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præscriptiones legibus reo datas auferri oportet (1). Cette prescription était également suivie dans l'ancien droit (2), sauf quelques cas où les délais se prolongeaient jusqu'à 20 ans. Tels étaient les cas d'inceste ou d'absence du mari. Aujourd'hui la prescription est acquise dans tous les cas après trois ans depuis l'acte de l'adultère; car les dispositions des articles 637 et 638 du Code d'instruction criminelle sont générales et s'appliquent à tous les délits correctionnels.

La nullité du mariage peut être opposée par l'époux poursuivi, car le mariage est, ainsi que nous l'avons vu plus haut, un élément essentiel du délit d'adultère. Le commerce illicite cesse d'être punissable dès qu'il n'est plus une violation de la foi conjugale. Si la femme accusée oppose l'invalidité du mariage, le mari doit donc, avant toute poursuite ultérieure, prouver sa validité: Tunc maritum oportet probare ut ei sit uxor (3). Le jugement de la plainte est subordonné à cette question préjudicielle; il faut nécessairement qu'il y soit statué.

Les faits personnels au mari qui peuvent suspendre son droit d'accusation, sont son propre adultère dans les cas prévus par la loi, sa réconciliation avec sa femme, enfin sa connivence au délit de celle-ci.

L'adultère du mari, lorsqu'il a entretenu unë concubine dans la maison conjugale, le rend non re

(1) L. 5, C. ad leg. Jul., de adulter.

(2) Jousse, t. 3. p. 244.

(3) Julius Clarus, loc. cit.

cevable à poursuivre le délit de la femme. (Art. 336 et 339 du C. P.)

Le principe de cette disposition se trouvait dans l'ancien droit. La loi romaine voulait que la plainte du mari fût rejetée, s'il s'était rendu coupable luimême d'inconduite et de déréglement : Judex adulterii ante oculos habere debet, et inquirere an maritus pudicè viveret, mulieri quoque bonos mores colendi auctor fuerit; periniquum enim videtur esse ut pudicitiam vir ab uxore exigat quam ipse non exhibeat(1). La loi 39, au Code de soluto matrimonio, consacre la même exception en termes plus énergiques encore: Id ita accipi debet ut eâ lege quam ambo contempserunt neuter vindicetur, paria enim delicta mutuâ compensatione solvuntur. L'ancienne jurisprudence appliquait constamment cette règle : « Quand le mari qui veut accuser sa femme d'adultère, dit Jousse, est lui-même coupable de ce crime, elle peut faire cesser son action en usant de récrimination à son égard, et en opposant à son mari le même crime dont il l'accuse, car cette récrimination est de droit (2).»

Ce n'est pas, comme le disait la loi romaine, que les deux délits se compensent mutuellement; un dé lit ne peut en effacer un autre ; mais l'adultère du mari le frappe d'indignité. Comment serait-il ad

(1) L. 13, C. de adult.; 1. 2 et 13,§ 15, Dig. ad legem Juliam, de adul

teriis

(2) T. 3, p. 226; Coquille, Inst. du dr. franç., tit. du douaire, quæst. 147; Farinacius, quæst. 142, num. 39 et 43; Damhouderius, p. 270, num. 40.

mis à se plaindre d'un délit dont il s'est lui-même souillé ? Comment invoquerait-il la sainteté du mariage qu'il a violée, la foi conjugale qu'il a parjurée? La loi le déclare déchu de son action: l'adultère de la femme n'est point excusé, mais il s'est rendu indigne d'en poursuivre le châtiment.

Toutefois le Code pénal a restreint cette exception dans d'étroites limites. L'adultère du mari n'est en effet puni, et par conséquent ne peut être opposé comme une exception par la femme, que lorsqu'il a entretenu une concubine dans la maison conjugale. Ces termes de l'article 339 exigent quelques expli

cations.

Nous avons précédemment défini ce qu'il faut entendre par la maison conjugale (1); c'est le domicile du mari (2). La plainte de la femme serait donc admissible lors même qu'elle n'habiterait pas actuellement cette maison. C'est l'honneur du lit nuptial que la loi a voulu protéger, et cet honneur est blessé, le scandale existe, quoique la femme ne se trouve pas actuellement dans la maison où la concubine est admise (3). Cette décision ne serait plus la même après la séparation de corps; il n'y a plus de domicile conjugal, dans le sens de l'art. 339, dès que, par suite du jugement de séparation de

a plus d'habitation commune (4).

(1) Voy. sup., p. 58.

corps, il n'y

(2) Cass. civ. 6 mai 1821 (Dal. Col. alph. t. 11, p. 893); 14 oct. 1830 (Dall. 33, 2, 216).

(3) 27 janv. 1819, cass. civ. ( Dall. Coll. alph., t. 11, p. 900).

(4) Voy. suprà, p. 53, el arr. cass. 27 avril 1838 (Journ. du dr. crim. 1838, p. 128); contrà Lyon, 15 juin 1837 (ibid. 1838, p. 33).

Mais que faut-il entendre par entretenir une concubine dans la maison conjugale? Y aurait-il adultère de la part du mari qui, dans cette maison, se livrerait à un commerce illicite, non pas avec une étrangère, mais avec une personne de la famille, comme sa bru, sa belle-soeur, sa sœur?

Il est évident, d'abord, qu'il y aurait adultère, car l'adultère est la violation de la foi conjugale, et la foi conjugale n'est pas moins violée par le commerce d'un mari avec sa soeur, avec sa belle-sœur, avec sa fille, qu'elle ne le serait par son commerce avec une étrangère. Non-seulement le délit existe, mais il revêt même une gravité morale plus intense. Si quis alii nuptam cognatam cum quâ nuptias contrahere non potest corruperit... duplex crimen est, incestum... et adulterium (1).

Mais les termes de l'art. 339 supposent - ils nécessairement l'introduction d'une femme étrangère dans la maison? Est-ce entretenir une concubine, que d'avoir un commerce illicite avec une personne de cette maison? « Si l'on veut, dit M. Merlin, connaître au juste et le sens des expressions de l'article 339 du Code pénal, et le sens de celles qu'emploie l'art. 230 du Code civil, il faut remonter à leur source commune; il faut recourir au chapitre 9 de la novelle 117, et l'on y verra le législateur s'exprimer en termes qui conviennent à toute femme vivant en concubinage avec le mari dans la maison conjugale, à quelque titre qu'elle y ait été

(1) L. 5, Dig. de quæstionibus; 1. 38, § 2, et 39, § 5, Dig. ad leg. Jul., de adulteriis.

TOME VI.

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introduite, et sur quelque pied qu'elle y réside : Si quis in ea domo in qua cum sua conjuge commanet contemnens eam, cum alia invenietur in ea domo manens. Voilà le type de notre législation nouvelle, et il n'y a là ni distinction, ni exception, ni équivoque (1). » Le même auteur fait remarquer que le motif de l'art. 339 n'est pas de punir le mari du tort qu'il a fait à son épouse en prodiguant ses largesses à la complice de ses désordres, mais de le punir du mépris qu'il a fait de cette épouse, en prenant pour siége de son désordre la maison conjugale; c'est de venger l'outrage qu'elle a souffert par la présence de la femme coupable, aut ita luxuriose viventem ut inspiciente uxore cum aliis corrumpatur, quod maxime mulieres nuptas ut potè circà cubile stimulatas exasperet et præcipuè castas (2). Or, ce motif a-t-il moins de force pour l'épouse dont le mari entretient gratuitement une concubine, que pour celle dont le mari paye à beaux deniers un commerce criminel dans la maison conjugale? II ne faut donc pas attacher aux expressions de l'article 339 une importance qu'elles n'ont pas; la loi a spécialisé l'espèce la plus ordinaire, l'introduction d'une concubine étrangère dans la maison commune: mais le fait qu'il a voulu atteindre, c'est le commerce du mari dans cette maison avec une autre que sa femme, quelle que fût la position de sa complice.

Il ne suffit pas ensuite que la femme accusée im

(1) Rép. add. v° aduller., § 8 bis.

(2) Nov. 22, cap. 15, § 1.

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