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cée de 1700 hommes par chaque mille de l'armée active. Cette institution, partant d'un principe opposé à celui sur lequel doit reposer la composition de la force militaire des états, a cependant un défaut essentiel. C'est que, non contente de répandre l'instruction tactique, nécessaire et suffisante aux citoyens que les dangers de la patrie peuvent appeler aux armes, elle y répand l'esprit militaire. Or l'esprit militaire, tel qu'il doit nécessai rement exister dans une armée permanente, lorsqu'il est répandu dans une nation, l'attire dans le même cercle et y fait naître la tendance au gouvernement et au despotisme militaire; tendance également funeste aux gouvernemens et aux nations.

Malgré les observations que des considérations puisées dans l'intérêt de la société, nous ont obligés d'apporter au projet du colonel Marbot, nous devons à la justice et nous le faisons avec plaisir, de reconnaître dans son ouvrage le zèle et les vues d'un militaire aussi éclairé qu'estimable.

G. V.

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En exécution des ordres de S. M. Louis XVIII, la corvette la Coquille a été armée au port de Toulon, au commencement de l'année 1822, pour un voyage de découvertes qui avait principalement pour but le perfectionnement de la géographie et des sciences physiques et naturelles.

Le commandement de la Coquille fut confié au lieutenant de vaisseau Duperrey, qui déjà avait fait partie de l'expédition du capitaine Freycinet.

La Coquille appareilla de Toulon, le 11 août 1822. Après avoir visité successivement les îles Malouines, les côtes du Chili et du Pérou, l'Archipel dangereux, et divers autres groupes d'îles disséminées dans la vaste étendue de l'Océan-Pacifique; la Nouvelle-Irlande, les Moluques, la Nouvelle-Hollande et la Nouvelle-Zélande; l'Archipel des Carolines, Java, les Isles-deFrance et de Bourbon, la corvette a opéré son retour en France et a mouillé sur la rade de Marseille, ayant accompli un voyage de circum-navigation qui a duré trente-un mois treize jours, et pendant lequel elle a parcouru plus de vingt-cinq mille lieues.

Pendant cette longue et périlleuse campagne, les observations relatives au but de la mission ont été suivies par le capitaine et les officiers de la Coquille avec un zèle infatigable. Un grand nombre de plans et de cartes ont été dressés avec un soin digne des plus grands éloges, et des collections appartenant aux trois règnes de la nature, aussi intéressantes par la

quantité que par le choix et la nouveauté, ont été recueillies avec beaucoup de discernement, et sont venues ajouter aux richesses que possède déjà le Jardin du Roi.

Ces circonstances sont d'autant plus remarquables, que les travaux de tous genres ont été exécutés par les seuls officiers attachés au département de la marine, et qu'aucun individu étran– ger à ce corps n'a été embarqué sur la Coquille.

Une commission a été chargée par l'Académie Royale des Sciences, d'examiner et d'apprécier les résultats de la campagne de ce bâtiment. MM. le baron Cuvier et Arago, organes de cette commission, ont fait connaître toute l'utilité que la science retire du voyage de la Coquille, et ont payé un honorable tribut d'éloges aux connaissances et au dévoûment dont ont fait particulièrement preuve le capitaine Duperrey, le lieutenant de vaisseau Durville, son second, les autres officiers de l'étatmajor, ainsi que MM. Garnot et Lesson, chirurgiens de la marine.

A ces détails, on doit ajoutér, comme une chose fort remarquable, que la Coquille, après un armement de plus de trois ans, est rentrée dans le port sans avoir perdu un seul homme, et que sa dépense a été au-dessous de celle d'un bâtiment de même force qui aurait été employé sur les côtes. Ces heureux résultats sont dus à la surveillance active de tout l'état-major, à la bonne direction donnée aux hommes, et aux soins particuliers dont ils ont été constamment l'objet de la part de leurs officiers et des officiers de santé du bâtiment.

Déjà, le roi avait bien voulu donner à M. Duperrey une marque de sa satisfaction, en le portant au grade de capitaine de frégate.

Le lieutenant de vaisseau Durville, second du bâtiment, a partagé ses travaux et il a puissamment contribué au succès de l'expédition : l'Académie, dans son rapport, l'a cité avec la plus grande distinction.

M. Lesson, embarqué d'abord comme pharmacien sur la Coquille, a rempli les doubles fonctions de chirurgien-major du bâtiment et de naturaliste, lorsqu'une maladie força M. Garnot

chirurgien-major du bâtiment, de débarquer au port Jackson. M. Lesson, d'après le rapport de l'Académie a particulièrement concouru à former les nombreuses et rares collections déposées au Jardin du Roi.

M. Antoine Bernard, premier maître d'équipage de la Coquille, dont le dévoûment égale l'activité, a mérité constamment les suffrages des officiers sous les ordres desquels il a navigué, et son zèle a été remarqué pendant toute la campagne.

Sa Majesté, par une ordonnance du 3 novembre 1825, a daigné conférer le grade de capitaine de frégate à M. Durville, et nommer chevalier de la légion d'honneur MM. Lesson et le maître d'équipage Bernard.

Extrait de la relation de M. Lesson sur l'île d'Oualan.

Tandis que les anglais Denham et Clapperton pénétraient avec tant de bonheur dans le cœur même de l'Afrique centrale, la corvette française la Coquille, commandée par le capitaine Duperrey, accomplissait un voyage scientifique autour du monde que l'on peut citer comme le plus heureux peut-être de tous ceux de ce genre qui ont été faits jusqu'à présent. Une navigation de trois années, souvent employée à explorer des parages peu ou point connus, et exécutée sans la moindre avarie, sans avoir perdu un seul homme, atteste le perfectionnement remarquable de la science nautique et honore infiniment les of ficiers qui l'ont dirigée..

Le but était de recueillir de nouvelles observations sur la mesure et la forme du globe, d'augmenter nos richesses en histoire naturelle, et de reconnaître avec soin plusieurs points impor-, tans, notamment l'Archipel des nombreuses Carolines, qui attendait une exploration plus complète. Les deux rapports faits à 'Académie des Sciences, par MM. Cuvier et Arago montrent que ce but a été parfaitement rempli; puisse maintenant cette importante relation ne pas éprouver dans sa publication les mêmes retards que celle de M. de Freycinet. En attendant, plusieurs mémoires des officiers de la Coquille ont été publiés,

et nous nous proposons d'en rendre compte. Nous commencerons par celui que M. Lesson, médecin à bord de la corvette, a inséré dans le Journal des Voyages. C'est une notice étendue sur une île de l'Océan-Pacifique, qui n'avait point encore été visitée.

Cette île est appelée Oualan par les naturels qui l'habitent; elle gît par 5° 21' 32" latitude nord et 160° 48' 22" longitude orientale; elle est tout-à-fait isolée et à une égale distance à peu près du groupe des Carolines et des Archipels Mulgrave et Gilbert. Son étendue est de huit milles de longueur sur neuf de largeur. Les pics qui s'élèvent de son sein la rendent remarquable; car les autres îles de ces parages sont basses et presque à fleur d'eau. La plus haute de ses montagnes peut avoir six cent soixante-dix-huit mètres, et la nature des roches qui les composent, ainsi que les déchiremens qui les séparent, décèlent assez leur origine volcanique; les gorges, les vallées qu'elles forment dans leurs contours, l'abondante végétation qui les revêt, et les nombreux ruisseaux qui sillonnent leurs flancs en coulant vers la mer ou en tombant en cascades sur des lits de galets, donnent à l'île l'aspect le plus pittoresque. Les arbres et les plantes y sont à peu près les mêmes que sur toutes les terres tropicales. Le chou caraïbe, la canne à sucre qui y croît spontanément avec une prodigieuse fécondité ; le bananier, l'arbre à pain qui s'élève parmi les broussailles jusque sur la crête des montagnes, en s'unissant aux fougères arborescentes, suffisent presque seuls à la nourriture de la petite population de Oualan. Contens des simples fruits que la terre leur fournit sans travail, ces paisibles insulaires ignorent jusqu'à l'usage cruel, qui nous a été plus d'une fois reproché, de dévorer la chair des animaux : au reste, les quadrupèdes paraissent être fort rares dans leur fle. Quelques poissons seulement viennent varier un peu les approvisionnemens de cette table frugale. Un régime ainsi réduit aux simples végétaux ne peut être sans influence sur le caractère des habitans, et, suivant M. Lesson, il faut y chercher la source de cette douceur et de cette hospitalité qui les distinguent de beaucoup d'autres insulaires. La discorde, en effet, paraît n'a

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