Page images
PDF
EPUB

ment employé dans la même vue des peaux de bœufs fraîchement écorchés, et de grosses étoffes trempées dans l'eau, ou dans du vinaigre. Après le siége de Rhodes, ce dernier procédé, et plusieurs autres qui n'en différaient pas essentiellement, restèrent en usage, parce qu'ils étaient faciles et peu dispendieux; mais lorque les temps, les lieux et les ressources le permettaient, on ne négligea pas toujours de couvrir avec des lames de métal les tours ambulantes et autres hélépoles (1). Philon proposa même de construire totalement en airain, ou en fer, les tortues, les ponts d'escalade et toutes les machines employées pour prendre les villes (2).

Le même auteur parle de navires cataphractes (3). Or on sait qu'on appelait cataphracte un cavalier et son cheval, entière

(1). Εκ των Απολλοδώρου Πολιορκητικά.

[ocr errors]

Εκ των Φίλωνος Βελοποιικων λογος Ε' . : in veteribus mathematicis, pages 39 et 98. — Josèphe, Guerre des Diod Sicul ut suprá — Ammianus Marcelli

Juifs, liv. 7, chap. 33. — nus, lib. 19, cap. 5 et 7.

de Folard, tom. 2, p. 179.

[ocr errors]

-

141

- Histoire de Polybe, avec les commentaires Bohádinus ; interp. A. Schultens, p. et 167, Lugd. Batav. 1732. -- Schiller's Historiche abhandlungen, tome 3, section 1re., p. 91. Etc.

; etc.

(2). Εκ των Βελοποιικων λογος Δ' και Ε' : in veteribus mathematicis, p. 70, 77 et 99. Alexandre-le-Grand avait muni de portes de fer la ville qu'il fit construire, auprès de la mer Caspienne, pour arrêter les irruptions des barbares. Cette ville, comme on le sait, fut appelée la Porte-de-fer. Plus tard, quelques places fortes eurent aussi des portes de ce métal ( Ammianus Marcellinus, lib. 30, cap. 5). Du reste, il ne paraît pas qu'aucune grande machine, destinée à la guerre ait jamais été fabriquée toute en fer; et un des premiers édifices qui aient été entièrement faits avec ce métal semble être une petite mosquée que le calife Valid, l'an 126 de l'hégyre, entreprit de faire transporter à la Mecque (Elmacin, Histoire des Sarrasins, traduite par Vattier, p. 91). Dans le dix-septième siècle, Gustave-Adolphe eut le projet de fabriquer des fortifications avec des morceaux de fer en forme de pierres de taille (Mémoires de Montecuculli, trad. par Turpin de Crissé, tome 2, pag. 192, Paris 1769).

(3) Ex Twv Beλomolinov Aryos É in veteribus mathematicis, page 98. Nous devons dire que plusieurs auteurs ont fait mention de navires cataphractes, sans donner à entendre que des lames de métal en cou

Tom. I.

29

[ocr errors]

ment couverts de fer (1); et il est présumable que Philon à voulu parler de navires garnis à l'extérieur de lames de fer ou d'airain; car il a recommandé, dans le même passage, de mettre à l'abri du feu, par ce moyen, les hélépoles et autres machines de siége. Enfin, c'est quelques lignes plus loin qu'il propose de construire ces machines totalement en fer, ou en airain.

L'idée de couvrir les navires en fer, à l'imitation des hélépoles, n'appartenait pas d'ailleurs à Philon: près de deux siècles avant l'époque où il écrivait, on avait admiré dans le port de Syracuse et dans celui d'Alexandrie un vaisseau colossal qui était couvert de fer (2). Mais il est douteux que les anciens aient jamais songé à construire des navires totalement en fer, ou en airain. Le premier projet en ce genre, qui nous soit connu, ne remonte qu'à l'année 1644. On le doit au savant et ingénieux Mersenne (3).

Un siècle et demi plus tard, comme il a déjà été dit (2), on

vrissent les murailles. Peut-être les anciens ne prétendaient-ils désigner, par cette expression, que des navires abondamment pourvus d'armes, ou portant des soldats cataphractes. Il est certain cependant que les vaisseaux de guerre, à l'imitation des machines de siége, furent parfois couverts de cuir et de grosses étoffes qui les préservaient jusqu'à un certain point de l'incendie et du choc des projectiles. Les troupes étaient aussi dans l'habitude, en s'embarquant, de ranger leurs boucliers autour des navires, ce qui formait une sorte de bastingage métallique.

(1). Titus Livius, lib. 35, cap. 48, et lib. 37, cap. 40. — Ammianus Marcellinus, lib. 16, cap. 2.

etc., etc.

(2). Les hunes, qui étaient remplies de combattans, étaient faites d'airain. Moschion composa un livre entier pour décrire ce navire. Hiéron, tyran de Syracuse, en fit présent à Ptolémée Philadelphe. Les principaux ingénieurs furent Architas de Corinthe et l'immortel Archimède. ( Anyœcov Acervosofigol, liv. 5, chap. 6.)

(5) Cogitata physico-mathematica, lib. 2 : navis sub aquis natans; Parisiis, 1644.

(4) Notice sur Fulton: Annales de l'industrie, no. de décembre 1822.

s'est avisé d'appliquer des barres de fer sur diverses machines flottantes. Mais le nautilus de Fulton est peut-être la première embarcation qui ait été construite tout en métal (1). Quinze ou seize années plus tard, c'est-à-dire en 1816 ou 1817, un bateau en fer forgé, nommé le Vulcan long de 63 pieds, et large de 13, a été employé en Écosse, sur le canal qui unit la Forth et la Clyde (2). Un navire plus grand, mais de la même espèce, fut essayé sur mer en 1818. Venu d'Angleterre à Smyrne, dans le mois de juillet, il quittait cette dernière place à l'instant où j'y arrivais. L'ingénieux M. Simond, vers 1815, avait prédit et recommandé la substitution du fer au bois, dans les constructions navales (3).

Trop souvent les innovations les plus importantes furent proposées par des Français, et exécutées par des étrangers. C'est à un habile spéculateur et artiste anglais, que nous devons le bateau à vapeur en fer, nommé l'Aaron Manby, qui navigue maintenant entre Paris et le Hâvre. Sa longueur est de 100 pieds, et sa largeur de 16. Il a été construit dans les ateliers de M. Aaron Manby, à Horseley, près de Birmingham. Le Commerce de Paris, construit dans les mêmes ateliers et destiné au même service, est arrivé ici dans le mois d'août. Il est long de 110 pieds, et large de 18 pieds et demi. Voici la description du premier.

[ocr errors]

Les principales pièces de la membrure de l'Aaron, c'est-àdire les couples et les baux, sont composées chacune de deux bandes ou lattes de fer forgées ensemble, et unies à angle droit,

(1) La carcasse était en fer, recouverte de feuilles de cuivre, selon ce que rapporte M. Brizé Fradin, sans l'affirmer précisément (Chimie pneumatique, etc., p. 80; Paris 1808). Mais, dans le rapport manus, crit sur le bateau sous-marin de MM. Coëssin, il est dit positivement que le nautilus était en métal. Ce rapport, daté du 11 avril 1810, est revêtu des signatures de MM. Sané, Biot, Monge et Carnot.

(2) M. Henri Beighton dirigea sa construction. M. John Robinson a publié ses plans et sa description. (Repertory of arts, manufactures and agriculture, March 1821, p. 242 and following.

(3) Voyage d'un Français en Angleterre, pendant les années 1810 et 1814, première édition.

comme une équerre. Ces lattes ont environ 6 lignes d'épaisseur, sur 2 pouces et demi et 4 pouces de largeur. La plus large est perpendiculaire aux parois du navire; l'autre leur est parallèle. C'est sur cette dernière que sont attachées, avec des rivets, les feuilles de tôles épaisses de deux et de trois lignes, qui tiennent lieu des bordages ordinaires. Ces feuilles sont posées horizontalement bout à bout, de manière à former une virure. Une bande étroite, en tôle, recouvre intérieurement les joints perpendiculaires à la quille, et deux rangées de rivets fixent sur celte bande l'extrémité des feuilles contiguës.

Chaque virure est d'ailleurs disposée de manière à recouvrir légèrement la virure placée immédiatement au-dessous d'elle, comme dans les embarcations à clin; de nombreux rivets consolident cette seconde espèce de joints. Le tout ressemble aux grandes chaudières, qui appartiennent à certaines usines, notamment aux machines à vapeur.

et

La carène, en conséquence, est hérisée des têtes saillantes des rivets; ce qui augmente beaucoup la résistance du fluide. Dans plusieurs autres navires en fer, construits en Angleterre, tels que le Vulcan, on a fraisé les trous des feuilles de tôle, et la tête des rivets ne dépasse plus rien. La main d'œuvre est accrue, et la solidité des assemblages est diminuée par ce procédé. En voici un autre qui nous semble préférable; d'autant qu'il permettrait de supprimer presque toutes les pièces de la membrure.

Il faudrait plier à angles droits les quatre côtés de chaque feuille de tôle; placer entièrement ces rebords les uns contre les autres, et les traverser par des boulons à écrou. Les feuilles de tôle seraient posées perpendiculairement à la quille, dans le sens de leur longueur, afin que leurs rebords figurassent des couples, très rapprochés les uns des autres. Rien n'empêcherait d'ailleurs de consolider ces rebords, en appliquant contre eux des bandes de fer, et en les traversant par les mêmes boulons. Les rebords parallèles à la quille tiendraient lieu de précintes et de paracloses. On placerait entre eux, dans les œuvres mortes, des bandes de fer qui feraient le tour du navire, et qui seraient

solidement fixées les unes au bout des autres. Elles formeraient de fortes ceintures, et le navire ne contracterait jamais un arc sensible. Des boulons à écrou, en fer coulé, seraient plus solides, plus commodes et plus économiques que les rivets.

Le pont ou tillac de l'Aaron, quoique soutenu par des baux en fer, est bordé avec des planches, comme cela se pratique dans les navires en bois (1). Il n'y a que les panneaux des écoutilles qui soient tout en fer. Voici les principaux motifs, de cette disposition.

1° De la tôle sur laquelle on marcherait, et sur laquelle tomberaient quelquefois des corps pesans, serait plus sujette à se fausser que celle de la carène, qui n'est pas exposée aux mêmes inconvéniens, et qui est fortifiée par la pression de l'eau (2). 2o Des planchers en fer seraient très-glissans, s'ils étaient fréquemment nettoyés; et, dans le cas contraire, la rouille les couvrirait promptement. De la peinture, ou un enduit quelconque, sans cesse endommagé par les pieds, serait un faible remède contre les oxidations. 3o Le fer étant un trèsbon conducteur de calorique, on ressentirait une chaleur insupportable dans l'intérieur du navire, lorsque le soleil frapperait sur un tillac de ce métal. Cette même considération a fait éta-blir, autour de l'entrepont, une boiserie qui repose sur l'arête intérieure des couples. Il y a, en conséquence, un espace d'environ 4 pouces entre cette boiserie et les parois en fer.

[ocr errors]

D'après les renseignemens que M. Manby a eu la complai

(1) Si l'on adoptait le système d'assemblage que nous venons de proposer, il conviendrait peut-être de l'étendre au tillac et aux autres ponts. Le navire en serait plus imperméable et plus incombustible. Mais pour des raisons d'élégance et de commodité, on couvrirait d'une espèce de parquet en bois toute partie en fer sur laquelle on marcherait, et surtout le tillac qui est si directement exposé aux ardeurs du soleil.

(2) Des hommes de l'équipage de l'Aaron, pour prouver la solidité de leur navire, ont pris devant nous une forte barre en bois, et en ont donné des coups violens sur les feuilles de tôle de la carène. Mais ce sont les chocs de dehors en dedans qui défonceraient facilement cette partie du navire.

« PreviousContinue »