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ble (1). »Endroit romain même, la maxime Decrimine adulterii pacisci non licet (2), ne s'appliquait qu'aux pactes à prix d'argent; la loi ne s'opposait point à ce que le mari, usant d'indulgence envers les coupables, remît l'accusation : Quod si patiatur uxorem delinquere, non ob quæstum sed negligentiam, vel culpam, vel quamdam patientiam, vel nimiam credulitatem, extra legem positus esse videtur (3).

Le désistement ne résulte pas seulement d'un acte formel, on peut le trouver aussi dans les faits de réconciliation postérieurs à la plainte. Nous nous occuperons de cette fin de non-recevoir dans le paragraphe suivant.

Le désistement du mari pendant l'instance profite ou ne profite pas au complice, suivant qu'il y a ou non chose jugée à l'égard de la femme. Ainsi, dans le cours de la poursuite, et tant qu'un jugement définitif n'est pas intervenu, le désistement profite au complice, parce que ce désistement doit alors être recueilli comme une preuve légale de l'innocence de la femme. Telle est aussi la décision d'un arrêt de la Cour de cassation, portant : « que l'adultère est un délit dont les coaccusés sont réciproquement complices l'un de l'autre; que la réconciliation du mari avec la femme, en abolissant les poursuites, équivaut à la preuve légale que l'adultère n'a point été commis, et,

(1) Traité de l'adul.,

P. 74.

(2) L. 18, C. de transact. ; 1. de crimine, C. ad legem Juliam, de adulteriis.

(3) L. 29, Dig. ad leg. Jul., de adulter.

par une conséquence nécessaire, qu'il n'existe point de coupable de ce délit (1). »

Mais si le désistement n'intervient qu'après qu'un jugement devenu définitif a condamné la femme, le droit de grâce, dont le mari est investi à l'égard de celle-ci, ne lui appartient plus vis-à-vis de son complice. L'intérêt de la famille a fait admettre ce droit du mari de pardonner à sa femme; mais cet intérêt n'exigeait pas qu'il fût étendu au complice. Le droit commun conserve donc son empire à l'égard de

celui-ci.

Lorsque la femme a acquiescé au jugement qui l'a condamnée en première instance, et que le complice a seul formé appel, le pardon que le mari accorde à la femme pendant l'instance de l'appel, éteint-il la poursuite? La Cour de cassation a résolu négativement cette question : « Attendu que de la combinaison des articles 336, 337 et 338 du Code pénal, il résulte que l'adultère de la femme ne peut être poursuivi que sur la dénonciation du mari; qu'il peut faire cesser la poursuite en se réconciliant avec sa femme; qu'il peut même, en consentant à la reprendre, arrêter l'effet des condamnations qui seraient intervenues; que ce sont là des exceptions aux règles qui assurent le libre exercice de l'action publique, et la stricte exécution des jugements; que, comme toutes les exceptions, celles-ci doivent être renfermées dans les limites que la loi leur a fixées; qu'il suffit que le mari ait dénoncé l'adultère de sa

(1) Arr. cass. 17 août 1827 (Bull., p. 724).

femme, pour que le ministère public ait le droit de rechercher et de poursuivre son complice, quand même il ne lui aurait pas été désigné par la plainte ; que si, par la puissance domestique dont est investi le mari, il est le maître d'arrêter les effets de la condamnation prononcée contre son épouse, cette faculté ne lui appartient point à l'égard du complice; que s'il importe à l'intérêt des bonnes mœurs le fait de l'adultère n'acquière pas, par un jugeque ment, une certitude judiciaire, que si le désistement du mari, pendant le cours des poursuites, doit être accueilli comme une preuve légale de l'innocence de son épouse, que si, conséquemment, ce désistement doit profiter au complice, ces considérations sont sans force et sans autorité, lorsque le désistement n'intervient qu'après un jugement définitif qui a condamné la femme, et après qu'il a été jugé souverainement qu'elle s'est rendue coupable d'adultère; que dans ce cas le mari ne peut pas plus, en pardonnant à la femme, arrêter les poursuites à l'égard du complice, qu'il ne pourrait arrêter les effets de la condamnation qui serait intervenue contre lui (1). »

Il nous semble que cette décision se concilie difficilement avec les principes qui forment la théorie de cette matière. Sans doute le mari est moins intéressé à arrêter la poursuite contre le complice, lorsqu'il y a chose jugée sur le fait de l'adultère à l'égard de la femme; mais si la vérité de la chose

(1) Arr. cass. 17 juin 1829 (Bull., p. 29).

jugée est une fiction de la loi, c'est surtout lorsque le jugement n'intervient que par défaut ou reste susceptible d'appel, et que l'acquiescement de la partie condamnée lui donne seul un caractère définitif. Cet acquiescement est-il donc nécessairement un aveu? n'a-t-il pu se fonder sur l'espoir d'une réconciliation? Ce premier jugement qu'un tribunal pas supérieur pourrait anéantir, ne doit-il être considéré comme ne contenant qu'une expression incertaine de la vérité? Comment donc admettre, lorsque les époux réconciliés sont réunis, lorsque le fait de l'adultère n'est point scellé par une certitude judiciaire complète, qu'une seconde instance pourra s'ouvrir pour constater ce fait, et et que les débats publics retentiront de ses preuves? L'épouse pardonnée viendra-t-elle comme témoin déposer en faveur du complice? Telle n'a pu être l'intention du législateur. Tant que les peines ne sont pas définitivement encourues par le complice, le désistement ou le pardon du mari doit mettre un terme à la poursuite, parce que l'intérêt social qui demande cette poursuite est subordonné à l'intérêt du mariage qui exige son extinction, parce que la position du mari est en définitive la même, lorsque le désistement intervient après l'appel de la femme seulement, ou lorsque celle-ci, en vue de ce désistement, a renoncé à former cet appel (1).

(1) En rapportant un arrêt du 9 février 1839, dont nous parlerons au SS, M. Morin (Journ. du dr, crim. 1839, p. 4, note 1) trouve une contradiction entre la jurisprudence de 1829 et celle de 1839; nous ne partageons pas son opinion. Dans son dernier arrêt, la Cour de cassation a

Il est évident, au reste, que toute difficulté cesserait si le désistement était intervenu pendant les délais de l'appel et avant que le jugement eût acquis le caractère de chose jugée vis-à-vis de l'un ou de l'autre des prévenus; ce désistement profiterait nécessairement à l'un et à l'autre (1).

La poursuite est-elle éteinte par le décès du mari? M. Carnot répond en ces termes : « S'il est vrai que l'adultère soit moins un délit contre la société que contre le mari, il en résulte que les poursuites commencées doivent cesser à la mort du mari. On doit supposer, dans l'intérêt des moeurs, que si le mari avait vécu, il se serait départi d'une plainte qu'il aurait inconsidérément portée. Les héritiers du mari pourraient avoir intérêt sans doute à faire condamner la femme comme adultère, en ce qu'elle se trouverait privée, par l'effet de la condamnation, de ses avantages matrimoniaux; mais cet intérêt ne peut être mis en balance avec le déshonneur qu'elle ferait rejaillir sur la mémoire du mari, et d'ailleurs la femme se trouve privée, par le fait même de la mort de son mari, du bénéfice éventuel de l'article 337 (2). » Nous n'examinerons point si l'adultère de la femme suffit pour la priver de ses avantages matrimoniaux, et si les héritiers seraient fondés, en cas d'affirmative, à reprendre l'instance commencée

jugé une espèce entièrement distincte de celle qui lui avait été soumise en 1829.

(1) Voyez dans ce sens arr. Paris 12 juin 1830 (Journ. du dr. crim. 1830, p. 347).

(2) Com. du Cod. pén., t. 2, p. 106.

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