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ducation militaire des citoyens permet que la réunion d'un nombre d'entre eux forme par le fait même une armée utile. Alors il peut y avoir : 1o. une armée active ou d'opérations, prête dès le premier instant et permanente pour ce motif; 2o. une armée de réserve, qui se compose de la mobilisation d'une partie des citoyens aptes à porter les armes, et qui peut dès qu'il est nécessaire renforcer la première; 3°. une armée de garnison et à laquelle appartiennent exclusivement les citoyens plus âgés; 4°. des troupes légères en partie permanente et en partie acccidentelles; ces dernières étant prises également parmi les citoyens, par un enrôlement volontaire ou par le choix des hommes les plus propres par leur intelligence morale et leur construction physique à ce genre de service.

Pour balancer les avantages de cette dernière organisation, et les dangers de la première, je me contenterai de renvoyer le lecteur à ce que j'ai dit plus haut.

Pour appuyer ces réflexions, j'y ajouterai la comparaison de la force numérique du personnel de guerre, que peut présenter l'une et l'autre organisation. Supposons un état de trente millions d'âmes. Dans un état ainsi peuplé le résultat des observations faites, classe la population habile aux armes, de la manière suivante :

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Une autre règle de l'économie politique fixa à un pour cent de la population le nombre d'hommes qu'un état peut entretenir constamment sous les armes, sans nuire à l'agriculture, à l'industrie et aux arts.

Ce serait dans le cas présent trois cent mille hommes.

Dans la première organisation, tout ce que le souverain peut faire dès qu'il voit la guerre inévitable, est de doubler cette armée. On ne peut pas aller plus loin sans trop affaiblir les cadres de l'armée active par le nombre d'instructeurs et de surveillans qu'il faut donner aux recrues. J'ai même exagéré en admettant le doublement, car on voit par la table ci-dessus que la classe de vingt à vingt-un ans qui fournit ordinairement aux recrues n'est que de deux-cent quarante mille. Cela posé, au bout de trois mois, le souverain aura une armée de six cent mille hommes; unique ressource du pays et qui, dans une seule campagne, sera réduite à moitié, sans même admettre de grands revers. Ce sera donc à recommencer chaque année, et il est rare qu'on puisse continuer long-temps avec quelque succès. En 1806 la Prusse succomba parce que l'armée permanente, qui formait sa force unique, ayant été dispersée à léna, le pays resta absolument sans défense. En 1814, la France succomba parce que l'armée permanente, presque détruite en 1812 et 1813, n'était plus assez nombreuse pour résister aux armées coalisées, et que le gouvernement avait négligé tous les moyens de défense nationale, qu'il aurait pu organiser.

Dans la seconde organisation, l'armée permanente ou d'opérations serait également de trois cent mille hommes. Nous allons voir quelles sont les bases sur lesquelles on pourrait établir les trois autres. En portant à trois-cinquièmes le nombre des hommes non mariés de vingt à vingt-cinq ans et à deux-cinquièmes seulement ceux de la ciasse de 26 à 41, nous aurons sept cent trente mille hommes pour les premiers et un million pour les seconds. Retranchant l'armée active de la première classe, il restera encore quatre cent trente mille hommes pour l'armée de réserve. Le million de la seconde classe formerait non-seulement l'armée de garnison, mais fournirait au besoin une seconde réserve. Les troupes légères accidentelles seraient tirées de ces deux dernières armées. La France ne résista à la guerre qui s'alluma en 1792 que parce qu'elle avait une organisation à

peu près pareille; on la retrouve encore dans la Landwehr de l'Allemagne. C'est, ainsi que je l'ai exposé plus haut, cette même organisation qui a changé le système de guerre et qui l'a ennobli d'un côté, en rendant à l'homme de guerre appelé par la loi sous les armes, le titre de défenseur de la patrie; d'un autre côté en replaçant à son rang la stratégie qui trop long-temps avait été dominée par la tactique.

APPLICATIONS.

PARIS PORT MARITIME.

Un inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées est chargé en ce moment de reconnaître les travaux à exécuter pour établir un port de mer à Paris, et y faire arriver les bâtimens de commerce qui vont en Amérique, dans l'Inde et dans les autres contrées lointaines. Le Journal de Paris, qui a publié ces renseignemens, y a joint des détails fort intéressans, mais qui sont incomplets.

Ce ne sont pas seulement les négocians réunis en corps, qui ont émis plusieurs fois le vœu de voir la Seine rendue navigable jusqu'à Paris pour les bâtimens qui font des voyages de long cours. Des écrivains, des mathématiciens et dcs ingénieurs distingués ont démontré l'importance de ce vœu et la facilité de le remplir. On peut citer à ce sujet Mercier (l'auteur du Tableau de Paris), Mirabeau, Passement, Lalande, Lefèvre, David Leroi, l'abbé Bossut, le marquis Ducrest, Forfait, Sganzin, Fabre, Noël et plusieurs autres.

Les difficultés que la Seine offre à la navigation, depuis le Havre jusqu'à Paris, sont de grandes sinuosités, des bancs sur lesquels, pendant l'été, il ne reste environ que trois pieds d'eau; des ponts dont les arches sont trop reserrées; le manque de chemins de hâlage vers l'embouchure, et l'imperfection de ces chemins en quelques autres endroits. Les avantages sont un courant très modéré, des débordemens peu dangereux, une profondeur moyenne de douze à treize pieds, et un lit dont la direction ne change pas d'une manière sensible.

Convaincu de la possibilité de faire naviguer sur la Seine jusqu'à Paris les bâtimens de commerce, le célèbre Carnot

provoqua l'arrêté du 21 vendemiaire an 3, relatif à l'établissement de cette navigation. MM. Sganzin et Forfait furent chargés d'indiquer les moyens d'exécution.

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Le résumé du travail de ces habiles ingénieurs, fut qu'on devait ouvrir cinq canaux pour raccourcir le trajet, et pour éviter les passages les plus difficiles. Ces canaux n'auraient en rien altéré le cours de la rivière, au moyen d'écluses à sas, placées en amont. Leur longueur totale eût été de 16,250 toises; le prix de leur construction d'environ quatre millions et demi, et le rapport du péage d'environ un million chaque année, supposant que les transports ne se fussent pas accrus, et que le gouvernement eût exigé seulement les mêmes rétributions que les bateaux payaient pour franchir les ponts et les pertuis, dont le passage eût été épargné. Ces mêmes canaux auraient réduit à 98,000 toises le trajet de Rouen à Paris, qui est 121,000. De plus, traversant des campagnes très riches et très industrieuses, ils eussent offert de nouvelles ressources aux fabricans et aux agriculteurs.

M. Fabre, ingénieur en chef du département du Var, et qui s'occupa plus tard de la navigation de la Seine, n'était pas partisan des canaux de redressement. Il voulait seulement qu'on évitât le passage de certains ponts, en les contournant par des canaux très courts, et qu'on détruisît les bas fonds par des rétrécissemens du lit de la rivière; il croyait facile d'obtenir ainsi douze pieds d'eau dans les endroits les moins profonds.

Le marquis Ducrest proposait, pour rendre Paris port maritime, de construire des bâtimens à fond plat, propres à naviguer en pleine mer, et d'accroître la profondeur de l'eau par des barrages établis sur quelques points. Le premier de ces deux moyens avait été proposé dès l'année 1788, par M. David Leroy, et adopté en partie par MM. Sganzin et Forfait. Une première tentative de ce genre avait été exécutée avec un seul navire, par le capitaine Berthelot, dès l'année 1776. L'histoire nous montre d'ailleurs que du temps de César, et dans le moyen âge, les mêmes barques qui naviguaient en pleine mer arrivaient jusqu'à Paris.

Tom. I.

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