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qui libidinis causa rapiunt (1); et Farinacius ajoute que le crime change de natr re si le rapt a un autre but in rapiente mulierem non causâ libidinis, sed et aliá causa, non intrat poena raptûs (2). Le rapt de violence n'était donc qu'un moyen de perpétration du viol: « Les lois, dit Jousse, ont regardé ces deux espèces de crimes comme semblables; et même on a appliqué à tous les deux les dispositions des ordonnances qui n'étaient rendues que pour l'un ou l'autre de ces crimes (3). »

Le rapt de séduction était l'enlèvement commis .sans violence, mais contre le gré et à l'insu des parents d'une fille ou d'un fils mineurs, soit pour l'entraîner dans la débauche, soit pour consommer un mariage clandestin. Ce crime était plus particulièrement appelé raptus in parentes, parce que la personne ravie était sous la puissance de ses père et mère, tuteur ou curateur; c'est contre eux que le rapt était commis; et le consentement de cette personne n'effaçait nullement le délit, parce que la séduction paraissait plus odieuse encore que la contrainte : Persuadere plus est quàm compelli atque cogi sibi parere (4); et suivant la maxime posée par Baldus : Voluntas vitiata per dolum, vel machinationem, non excludit delictum (5). L'art. 42 de l'ordonnance de Blois portait : «< Tous ceux qui se trouveront avoir

(1) Ad Julium Clarum, de raptu, num. 1.

(2) Quæst. 145, num. 45.

(3) T. 3, p. 743.

(4) L. 1, § 3, Dig. de servo corrupto.

(5) In lege 1, au Cod. de raptu virginum.

suborné fils ou filles mineurs de 25 ans, sous prétexte de mariage ou autre couleur, sans le gré, su, vouloir et consentement exprès des pères et mères et des tuteurs, seront punis de mort, sans espérance de grâce et pardon, nonobstant tout consentement que les mineurs pourraient alléguer avoir donné audit rapt d'icelui ou auparavant. Et pareillement seront punis extraordinairement tous ceux qui auront participé audit rapt, et qui auront prêté conseil, confort et aide, en aucune manière que ce soit. >> Cette ordonnance a été renouvelée et confirmée pår celle du mois de janvier 1629, et par la déclaration du 26 novembre 1639. Cette déclaration porte : << que cette peine de mort aura lieu quand même les pères et mères, tuteurs ou curateurs consentiraient dans la suite au mariage, ou même qu'ils le requerraient. » Une autre déclaration du 22 novembre 1730 proscrit l'usage des cours d'ajouter à la condamnation des ravisseurs cette clause: Si mieux ils n'aiment épouser la personne ravie, et leur enjoint de juger suivant la rigueur des ordonnances.

Le Code de 1791 n'avait, de ces deux espèces de rapt, maintenu que la première; l'art. 32 de la section 1e du titre 2 portait : « Quiconque aura été convaincu d'avoir, par violence et à l'effet d'en abuser ou de la prostituer, enlevé une fille au dessous de quatorze ans accomplis, hors de la maison des personnes sous la puissance desquelles est ladite fille, ou de la maison dans laquelle lesdites personnes la font élever ou l'ont placée, sera puni de la peine de douze années de fers. » Ainsi ce Code ne punissait

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que l'enlèvement d'une fille âgée de moins de quatorze ans ; encore fallait-il qu'il fût commis avec violence et pour abuser de la personne enlevée ou la prostituer.

Notre Code a repris, mais en les modifiant, les dispositions de notre ancienne législation.

Il distingue deux sortes d'enlèvement : l'un qui s'opère par fraude ou violence, l'autre à l'aide de la séduction.

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Le premier est prévu par l'art. 354, ainsi conçu : Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner et déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine de la reclusion. >>

Les termes de cet article laissent subsister quelque obscurité dans les conditions de l'incrimination, et nécessitent quelques explications.

la

La première condition du crime est le fait matériel de l'enlèvement : cet enlèvement s'opère par translation du mineur de l'asile où il est placé dans un autre lieu, à l'effet de le détourner de sa position: Et hæc conductio de loco in locum debet esse ad effectum abducendi (1). L'enlèvement se compose donc de deux circonstances distinctes, le déplacement du mineur du lieu où il avait été mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels il était soumis ou confié,

(1) Julius Clarus, § de raplu.

et sa translation dans un autre lieu. Toutefois, il ne faut pas admettre, d'après les termes un peu trop restrictifs de l'article, que l'enlèvement n'aurait plus de caractère criminel, s'il ne détournait pas le mineur des lieux où il aurait été spécialement confié; il est évident que l'enlèvement, soit de la maison paternelle elle-même, soit des lieux où le mineur se trouve accidentellement sous la surveillance de ses parents ou des personnes auxquelles ils l'ont confié, devient également un élément du crime. Cette interprétation, qui se fonde sur la raison même de l'incrimination, peut s'appuyer, d'ailleurs, sur le› texte de l'article 31 du Code de 1794, source de l'article 356, et qui prévoyait l'enlèvement hors de a maison des personnes sous la puissance desquelles était la mineure, ou de la maison dans laquelle lesdites personnes l'avaient placée. L'article 356 n'a fait que réunir ces deux dispositions en une seule, en prévoyant le déplacement des lieux où les mineurs étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés. A la vérité, ces termes, un peu embarrassés, ont porté un auteur à discerner deux paragraphes dans l'article: l'un qui incrimine l'enlèvement, abstraction faite des lieux où se trouve le mineur; l'autre qui incrimine les autres modes de détournement, mais en y attachant la condition des lieux où le mineur était déposé ou confié (1). Cette distinction est évidemment inexacte; il suffit, d'abord, de lire attentivement l'article pour

(1) M. Rauter, t. 2, p. 82.

se convaincre que sa dernière disposition se lie à tous les membres de la phrase; et telle est aussi l'interprétation que lui donnait l'orateur du Corps législatif : « Après avoir entouré l'enfant de mesures tutélaires et conservatrices, le projet de loi accorde aux mineurs une protection spéciale; il prévoit leur enlèvement du lieu où ils auraient été placés par les personnes à l'autorité ou la direction desquelles ils étaient soumis ou confiés. » Ensuite, s'il faut voir dans cette circonstance des lieux une certaine condition restrictive, si l'on peut y retrouver la trace de ce raptus in parentes, qui était un outrage contre les parents autant que contre le mineur lui-même, et qui dès lors ne pouvait exister qu'à l'égard des enfants de famille, soumis à une surveillance, à une autorité quelconque, il est évident que ce motif s'appliquerait à l'enlèvement aussi bien qu'aux autres modes de déplacement, et que dès lors la distinction proposée ne repose sur aucun fondement.

L'article 356 assimile à l'enlèvement l'entraînement, le détournement et le déplacement des mineurs ; il comprend également dans ses termes celui qui les aura fait entraîner, détourner ou déplacer. Le légis– lateur a voulu prévoir tous les modes d'enlèvement; il a craint que cette expression ne parût à certains égards restrictive, il l'a en quelque sorte définie en énumérant les divers moyens par lesquels l'enlèvemenp ǝtut avoir lieu.

Le fait matériel effectué, plusieurs conditions sont exigées pour qu'il soit punissable. Il faut qu'il ait été consommé, 1° avec fraude ou violence; 2° sur la

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