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héritier légitime, après la mort duquel Sultan Morad ou Amurat II s'en empara. Quelque temps après Georges Castriote, surnommé Scanderbeg, seigneur de Croïa, arracha de nouveau ce pays à la domination Ottomane. Seigneur des pays actuellement habité par les Mirdites, et des cantons de Lissa, Durazzo et Tirana, il devint le chef d'une ligue de tous les seigneurs de l'Illyrie macédonienne, et d'une partie de l'Épire, à la tête de laquelle il résista aux armes jusqu'alors victorieuses des sultans Ottomans. Il prit même le titre de prince d'Epire. Après sa mort, les Ottomans rentrèrent en possession des pays qu'il avait occupés, et les réunirent de nouveau à leur empire, à l'exception du canton des Mirdites, qui a conservé son indépendance. Les districts de Croïa, de Tirana, et de Durazzo furent réunis au Sandgiak de Scodra, le restant de l'Illyrie macédonienne forme ceux d'Elbassan, et d'Avlona ou Berat. Toute l'Illyrie macédonienne est aujourd'hui connue sous le nom d'Albanie, et les peuples qui l'habitent sont appelés Albanais par nous As par les Grecs, et Arnautes par les Turcs; euxmêmes se nomment Schypetars. Je n'entrerai dans aucune discussion sur l'étymologie de ces différens noms, ni sur l'origine du peuple qui les porte, et qui est bien distinct par ses mœurs, son langage et même sa figure et sa construction physique, des Grecs et des Turcs, au milieu desquels il vit.

Le but du présent mémoire n'embrassant que la partie de la Grèce qui est sous la domination d'Ali - Pacha, je n'étendrai pas plus loin la description topographique qui doit précéder ce que j'ai à dire sur l'expédition qui en fait l'objet. L'Epire et l'Acarnanie, qui dépendent directement d'AliPacha, comprennent les Pachaliks de Delvino, Janina, Arta et Carli-Ili. Ce Sandgiak, qu'il s'est créé lui-même par les armes et par les intrigues, est borné au nord par une ligne tirée de l'embouchure de la Voyutza, par le Mont-Tomoros jusqu'à la chaîne du Pinde, qui le sépare de la Macédoine et de la Thessalie, et le renferme à l'est. En en donnant la description nous la rapporterons autant qu'il est possible à la géographie ancienne, en indiquant les rapports avec la moderne.

A l'embouchure de la Voyutza étaient les Apolloniates, dont le territoire s'étendait jusques vers la chaîne des Acrocerauniens. Des anciennes villes que renfermait ce canton, il n'existe plus en ce moment que celle d'Avlona ou la Vallone, l'ancienne Aulon; un des principaux points de communication de l'Italie avec la Grèce, par où passait la route de Rome à Byzance, par Brundusium ou Brindisi. Le golfe d'Avlona, où l'on trouve un assez bon port, près des ruines de l'ancienne Oricum, favorable pour un débarquement de troupes venant de l'Italie, ne peut servir pour l'expédition dont il s'agit dans ce mémoire. Les circonstances actuelles exigent que la base d'opérations soit moins éloignée des côtes de l'Epire, et à l'abri des dangers d'une navigation incertaine en ce moment. La première contrée de l'ancien Epire, qu'on trouve après la Voyutza, était la Chaonie, elle forme actuellement le district indépendant de Chimara, la Japourie autrefois Japygie, qui occupait le revers oriental des monts Acrocerauniens, le canton d'Argyro-Castro ou Dryopie, celui de Tepelen et celui de Libochogo. Depuis la pointe des Acrocerauniens au cap Lenguetta, jusqu'à Porto-Palermo, toute cette côte escarpée n'offre d'autres ports que ce dernier et les ports ou Scaloma, de Condami et de Saint-Théodore. Encore ces ports ne peuvent-ils être d'aucune utilité, à cause de la difficulté que présentent les seuls chemins qui y aboutissent, et qui, de Porto-Palermo, conduisent à Tepelen et à Delvino. La Chimara ne contient que les trois bourgades de Chimara, Vouno et Drimates, pauvres comme le pays qui les entoure, et dont les habitans, obligés d'aller chercher fortune ailleurs, ont l'habitude de servir les rois de Naples. Ils formaient dans ce pays le régiment de Macédoine qui a suivi le roi Ferdinand en Sicile, mais qui, mécontent des Anglais et trop éloigné, a déserté en grande partie. Les Chimariotes sont en ce moment au nombre de près de 2,000 dans la légion Albanaise formée à Corfou. Dans l'intérieur de la Chaonie, on trouve la ville d'ArgyroCastro, qui a remplacé la capitale des Dryopes, et quelques bourgs, parmi lesquels on peut citer Libochogo et Tepelen, lieu de naissance d'Ali-Pacha. Près de ce dernier endroit s'ou

vrent, sur les bords de la Voyutza, les défilés par où Flamininus entra en Epire.

Après la Chaonne, venait la Tiesprotie. C'est aujourd'hui le Pachalik de Delvino, et les cantons de Chamouri ou Cestrine, de Margariti et de Pamarithia ou Aidonie. La côte, depuis le Porto-Palermo jusqu'à celui de Bucintro, l'ancienne Buthrotum, offre plusieurs points de débarquement, et une communication assez facile avec Delvino. Depuis Bucintro jusqu'à Parga ou plutôt jusqu'au port de Phanari, où finissait la Cassiopie, les points de débarquement sont nombreux. Les plus intéressans pour l'expédition qui fait l'objet de ce mémoire, sont ceux de Sayades, de Keracha, où aboutit la route de commerce de Janina à Corfou, et celui de Gomenitza à l'embouchure du Calamas, d'où une route assez facile rejoint à Philates, celle de Janina. Parga a un bon port, et cette ville, appartenant aux îles Ioniennes, forme une tête de pont qui serait très-avantageuse dans une autre position. Mais Parga étant située au pied des monts Cassiopéens, n'a que des communications difficiles avec le continent, et n'offre pas de facilités pour le déployement d'une colonne d'attaque. Ce serait néanmoins le point où il faudrait faire débarquer la légion Albanaise, et surtout les Souliotes, qui, de là, passeraient sans obstacle dans leur ancien pays. Le port Phanari, situé au bas de la rivière même de Souli, serait très-utile pour communiquer ensuite avec la colonne qui occuperait les monts Cassiopéens. La Thesprotie compte quelques villes ou bourgs de fondation peu ancienne. La principale est celle de Delvino, chef-lieu du Pachalik de ce nom, et qui est le point de jonction des routes qui vont de là à Bucintro, Argyro - Castro, Tepeln et Janina. Philates sur la route de Corfou à Janina, Margariti au nord de Parga, et Parumythia plus au nord encore, sont les autres lieux remarquables de cette contrée. Le dernier appelé Aïdoni ou Agio Donați, au moyen âge, rappelait le souvenir de l'Aïdonie. Parga s'est séparée de la Thesprotie en se remettant volon tairement aux Vénitiens, avant que les Turcs ne pussent s'en rendre maîtres.

En suivant la côte de la mer Ionienne et du golfe d'Ambracie, après la Thesprotie, on trouvait la Cassiopée et l'Ambracie. Du port de Phanari jusqu'à Prevesa, on ne rencontre que l'anse de Micalitchi, près des ruines de Nicopolis. Prevesa est située à l'entrée même du golfe d'Ambracie ou d'Arta, la ville n'a qu'une plage, mais le port de Vathy ou de Prevesa Vecchia qui est tout près, offre un bon mouillage, pour de petits bâtimens. Il n'en peut pas entrer d'autres par le canal de Preveca, et pour transporter une frégate moyenne dans le golfe, il faudrait la décharger même de son artillerie. L'entrée du canal est défendue par un mauvais fort établi sur la hauteur de Saint-Georges. Il est heureux que l'avarice et la petitesse d'esprit d'Ali-Pacha, n'ait pas permis d'y établir le grand fort dont le plan avait été tracé, et qui aurait rendu l'occupation de la ville très-difficile. Prevesa n'a qu'une enceinte de terre, qui ne saurait offrir de résistance, surtout en débarquant à Micalitchi. La route de Prevesa à Janina passe près de Micalitchi, et traverse les montagnes boisées de la Cassiopie; elle est difficile et prête aux chicanes de la guerre de partis. Autrefois il y avait le long du golfe de Nicopolis, et par conséquent de Prevesa, une route qui conduisait à Arta. Mais cette chaussée, rompue en plusieurs endroits, est impraticable, et les marais de la rivière de Louro, beaucoup plus étendus qu'ils ne l'étaient lorsqu'ils présentaient un obstacle aux troupes d'Octavius, et couvraient le front des légions d'Antoine, en offrent un impraticable actuellement. On va de Prevesa à Arta par mer; on débarque à la plage de Salagore, et de là à Arta où est en plaine. Dans la Cassiopie était le canton de Souli, renommé dans les annales de l'Epire, par le courage et la constance avec lesquels ses habitans maintinrent leur indépendance jusqu'à la fin de 1803. Le détail de cette guerre, qui a fait naître mille actions éclatantes de valeur, et qui a fini par un trait d'héroïsme digne des beaux temps de la Grèce, étant étranger à cé mémoire, je le passerai sous silence. Aucune des villes anciennes de la Cassiopie n'a échappé au ravage du temps, si ce n'est Arta, que l'examen attentif des guerres de Philippe,

de Persée, des Etoliens et des Romains, prouvent avoir remplacé Ambracie.

En retournant au nord de l'Epire dans les terres, on trouvait d'abord la Pelagonie et la Triphylie, qui comprenaient la vallée de l'Aous. Klissoura, ou la Clef, bàtie sur l'emplacement du camp de Philippe, devant Flamininus, et au débouché du défilé que tourna ce dernier, est une position intéressante, par sa situation à l'intersection des reutes qui de là vont à Avlona par Tepelen, à Berut, à Janina et dans les Monts Canduviens par le vallon de la Desnitza. Dans la vallée de la Voyutza, on trouve un autre point militaire intéressant. C'est celui où, de la route de Janina, se sépare celle qui, par Conitza, conduit en Thessalie par les sources du Pénée, ou en Macédoine par celles de l'Haliacmon. Il y a eu en ce lieu un Dervent, ou fort, servant à défendre un défilé.

A l'orient de ces cantons était la Perrhebie, aujourd'hui cantons de Zagori et de Conitza, dont le premier, situé hors des communications commerciales et militaires de l'Epire avec la Thessalie et la Macédoine, n'est d'aucune considération dans ce mémoire.

Au midi de ces peuples étaient les Molosses, dont la capitale est aujourd'hui Janina. Cette ville, bâtie ou restaurée par Jean, fils d'Alexis Commène, au commencement du 12° siècle, fut prise et pillée par Roger II, roi de Pouille, et se soumit en 1424 au sultan Morad ou Amurat II. Dans l'origine, elle ne consistait que dans le Kastron, ou citadelle bâtie sur un promon toire qui avance dans le lac qui baigne ses murs. Le commerce l'a aggrandie, et aujourd'hui elle contient environ 40,000 âmes. Ali-Pacha ayant fait fortifier le palais de Litharitza, sur une hauteur au centre de la ville, lui a donné une seconde citadelle. Janina est le point central de plusieurs grandes routes de commerce, que je vais indiquer aussi succinctement qu'il sera possible. La première est celle que j'ai déjà indiquée, et qui conduit de Janina à Corfou par Philates. Une seconde route, rendue praticable pour l'artillerie par Ali--Pacha, conduit par Arta, soit à Lepante par Missolonghi, soit à Salone et en

Beotie

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