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CHAPITRE XLIX.

Des Attentats aux mœurs.

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Coup d'œil sur les dispositions de l'ancienne législation sur cette matière. -Caractères de la fornication, du stupre, du rapt de séduction, de l'inceste, de la sodomie, etc. Ces actes ont cessé d'être incriminés par Limites de l'action répressive et distinction posée en Quels faits sont punissables.

la loi pénale. cette matière.

SI. De l'outrage
Ce qu'il

public à la pudeur. Eléments constitutifs de ce délit.

faut entendre par un outrage à la pudeur.

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suffisent pas, il faut un acte matériel. Caractères de cet acte. est nécessaire qu'il ait été commis publiquement. Quel est le caractère de cette publicité. De ses différents modes. De la publicité résultant de la perpétration du délit dans un lieu public. - Quels lieux sont publics. Des lieux publics d'une manière absolue et d'une ma→ nière relative. De la publicité résultant de celle du fait, indépendamment du lieu. -Résumé de ces règles.- § II. De l'excitation à la debauche. Recherches historiques sur la répression de ce délit dans le droit romain et dans l'ancien droit. Caractères qui lui ont été assignés dans ces législations. La loi nouvelle les a maintenues. Examen de son texte. · Eléments du délit. Variations de la jurisprudence. Principes de la matière. Application à quelques es

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Motifs de

pèces. § III. De l'attentat à la pudeur sans violence. la disposition nouvelle de l'art. 331. — Caractères du crime.—§ IV. De l'attentat à la pudeur avec violence, et du viol. — Caracières communs et distincts de l'attentat et du viol. — Caractères particuliers de l'attentat. De la tentative de l'attental. De l'attentat commis entre personnes du même sexe, entre époux. - Caractères particuliers du viol. De la tentative du viol. -Signes caractéristiques de la violence. -Complicité de ces crimes. (Commentaire des art. 330, 331, 332, 333, 334 et 335 du Code pénal.)

-

Nos lois anciennes avaient déployé une extrême sévérité dans la répression des attentats aux moeurs.

La limite qui sépare, en cette matière, l'acte immoral et ce délit, n'avait pas été aperçue. Le législateur, dominé d'abord par la pensée de réformer les mœurs (1), entraîné ensuite avec plus de force dans la même voie par les idées religieuses, confondait dans ses incriminations, avec les faits de violence et de corruption, tous les actes de libertinage, toutes les immoralités, toutes les actions honteuses que la morale réprouve et qui avilissent et dégradent l'homme, mais que la société se voit forcée de ne pas punir tant qu'ils ne dégénèrent pas en scandale public. C'est ainsi que la loi avait prévu, en leur assignant des degrés divers de criminalité, la fornication, le stupre, le rapt de séduction, l'inceste, la Sodomie, la bestialité.

La simple fornication échappait seule à la loi pénale: fornicatio simplex de jure civili non est prohibita (2). Mais on ne comprenait sous ce mot qu'un commerce volontaire avec des filles ou veuves majeures qui consentaient à se prostituer, ou pour mieux dire, avec des filles publiques (3). L'empereur Constantin supprimait en ce cas toutes pour

(1) V. la loi Julia de adulteriis, au Digeste: Hæc lex lata est à divo Augusto (1. 1, hâc lege). Cette loi comprenait non-seulement le délit d'adultère, mais celui de stupre (stuprum et lenonicinii coercitionem).

(2) Julius Clarus, § fornicatio, no 1; Farinacius, de delictis carnis, quæst. 137, no 41; Jousse, tom. 8, pag. 707.-La loi canonique portait : Specialiter intelligitur fornicatio in usu viduarum, vel meretricum, vel concubinarum.

(3) Damhouderius, chap. 93, pag. 294, va même jusqu'à donner ce motif de la tolérance de la loi civile: eam majoris mali vitandi gratiâ, prudenter dissimulat et permittit justitia secularis. Muyart de Vouglans, Lois crim., p. 212; Damhouderius, cap. 94, num. 2.

suites, parce que ces femmes, par la bassesse de leur vie, échappaient à la sollicitude de la loi : Hæ autem immunes à judiciaria severitate præstentur quas vitæ vilitas dignas legum observatione non credidit (1). La fornication n'était également passible d'aucuns dommages et intérêts, suivant la maxime : Scienti et consentienti non fit injuria neque dolus.

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Il n'en était plus ainsi dès que la fornication était accompagnée de circonstances qui en aggravaient le caractère: elle prenait alors le nom de stupre ou rapt de séduction (2). « Il Il y a cette différence, dit Muyart de Vouglans, entre le stupre et la fornication, qu'au lieu que celle-ci se commet avec les filles de mauvaise vie qui se prostituent à prix d'argent, le stupre suppose que la fille ou la veuve a été jusqu'ici d'une conduite régulière, et qu'elle ne s'est laissé séduire que par l'espérance du mariage (3). » Ainsi le stupre supposait une séduction exercée soit par des promesses, soit par des présents, sur une femme d'une réputation jusque-là intacte: Stupri flagitium punitur cùm quis sine vi vel virginem vel viduam honestè viventem stupraverit (4). La peine de ce délit était, dans la loi romaine, la confiscation de la moitié des biens si le coupable était d'une condition honnête, et une peine afflictive avec la relé

(1) L. 29, C. ad leg. Jul. de adulteriis.

(2) Damhouderius, p. 291, s'exprimait ainsi : Quo, quæso, supplicio afficiendi sunt qui virginum florem et virginitatem thesaurum incomparabilem callide eripiunt... violentum stuprum dicitur propriè raptus.

(3) Lois crim., pag. 212.

(4) Inst., 1. 4, de publicis judiciis, $4.

gation s'il était d'une condition inférieure (1). Le droit canonique voulait qu'il fût condamné à épouser la fille séduite, ou, en cas de refus, à la doter. Cet usage, observé pendant longtemps, s'était maintenu dans quelques parties de la France, et notamment jusqu'en 1730; il fallut qu'une déclaration du 22 novembre 1730 vint l'abolir explicitement: cette déclaration était fondée sur ce que l'expérience avait démontré que les filles faisaient une spéculation de cette peine pour se procurer des partis avantageux (2).

L'art. 3 de cette déclaration portait : « Les personnes majeures ou mineures qui se trouveront seulement coupables d'un commerce illicite, seront condamnées à telles peines qu'il appartiendra, selon l'exigence des cas. » Muyart de Vouglans atteste que ces peines, d'après la jurisprudence, étaient de simples aumônes avec des dommages-intérêts, sauf le cas où la gravité des circonstances et la qualité des coupables pouvaient donner lieu à des peines corporelles (3).

Le rapt de séduction était un délit plus grave: il consistait, suivant les termes de l'art. 1er de la dé

(1) Inst. ibid.; 1. 37, § 1, Dig. ad leg. Jul. de adulteriis.

(2) « Sur la requête de cette fille qui demande à épouser celui qu'elle appelle son suborneur, et sur le consentement que la crainte de la mort arrache toujours au condamné, un commissaire de parlement le conduit à l'église, les fers aux pieds, pendant que la fille est en liberté; c'est là que, sans publication de bans et par la seule autorité du juge séculier, se consomme un engagement dont la débauche a été le principe, et dont les suites, presque toujours tristes, ont rendu celle jurisprudence odieuse à ceux mêmes qui la suivent, sur la foi de l'exemple de leurs pères. (Préambule de l'ord.)

(3) Lois crim., pag. 212.

claration du 22 novembre 1730, dans le fait « d'avoir séduit et suborné par artifices, intrigues ou mauvaises voies, des fils ou filles (même des veuves) mineurs de 25 ans, pour parvenir à un mariage à l'insu ou sans le consentement des pères, mères ou tuteurs. » Ainsi il n'était pas nécessaire qu'il y eût enlèvement de la personne séduite; il fallait seulement que cette personne fût mineure, et que la séduction se fût opérée à l'insu ou contre le gré des parents: de là la dénomination de raptus in tes donnée à ce délit (1).

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La peine était très-rigoureuse; l'art. 2 de la même déclaration, reproduisant l'art. 42 de l'ordonnance de Blois et la déclaration du 26 novembre 1639, portait : « Voulons que ceux ou celles qui seront convaincus dudit rapt de séduction soient condamnés à la peine de mort, sans qu'il puisse être ordonné qu'ils subiront cette peine s'ils n'aiment mieux épouser la personne ravie. » Toutefois les parlements. n'appliquaient cette peine que dans le cas où l'accusé avait employé des moyens odieux pour réussir, ou lorsqu'il était soit domestique de la personne séduite, soit son tuteur, son médecin, son seigneur ou son confesseur. On retrouve encore aujourd'hui ces dispositions, modifiées seulement en ce qui concerne les peines, dans les législations américaines (2).

(1) V. infrà notre chap. de l'enlèvement de mineurs.

(2) Voy. l'art. 224 du Code du Brésil, et l'art. 342 du projet de Code de la Louisiane; ce dernier article est ainsi conçu : « Whoever shall be guilty of seducing a woman of good reputation under a promise of marriage and shall violente his promise, shall be fined not less than one

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