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doit croire qu'elle ressemblait assez à celle que l'on pourrait construire de la Scythie, d'après le récit de l'historicn Hé- · rodote. On formait un cercle ou un carré, dont chaque côté avait un nombre de stades déterminé, et dans l'intérieur on figurait le pays d'après l'idée qu'on s'en était faite.

Malgré cette première carte d'Anaximandre, on n'en continua pas moins à faire des descriptions. Les navigateurs se dirigèrent sur des périples par écrit où l'on avait marqué les distances, et quelquefois les aires de vent; et quoique les connaissances en géographie se fussent fort étendues par l'expédition d'Alexandre, néanmoins la science en resta là jusqu'à l'établissement de l'école d'Alexandrie.

Ce fut alors que la géographie prit un nouvel essor. Ératosthène, l'homme le plus universel de son siècle, et qui fut nommé bibliothécaire de la bibliothèque d'Alexandrie par Ptolémée Philadelphe, vers l'an 260 avant l'ère chrétienne, entreprit le premier de construire des cartes sur des bases solides, et il y parvint. Il imagina une ligne qui, allant du couchant au levant, passait par le détroit de Gibraltar, par Rhodes, et se prolongeait jusqu'aux dernières terres connues vers l'Orient. Sur celle-ci, il en dressa une perpendiculaire qui passait par Alexandrie, Rhodes et Byzance; et sur ces deux lignes, qui se coupaient à angle droit, il plaça diférentes villes suivant leurs distances itinéraires indiquées par les navigateurs et les voyageurs. Il dressa ensuite d'autres lignes parallèles à la première, par le moyen desquelles il indiqua la position de plusieurs villes qui se trouvaient éloignées des deux premières.

Quelques personnes ont prétendu qu'Eratosthène n'était point l'inventeur de ce procédé, et qu'il l'avait pris sur des restes de cartes qui annonçaient une géographie aussi perfectionnée que la géographie actuelle: mais rien, dans l'antiquité, n'indique cette géographie perfectionnée; et d'ailleurs, l'excès des mesures qu'Eratosthène a employées, prouve assez qu'il est l'inventeur du procédé dont il s'est servi, et qu'il n'a fait que mettre en œuvre des matériaux qui étaient entre les mains

de tout le monde. Suivant lui, l'espace compris entre le cap Saint-Vincent en Espagne et les embouchures du Gange, couvrait plus du tiers de la circonférence du globe sur le trente-sixième parallèle, tandis qu'il n'en occupe qu'un peu plus du quart.

Ce premier essai d'Ératosthène fut sans doute ce qui donna naissance à la division de la terre par climats, et encore plus certainement ce qui enfanta la projection que l'on a depuis appelée de la carte plate.

Ératosthène avait proposé de diviser le grand cercle de la terre en trois cent soixante degrés ou parties; mais il n'avait point fait usage de cette proposition. Hipparque, astronome habile, qui vint après lui, saisit avidement cette idée; il l'appliqua à la carte d'Eratosthène. Il fit plus; il fut le premier qui soupçonna qu'il fallait aller chercher dans le ciel ou dans l'astronomie, des bases géographiques fixes et invariables pour tous les peuples et pour tous les temps. Il entrevit que la position de chaque étoile, en déterminant sa distance à l'équateur et à un premier méridien, était un point de reconnaissance, et qu'on pouvait rapporter à chaque point ainsi fixé un lieu correspondant de la terre: il entreprit et acheva un catalogue des étoiles, et en détermina l'emplacement par les deux indications de leur longitude et de leur latitude. Dès-lors, la projection de la carte plate devint plus régulière et plus constante; et c'est celle qu'employèrent Possidonius et Marin de Tyr, et dont nos pilotes de la Méditerranée firent usage dans le moyen âge, jusqu'à la découverte du nouveau monde.

Néanmoins, de la manière dont les anciens traçaient cette projection plate, elle n'était point encore établie suivant les vrais principes qui la constituent. L'essence de la projection plate est de faire les degrés de longitude et de latitude égaux par toute la terre; de sorte qu'une carte du monde entier, dressée sur ce principe, scrait un véritable échiquier. Les anciens, au contraire, persuadés que les pays qui se trouvaient sous la zone torride comme sous la zone glaciale, ne pouvaient être habités, sacrifièrent l'exactitude rigoureuse de cette

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projection, à l'avantage des pays qu'ils avaient à représenter. Ils firent les degrés de latitude égaux entre eux; mais pour les degrés de longitude, en leur conservant la même distance respective, ils ne les éloignèrent l'un de l'autre que dans la proportion qu'ils ont réellement sur le globe à la hauteur du trente-sixième parallèle, qui passait à-peu-près par le milieu des terres alors connues. Sur ce parallèle, le degré de longitude, par son décroissement, ne vaut qu'environ les quatre cinquièmes de celui de l'équateur, qui est égal à celui de latitude: ainsi les anciens traçaient leurs degrés de longitude dans une proportion qui était avec ceux de latitude comme 4 est à 5. C'est de celte manière qu'étaient construites les projections. d'Hipparque, de Possidonius et de Marin de Tyr.

Mais les découvertes ayant fait connaître des pays situés dans l'une des zones que l'on croyait inhabitées, ces pays, sous cette projection, se trouvèrent extraordinairement défigurés. Alors Ptolémée l'astronome assujétit les cartes de Marin à une nouvelle projection; et c'est celle que l'on peut appeler la projection conique, ou le développement du cône. Ptolémée avait bien vu que la projection plate, telle qu'on l'exécutait, n'était point favorable aux pays situés près de l'équateur; mais s'il l'eût rétablie dans sa pureté, elle aurait eu un autre inconvénient, qui aurait été de dilater singulièrement tous les pays dans le sens de la longitude, à mesure qu'ils se seraient éloignés de l'équateur; en sorte que, sous le trente sixième parallèle, les longitudes auraient été trop fortes d'environ un cinquième: c'est pourquoi il inventa la projection dont nous venons de parler.

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En effet, cette projection, par l'inclinaison des méridiens, remédie en grande partie aux inconvéniens de la projection plate; mais il ne faut pas qu'elle soit trop étendue : c'est celle dont on se sert communément pour construire des cartes particulières de la France, des îles Britanniques, de l'Allemagne, etc. On peut même l'étendre jusqu'à l'Europe entière; mais au-delà elle aurait trop d'inconvéniens. Cependant Ptolémée voulant représenter sous cette projection tout le monde connu de son temps

Tom. I.

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chercha à remédier lui-même à ces inconvéniens

il prit le parti de l'altérer par des moyens un peu différens de son principe, mais qui néanmoins sont assez avantageux aux pays que l'on veut représenter.

Dans la projection conique pure, tous les parallèles sont des parties de cercle concentriques; et les méridiens partant du même centre en ligne droite, comme autant de rayons, viennent couper ces parallèles à angles droits. Ptolémée, en altérant cette projection, conserva la courbure des parallèles, mais il renfla les méridiens, et les traça également par des lignes courbes, ou plutôt des ellipses. C'est cette projection qui, prise pour la partie de la terre qu'il avait à représenter, a été appelée par lui mừ

ds, c'est-à-dire, la carte ayant la forme d'un manteau, parce que cette projection ressemble en effet assez à un manteau que l'on aurait étendu sur une surface plane; on pourrait l'appeler la projection conique altérée, ou la projection de Ptolémée. Quoi qu'il en soit de cette dénomination, c'est encore la projection que l'on emploie comme la plus avantageuse pour faire des cartes d'Asie, d'Afrique et d'Amérique; et son développement entier qui a été essayé par plusieurs géographes, donnerait la figure d'un cœur, ou plutôt de ce qu'on appelle un cerf-volant.

Ptolémée avait rendu un grand service à la géographie en imaginant ces deux projections, néanmoins on n'en fit point usage de long-temps. On copia ses cartes sans examiner le principe sur lequel elles étaient construites; on les rectifia même dans quelques détails; et après s'en être servi, on les abandonna pour revenir à la projection plate. Ce fut celle, comme on l'a dit, que les pilotes de la Méditerranée employèrent dans le moyen âge pour construire leurs cartes, et l'ignorance même en fit souvent disparaitre la graduation.

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La découverte du Cap de Bonne-Espérance et celle du Nouveau Monde, ayant considérablement accru les connaissances et les lumières ayant reparu dans le même temps, on en revint peu aux projections de Ptolémée. Néanmoins ce ne fut à que sous la main de Mercator, vers la fin du seizième siècle que les cartes géographiques prirent une nouvelle forme. Ce

peu

savant géographe, en même temps grand mathématicien, voyant que la projection de Ptolémée défigurait singulièrement les pays nouvellement découverts, inventa deux nouvelles projections : l'une pour représenter le globe entier, que l'on appelle la projection stéréographique; et l'autre pour l'usage des marins, que l'on appelle de la carte réduite. Ptolémée avait entrevu la projection stéréographique; et quelques personnes prétendent que GemmaFrison, célèbre astronome, peu avant Mercator, en avait fait usage pour un astrolabe qu'il avait inventé: mais il ne paraît. pas qu'on l'ait appliquée aux cartes avant Gérard Mercator. Cette projection a l'inconvénient de ne pouvoir souffrir d'échelle divisée en parties égales, comme la projection conique, mais elle a l'avantage de représenter assez nettement, dans un espace déterminé, toutes les parties du globe; et c'est celle dont on fait encore usage pour ce que l'on appelle la mappemonde.

La projection de la carte réduite dérive de la projection plate. Cette dernière, malgré ses grands défauts, offrait pourtant un avantage aux marins, celui de leur donner les moyens de tracer sur la carte, leur route par des lignes droites; tandis que sur toute autre projection, ils auraient été obligés de se servir de lignes courbes: mais les rumbs de vent, en partant d'un lieu, ne tombaient jamais sur l'endroit où ils auraient tombé sur le globe. Ce défaut fut très-léger et à peine senti, tant qu'on ne navigua que sur la Méditerranée, mais dès qu'on fit des découvertes au loin, il devint considérable, et on s'aperçut qu'on ne pouvait plus se servir de la projection plate. Mercator, en homme de génie, imagina donc la projection de la carte réduite, qui porte aussi son nom, et qui, à l'avantage des lignes droites, joint celui d'indiquer les airs de vent d'une manière très-exacte, en sorte qu'elle satisfait suffisamment les navigateurs.

Dans cette projection, les parallèles et les méridiens sont tous marqués par des lignes droites qui se coupent à angles droits comme dans la carte plate, mais avec cette différence, que les parallèles y sont toujours de plus en plus espacés à mesure qu'ils s'éloignent de l'équateur, et qu'ils sont tracés dans une proportion correspondante à celle du décroissement des der

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