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riage. L'action ne pourrait être exercée, lors même que, par suite des désordres antérieurs de la femme, les effets s'en manifesteraient pendant le mariage, par exemple, par des couches qui suivraient de près la célébration, parce que le commerce illicite ayant été commis dans un temps où la femme était libre, elle n'a pu se rendre coupable d'adultère. La même décision doit être étendue au cas où le mariage ne serait pas valable, par exemple s'il a été contracté par un homme déjà engagé dans les liens d'une première union; dans ce cas, la femme accusée d'adultère par son mari, serait fondée à lui opposer la nullité du mariage résultant de son état de bigamie, et il y aurait nécessairement lieu, avant de statuer sur la plainte en adultère, de prononcer sur la validité de l'exception, puisque le délit se trouverait subordonné à son existence.

Il en est encore ainsi dès que le mariage est légalement dissous. Ainsi la femme ne se rend plus coupable d'adultère après la condamnation de son mari à une peine entraînant la mort civile, et la grâce dont celui-ci serait l'objet ne lui donnerait pas le droit de porter plainte, parce que la grâce ne fait point cesser les incapacités encourues, et que le mariage s'est trouvé dissous au moment où la condamnation est devenue définitive.

Le troisième élément du délit est le dol, c'està-dire la volonté coupable: sine dolo adulterium non committitur (1). Ainsi la violence exercée sur la

(1) Farinacius, quæst. 141, num, 100.

A

femme, ou l'erreur de la femme, quand elles sont constatées, sont des faits justificatifs qui donnent lieu de repousser la plainte : nous examinerons plus loin ces excuses en énumérant les fins de non-recevoir qui peuvent être opposées à l'action; il suffit de poser ici, comme une règle de la matière, que pour l'existence du délit, il faut que la volonté de la femme ait été complice du fait de stupre; ce fait, du reste, fait présumer la volonté, et la méprise ou la force n'est qu'une exception qu'elle doit prouver.

Telles sont donc les trois circonstances constitutives de l'adultère : le fait de la conjonction charnelle, le mariage des agents ou de l'un d'eux, la volonté coupable. Chacun de ces éléments est également essentiel à l'existence du délit. L'absence d'un seul ne laisserait plus subsister qu'une tentative du délit que la loi n'a pas punie, ou qu'un fait immoral qui ne rentrerait dans ses termes que pour constituer un délit différent. Après avoir ainsi caractérisé le délit d'adultère, nous allons examiner les règles qui dominent sa poursuite.

soit

S II.

De l'exercice de l'action.

L'adultère peut être commis soit par la femme, par le mari. La loi a tracé pour l'un et l'autre cas des règles différentes de poursuite.

Sous l'ancien droit romain, la plainte en adultère

contre la femme n'appartenait qu'au mari. La loi Julia de adulteriis déclara l'adultère crime public; on distingua dès lors trois sortes d'accusations, suivant qu'elles étaient portées par le mari, par la famille, par les étrangers, jure mariti, parentum et extraneorum (1). Le droit des étrangers fut plus tard aboli par Constantin, extraneos autem procul arceri ab accusatione censemus (2); les parents et le mari demeu→ rèrent seuls recevables à intenter l'accusation. Notre ancien droit, plus rigoureux encore, resserra ce pouvoir dans les seules mains du mari : l'adultère fut considéré comme un délit privé dont la vengeance lui était exclusivement réservée, et l'on établit la maxime, Maritus genitalis thori solus vindex.

Le Code pénal, sans adopter toutes les conséquences de cette règle, porte également dans son article 336 « L'adultère de la femme ne pourra être dénoncé que par le mari. » La raison de cette exception au droit commun est qu'une poursuite d'office aurait pour effet, en livrant à la publicité le fait de l'adultère, d'ébranler et de dissoudre des liens que le voeu de la loi est de maintenir indissolubles. L'intérêt de la famille arrête l'action publique. Si le délit n'est pas prouvé pour le mari, il ne l'est pour personne; s'il consent à pardonner à sa femme, la société n'a plus d'intérêt à la déclarer coupable. Le

(1) L. 2, § 8 el 9, Dig. ad leg. Jul. de adulteriis; 1. 30, C. ad leg. Jul. de adulter.

(2) Probalam enim à marito uxorem et acquiescens matrimonium non debet quis turbare atque inquietare. L. 26, Dig. ad legem Juliam de adulteriis.

silence du mari équivaut à la preuve légale que le délit n'a point été commis (1).

Mais faut-il induire de cette règle exceptionnelle

que

le délit d'adultère doit être considéré comme une sorte de délit privé contre le mari, et que les principes du droit commun soient en tous points inapplicables à l'action de celui-ci ? Les rédacteurs du Code pénal ont paru admettre cette conséquence, lorsqu'ils ont dit dans l'exposé des motifs : « Sans doute, ce délit porte atteinte à la sainteté du mariage que la loi doit protéger et garantir; mais, sous tout autre rapport, l'adultère est moins un délit contre la société que contre l'époux qu'il blesse dans son amour-propre, sa propriété, son amour. » Cette assertion trop absolue pourrait induire en erreur.

Le mari, sans doute, est blessé plus que personne par le fait de l'adultère, mais il en est de même de tous les délits qui, tout en causant par leur perpétration une lésion plus ou moins profonde aux intérêts généraux de la société, lèsent plus spécialement les intérêts privés. La loi n'établit point de peines en faveur du mari, mais en faveur de la société. Ce n'est pas parce que l'adultère outrage l'époux dans ses affections et son honneur qu'elle l'érige en délit, c'est parce que l'adultère est un mal moral, la violation d'un devoir; c'est parce qu'il brise des droits qu'elle a consacrés, qui sont l'une des bases de l'ordre social, et qu'elle doit protéger; c'est surtout parce que l'immoralité et le désordre qu'il jette au sein de.

(1) Voy. sur cette règle le plaidoyer de l'avocat Gilbert, 23 janv. 1734; Nouv. Denisart, t. 1, p. 268.

la société, quand il devient public, appellent une répression qui n'est alors que la juste sanction de la morale publique.

Cependant les intérêts de la famille, la crainte de porter le trouble dans le foyer domestique, la difficulté des preuves, ont conduit le législateur à mettre quelques restrictions à la poursuite de ce délit : l'action publique ne peut s'exercer sans la dénonciation du mari, et, par suite, le désistement de celui-ci suspend le cours de cette action; enfin, en reprenant sa femme il arrête les effets de la condamnation. Mais ces dispositions spéciales ne touchent que le mode de la poursuite et de l'exécution de la peine; elles n'altèrent en aucune manière la nature du délit, dont la répression est poursuivie au nom de la société et dans son seul intérêt. Dans l'ancien droit il n'en était point ainsi : le mari ne se bornait pas à dénoncer le délit, il était accusateur, il était seul investi de l'action publique dans la poursuite de l'adultère, il concluait contre sa femme aux peines prononcées par la loi. Les jurisconsultes étaient donc fondés à ranger ce délit dans la classe des délits privés. Aujourd'hui le mari n'a d'autre pouvoir que de mettre en mouvement ou d'arrêter l'action publique, mais il n'exerce pas cette action; ses prérogatives sont plus étendues que celles d'une partie civile ordinaire, mais il ne peut avoir d'autres caractères que celui d'une partie civile; il peut conclure à la séparation de corps ou à des dommagesintérêts contre le complice, mais les peines ne sont appliquées que sur les réquisitions du ministère pu

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