirait encore, de celle de tous les historiens de tous les temps et de tous les peuples, puisque la guerre est inséparable de l'histoire. Une énumération pareille, fastidieuse par sa longueur, serait en même temps inutile pour la plus grande partie. La sécheresse d'un grand nombre de ces histoires ne permet pas qu'un militaire en puisse déduire, ou des exemples ou des préceptes utiles à la science.

Nous nous limiterons, dans cet article, aux ouvrages qui ont rapport à la science de la guerre par terre, nous réservant, dans un des numéros suivans, de traiter ceux qui appartiennent à la guerre de mer. Nous ne nous étendrons pas au-delà de l'histoire des guerres qui ont précédé celle qui s'est aliumée en 1792. Plus tard, nous reviendrons sur cette dernière époque, et nous ferons connaître tous les ouvrages militaires qui y ont rapport et qui ont paru avant la publication de ce Journal, qui luimême contiendra successivement l'annonce de ceux qui paraîtront après.

Nous diviserons les ouvrages militaires qui font l'objet de la présente notice, en deux classes. Ceux qui traitent des principes de la science de la guerre et des institutions militaires ; et les histo riens qui, ayant écrit avec plus de détail, ou avec plus de clarté et de talent, peuvent fournir par la lecture de leurs ouvrages, des exemples ou des préceptes de la science.

AUTEURS DIDACTIQUES.

Dans les temps les plus anciens, il a sans doute existé quelques ouvrages, qui traitaient des institutions militaires des peuples qui ont précédé les Grecs et les Romains. Aucun n'est parvenu jusqu'à nous. Toutes les notions qu'il est possible de recueillir à cet égard se réduisent au peu qu'on en trouve dans HOMÈRE, dans HERODOTE et dans le fabuleux CTESIAS. Là on peut voir l'enfance de la tactique chez les Grecs et les Asiatiques, à l'époque du siége de Troye, et chez les Perses et les Egyptiens, au siècle de Cyrus et de ses successeurs. C'est dans la grande et mémorable lutte des républiques presque imperceptibles de la Grèce, contre toute la puissance des Perses, dominateurs de l'Orient, que la tactique et la stratégie se sont développées chez les Grecs; et c'est de cette époque que datent les premiers écrivains militaires connus.

. XENOPHON est le premier qui se présente, non pas seulement comme historien, mais comme 'écrivain militaire classique. La Cyrapédie, qui, sous le rapport historique, ne peut être considérée que comme un román dans le genre de Télémaque, est un traité complet d'organisation militaire, de manœuvres tactiques et de stratégie pour le temps auquel il écrivit.

POLYBE.

On trouve dans ce qui nous reste de son excellent ouvrage historique, des détails précieux sur l'organisation de la milice des Romains, et des préceptes stratégiques qui ne sont pas à mépriser de nos jours.

ARRIEN nous a laissé un excellent abrégé de la tactique des Grecs.

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FRONTIN. Nous avons de lui un traité des principales parties de la science de la guerre, sous le nom de stratagêmes, employé dans le véritable sens de ce mot, qui veut plutôt dire préceptes que ruses de guerre.

POLYEN a écrit sur le même sujet, mais avec beaucoup moins de talent et de méthode.

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MODESTUS et URBICIUS. Nous avons du premier des fragmens du vocabulaire de la Légion, et du second pour la Phalange.

On les trouve dans le recueil intitulé: Scriptores de re militari. Wesel. 1670.

ELIEN. Il a écrit un traité de la tactique des Grecs un peu plus étendu que celui d'Arrien, et peut-être plus confus. François Robertello l'a traduit en latin, et a défiguré le texte par des figures tracées sans jugement.

VEGÈCE. Nous avons de lui un traité de l'art militaire. Cette compilation, extraite des ouvrages de Caton l'ancien, de Celse, de Trajan, d'Arrien et de Frontin, est bien loin de compenser la perte des quatre premiers. Vegèce, qui ne paraît pas avoir été militaire, a mis dans son ouvrage le désordre que devait nécessairement produire son ignorance, qui lui fait souvent confondre les usages anciens avec ceux de son temps.

LEON.Le dernier ouvrage didactique que nous ayons des anciens est celui intitulé: Institutions militaires de l'empereur Léon, traduit et commenté au 15e siècle, par Pigafetta, et traduit en français par M. de Mézeroy. Enfin, pour ne rien laisser à désirer sur la tactique des anciens, nous citerons le traité de la milice romaine de Juste Lipre, où cet écrivain éclairé a réuni tout ce qu'on trouve à cet égard dans les ouvrages des anciens. MACHIAVEL. Son Traité de l'art militaire, écrit sous la forine d'un dialogue entre deux de ses contemporains, peut donner une idée claire de la tactique au 15° siècle. La critique qu'en a fait M. de Folard, ne peut ni ajouter, ni ôter au mérite de cet ouvrage.

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MONTGOMMERY. Nous avons de lui un Traité de la milice française, intéressant à consulter pour la comparaison de la tactique ancienne et de la moderne.

DANIEL (Le Père) a écrit une Histoire de la milice française, rédigée avec beaucoup de jugement, et qui sera toujours indispensable à ceux qui voudront juger du progrès de la tactique et du développement des institutions militaires en France, depuis la naissance de la monarchie.

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MARISGLI. Son état des forces ottomanes est un livre à consulter. Son ouvrage sur le cours du Danube, contient des

notions précieuses, autant sur les antiquités qui y existent, que sur les opérations militaires à y former.

FCTT (Le baron de ). Son ouvrage peut donner une idée exacte de l'art militaire chez les Turcs, qui n'ont point fait de progrès depuis lui:

ROHAN (Le duc de).—Le parfait capitaine, en établissant une comparaison entre les anciens et les modernes, sous le rapport de la science de la guerre, peut être regardé comme le premier ouvrage stratégique du temps moderne. Ses mémoires sur la Vaitellinesont un modèle de reconnaissances militaires, appliquées à la stratégie.

SANTA CRUZ (Le marquis de) a écrit des réflexions sur l'art militaire, remplies de préceptes sur la science de la guerre, mais plus chargées encore de politique.

il a

FOLARD.- Les Commentaires sur Polybe sont peut-être l'ouvrage le plus propre à induire le lecteur en erreur, sur la tactique des Grecs et des Romains. Ne sachant pas le grec, il a été obligé de suivre la mauvaise traduction de Dom Thuilier, la pire de toutes celles que nous avons d'un écrivain, qui est encore à traduire, et qui ne peut l'être que par un militaire versé dans la tactique des anciens. Outre ce premier défaut, encore celui de vouloir tout rapporter à sa colonne, qu'il voyait partout, et en faveur de laquelle il a hyperboliquement grossi l'effet des armes de jet des Grecs et des Romains. Les descriptions de bataille qu'il donne, sont à peu près toutes des romans, construits en donnant la torture au texte, pour l'accommoder à son système. Ce texte lui-même, étant déjà défiguré par Dom Thuilier, il arrive souvent que les dispositions imaginées par M. de Folard sont précisément le contraire de celles qu'indique l'auteur grec. M. de Folard a aussi écrit un traité des nouvelles découvertes de la guerre. C'est le développement de son système de la colonne. L'usage multiplié de l'artillerie et son effet sur des corps prófonds, ont déjà répondu à ce système.

SAXE (Le maréchal de`. - L'ouvrage plein de mérite auquel il a donné le titre modeste de Rêveries, sera dans tous les siècles

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un manuel précieux de tactique et de stratégie. Il touche aux questions les plus profondes de la science de la guerre ; à celles qui se rattachent au systè me de guerre et à la constitution militaire des États. Il est le premier qui ait mis en pratique la guerre stratégique proprement dite, sur laquelle il a écrit et qu'il appelle Guerre de positions. C'est lui qui a dit ce mot si profond, et qui, à lui seul, contient en abrégé tous les préceptes de la stratégie : Le secret de la guerre est dans les jambes. Le héros du 18. siècle, Frédéric II, plus capable que personne de le comprendre et de le juger, l'appelait le professeur de tous les généraux de l'Europe. Qu'il nous soit permis, avant de quitter ce grand homme, de citer encore une anecdote qui prouve la réputation qu'il s'était méritée. Il était question un jour, en présence du roi de Prusse, de décider du mérite des grands capitaines. Un sentiment de justice, autant au moins que de cette flatteric dont les souverains sont entourés, fit placer Frédéric II au premier rang. Non, répondit le roi, « le plus grand capitaine, à mon avis, est celui qui sut gagner une bataille à l'article de la mort..... » Le maréchal de Saxe, à la bataille de Fontenoy, venait de subir l'opération de la ponction; faible et physiquement abattu par les souffrances, une balle de plomb, qu'il serrait entre ses dents, lui servait à dissimuler ses douleurs et à soutenir sa force morale....

GUISCHARD.Colonel au service de Prusse, et qui ne voulut jamais être général, pour ne pas quitter le roi, auquel il était personnellement attaché. Frédéric II l'avait surnommé Quintus Icilius, à propos d'une manœuvre de ce général romain, qu'il cita un jour, à l'appui d'un mouvement sur lequel on était en doute. Nous avons de lui, 1° Mémoires militaires sur les Grecs et les Romains, suivis d'une dissertation sur l'attaque et la défense des places, d'une analyse de la campagne de Jules-César en Afrique, et de la traduction des institutions militaires d'Onosander, et de la tactique d'Arrien; 2o Mémoires critiques et historiques sur plusieurs points d'antiquités militaires, et surtout sur la campagne de César contre les lieutenans de Pompée en Catalogne ; 3° Une réponse au chevalier de Lo-Looz. Son premier ouvrage est par

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