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grés de longitude sur le globe. Il est vrai qu'on ne peut pas non plus porter d'échelle divisée en parties égales sur une carte construite de cette manière, et que les pays, à mesure qu'ils s'éloignent de l'équateur, prennent un caractère de grandeur qui les rend fort différens de ceux qui se trouvent sous cette ligne même; mais les navigateurs la préfèrent, parce qu'elle satisfait à-peu près à tous leurs besoins, et qu'elle leur sert comme d'instrument pour tracer leur route.

Mercator publia en 1569 la première carte qu'il avait composée sous cette projection; mais comme il ne donna point en même temps les principes sur lesquels il s'était fondé, les Anglais s'attribuèrent l'honneur de l'avoir inventée. Leur compatriote Edward Wright la développa dans un ouvrage qui parut à Londres en 1599. Ils prétendirent qu'il en était l'auteur: on sait actuellement à qui en appartient l'invention; et malgré les Anglais, cette projection portera toujours le nom de Mercator. C'est elle que l'on emploie pour toutes les cartes marines ou hydrographiques, tant générales que particulières, mais elle ne peut aller jusqu'aux pôles.

Mercator conserva la projection conique de Ptolémée pour les cartes géographiques particulières, et il la construisit comme ce géographe, en inclinant ses méridiens en raison de leur distance prise sur deux parallèles, situés l'un au tiers et l'autre aux deux tiers de la hauteur de la carte qu'il voulait dresser, Par ce moyen it compensa la dilatation des parties extrêmes de sa carte, en resserrant celle qui était comprise entre ces deux parallèles, et son cône devint sécant. Plusieurs géographes ont imaginé depuis de faire ce cône tangent au parallèle du milieu de la carte qu'ils avaient à construire, apparemment parce qu'il est plus facile à calculer, et qu'on peut même le réduire en table: mais sous cette projection tout se trouve en dilatation, à l'exception de la partie qui est sous le parallèle touché ; c'estpourquoi les plus habiles géographes ont toujours préféré la méthode de Mercator et de Ptolémée.

Cependant la pratique de la trigonométrie et la perfection des instrumens ayant donné lieu à des levées sur le terrain beau

coup plus étendues que celles qui avaient été faites jusqu'alors, il fallut les assujétir à une projection, et aucune de celles qui existaient ne parut propre à cela. César-François Cassini, dans le milieu du siècle dernier, après avoir levé toute la France trigonométriquement, inventa une nouvelle projection pour réunir tous ses triangles, et c'est celle dont M. Dionis du Séjour a developpé la théorie par les calculs qu'il y a appliqués.

Il imagina d'étendre sur le papier le méridien du lieu qu'il choisissait pour le milieu de sa carte, et de dresser sur ce méridien des perpendiculaires qui sont autant de grands cercles de la sphère, et qui vont tous se couper à quatre-vingt-dix degrés de ce méridien. Il dressa ensuite des parallèles à la méridienne, qui sont également de grands cercles, et qui vont aussi se couper à quatre-vingt-dix degrés de la perpendiculaire du lieu pris pour point central. Par ces procédés ingénieux, il se procura au centre de sa projection une surface assez avantageuse pour son objet, et il se donna le moyen de déployer la plus belle carte que l'on ait faite en ce genre. Mais les grands cercles qu'il a imaginés sur le globe, renfermant entre eux des espèces de fuseaux, on sent qu'il n'aurait pu continuer de les tracer comme il l'a fait par des lignes droites, à une assez grande distance de son centre sans dilater singulièrement ces fuseaux : on doit donc être très-modéré dans l'emploi de cette projection, dont la dilatation est peu sensible d'abord, mais qui devient si considérable par la suite, qu'elle est déjà dans les feuilles extrêmes de la carte de France de Cassini, d'environ cent cinquante toises sur quarante mille, et sur un rayon de trois cent soixante mille toises. Néanmoins cette projection, établie d'après les formules de Dionis du Séjour, est une des plus simples et des plus convenables pour la réunion immédiate des levées géométriques.

BARBIE-DUBOCAGE.

§ II.

ANALYSE.

La difficulté d'exécuter des globes assez grands pour montrer les détails de la géographie et l'embarras qu'occasionnent ces instrumens, même sur des dimensions peu satisfaisantes par rapport aux résultats, ont fait sentir le besoin de représenter sur une surface plane la situation respective des divers lieux de la terre d'ailleurs les détails topographiques, qui sont les élémens des cartes générales, étant tracés sur un plan, doivent naturellement se réunir sur une surface semblable.

Les surfaces courbes comparées au plan, se partagent en deux classes: les unes, comme celles des cônes et des cylindres, peuvent s'étendre sur un plan sans déchirure ni duplicature, et se nomment par cette raison surfaces développables; les autres, comme celles de la sphère et des sphéroïdes, se refusent absolument à cette extension. Si la terre eût été comprise dans la première classe, un simple développement facile à exécuter, aurait donné des cartes dans lesquelles les distances des lieux et l'étendue respective' des régions se seraient conservées telles qu'elles sont en effet: mais malheureusement la terre est un sphéroïde; sa surface ne saurait coïncider rigoureusement avec un plan, et de là résulte l'impossibilité de conserver en même temps sur une carte les rapports d'étendue des diverses contrées, ceux des distances des lieux et la similitude des configurations. On est obligé d'avoir recours à des constructions diverses pour représenter au moins d'une manière approximative chacun de ces rapports en particulier.

Ces constructions ont reçu le nom de projections, qu'on applique, en général, aux dessins dont l'objet est de faire trouver sur un plan les dimensions de l'espace et des corps qu'il renferme. Il y en a de deux sortes : les unes sont des représentations perspectives du globe ou des parties de sa surface prises de divers points de vue, et sur divers plans considérés comme tableaux; les

autres ne sont que des espèces de développemens assujétis à des lois approximatives, et appropriés aux rapports qu'on veut conserver. C'est à cette dernière espèce que se rapportent la carte de France et les cartes marines dont on fait usage maintenant. Lambert, et après lui Euler et la Grange, ont ramené la théorie de ces deux espèces de projections au principe général de la transformation des coordonnées circulaires prises sur la sphère, savoir, des méridiens et des parallèles, en d'autres lignes, droites ou courbes, tracées sur un plan, d'après des conditions relatives aux propriétés que doit avoir la carte,

ART. Jer.

DES PROJECTIONS PERSPECTIVES.

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1. Le choix du point de vue et du plan du tableau étant fait, la projection peut se construire, pour chaque lieu particulier, suivant les règles de la perspective ordinaire, qui reviennent au fond, à déterminer sur le tableau le point par où passe la droite menée de l'œil à l'objet : mais le nombre d'opérations qu'il faudrait effectuer, si l'on considérait isolément chacun des poins du pays qu'on se propose de représenter, étant trop considérable, on se borne à construire les lignes qui sont les perspectives des méridiens et des parallèles, et qui, par leur rencontre, déterminent toutes les positions géographiques.

En faisant abstraction, pour le moment, de l'aplatissement de la terre, et la considérant comme sphérique, on voit que l'ensemble des rayons menés de l'œil à tous les points d'un cercle quelconque tracé sur le globe, formera un cône dont la section, par le plan du tableau, ne pourra être qu'une des courbes du second degré, et sera même une ligne droite dans certains cas. Il paraît qu'on s'est d'abord déterminé, dans le choix du point de vue et du tableau, par la considération des facilités qui pouvaient en résulter pour la construction de la carte; et

dès le temps de Ptolémée (1), on avait remarqué qu'en faisant passer le tableau par le centre de la sphère, et plaçant le point de vue à l'extrémité du rayon mené perpendiculairement à ce plan, tous les cercles du globe avaient pour perspectives d'autres cercles dont la construction était facile, et qui se coupaient dans la carte sous les mêmes angles que sur la sphère : en sorte que les quadrilatères sphériques rectangles, compris entre les méridiens et les parallèles, y étaient représentés par des quadrilatères curvilignes rectangles aussi.

On a prouvé depuis que les portions infiniment petites du globe prennent, dans cette projection, une figure semblable à celle qu'elles ont; mais il faut bien observer que cette similitude n'a lieu que par rapport aux espaces très-petits telles sont les conventions qui ont donné lieu à la projection stéréographique, et les principales propriétés dont elle jouit.

2. On l'emploie le plus souvent à représenter un hémisphère tout entier. L'ensemble des deux hémisphères se nomme MAPPEMONDE. Lorsqu'on choisit ceux qui sont circonscrits par le premier méridien, le tableau est, dans ce cas, le plan du méridien, et l'œil est placé au pôle de ce cercle.

Il suffit d'avoir jeté les yeux sur une carte de ce genre, pour reconnaître que les quadrilatères compris entre deux méridiens et deux parallèles consécutifs, augmentent d'étendue en allant du centre à la circonférence, et cela dans un rapport très-considérable. On sent d'ailleurs que cet agrandissement résulte de l'obliquité que prennent les rayons visuels, en s'écartant de celui qui est perpendiculaire, et qu'on peut nommer l'axe optique. Il suit de là que les régions placées vers les bords de l'hémisphère ont une étendue bien plus considérable que si elles se trouvaient au centre, et que l'on est induit en erreur lorsqu'on veut les comparer à celles qui occupent cette partie.

3. Les mappemondes ont encore l'inconvénient de séparer les parties adjacentes du globe, et de n'offrir, d'une manière complète, que la situation respective et la configuration des régions placées vers le milieu de la carte. On remédie à ce défaut

(1) Ptolemæi Planisphærium, etc. Aldus, Venetiis, 1558.

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