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règlements pour diriger la conduite des armateurs munis de commission pour faire la course, et des tribunaux maritimes auxquels appartenait le jugement des prises. Ces règlements étaient compilés des anciennes ordonnances françaises, depuis Charles VI, en 4400, jusqu'aux édits les plus récents des rois de France sur le même sujet, avec les anciennes lois et coutumes maritimes recueillies dans le quatorzième siècle, par les auteurs du Consulat de la mer. Il a été démontré par M. Pardessus que la collection encore plus ancienne qui a reçu le titre de Rôles d'Oléron ou Jugements d'Oléron, né doit pas être attribuée à une origine exclusivement anglaise, comme Selden et autres écrivains l'ont supposé, mais qu'elle a été rassemblée à diverses époques pendant que les provinces maritimes de la France avoisinantes sur la Manche et la baie de Biscaye, étaient encore sous la domination des rois d'Angleterre de la race normande. Cette collection traite aussi des captures maritimes, comme ayant toujours été depuis un temps immémorial sous la juridiction de l'amiral, et cette juridiction paraît avoir été réglée de la même manière dans les deux pays 1. L'ordonnance de la marine de 1681 a réuni dans Ordonnance un seul et même code, et en même temps sanctionné d'une manière plus complète, les principes et règles du droit concernant les prises, qui avaient été graduellement formés par les anciens usages et des arrêts judiciaires. Quand Louis XIV promulgua ce beau modèle de législation, son intention n'était pas d'imposer des lois aux autres nations qui étaient indépendantes de son autorité, mais seulement à ses propres sujets, à ses juges d'amirauté, et aux armateurs munis de ses commissions pour faire la course, et qui étaient responsables envers lui de ce qu'ils faisaient en guerre sous son autorité, comme il l'était lui-même envers les états étrangers dont les

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PARDESSUS, Lois maritimes antérieures au 18e siècle, tome I, chap. VIII.

de la marine de 1681.

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sujets pourraient avoir été lésés par leur faute. L'usage des nations, qui forme la loi des nations, n'avait pas alors, et n'a pas encore établi un tribunal impartial pour décider sur la validité des captures maritimes. Chaque état défère la juri diction de ces litiges aux tribunaux maritimes établis sous son autorité dans son territoire, avec un ressort définitif à un tribunal d'appel sous le contrôle direct du gouvernement. La règle d'après laquelle les tribunaux constitués de cette manière sont tenus de procéder pour la décision de ces cas, n'est pas la loi civile de leur propre pays, mais la loi générale des nations, et les traités particuliers par lesquels ce pays est lié aux autres. Ils peuvent, pour rechercher la loi générale des nations, recourir à ses sources ordinaires dans les publicistes, ou bien dans les ordonnances promulguées par leur souverain, d'après les principes reconnus par les légistes du pays, comme conformes au droit public. Mais, dans l'un ou l'autre cas; c'est toujours le droit commun des gens qu'on suit, comme la seule règle dont on reconnaît l'autorité.

La théorie de ces ordonnances est bien expliquée par un savant magistrat anglais de notre époque. « Quand Louis XIV. dit-il, publia sa fameuse ordonnance de la marine, personne n'a supposé qu'il avait la prétention de donner des lois à l'Europe, parce qu'il a rassemblé et mis en ordre dans la forme d'un code, les principes du droit maritime comme ils furent entendus et reçus en France. Je dis, comme ils furent entendus en France, parce que, malgré que la loi des nations doive être la même dans tous les pays, comme les tribunaux qui font l'application de cette loi sont indépendants les uns des autres, il n'est pas possible qu'ils ne soient pas en désaccord sur son interprétation, dans les différents pays qui reconnaissent son autorité. A cette époque au moins, il n'était pas prétendu qu'un seul état pouvait établir ou changer la loi des nations, mais il a été trouvé convenable d'établir de certains principes de décision, afin de donner une règle uniforme

à leurs propres tribunaux, et en même temps de faire connaître cette règle aux neutres. Aussi les tribunaux français ont bien compris l'esprit et le but des ordonnances publiées par leur gouvernement. Ils n'ont pas considéré ces ordonnances comme des lois positives liant les tribunaux d'une manière absolue, mais seulement comme établissant des présomptions légales, desquelles ils tirent les conclusions sur lesquelles sont basés leurs jugements en matière de prises 1. »

Cette question des principes sur lesquels sont fondées les ordonnances en matière de prises, est envisagée de la même manière par M. Portalis, dans ses conclusions au conseil des prises dans l'affaire du vaisseau américain le Pigou, qui avait été condamné par le tribunal inférieur, faute de rôle d'équipage exigé par plusieurs ordonnances françaises anciennes et modernes. Après avoir posé le principe que toutes les questions de neutralité sont, ce qu'on appelle des questions de bona fides, il a énoncé que la qualité de neutre doit être constatée pas des preuves; et de là les règlements contenus dans les ordonnances, exigeant que la neutralité des vaisseanx et de leurs cargaisons doit être prouvée par de certains documents spécifiés, et entre autres par un rôle d'équipage dans une forme prescrite. «Mais ce serait une erreur de croire que le défaut d'une seule de ces pièces, ou la moindre irrégularité dans l'une d'elles, pût faire prononcer la validité d'une prise. Quelquefois des pièces en forme cachent un ennemi que d'autres circonstances démasquent. Dans d'autres occasions le caractère de neutralité perce à travers des omissions ou des irrégularités de forme, qui proviennent d'une simple négligence, ou qui sont fondées sur des motifs étrangers à toute fraude. Il faut aller au vrai, et dans ces matières, comme dans

1 Conclusions du chevalier W. Grant, au tribunal d'appel pour les colonies et en matières de prises à Londres. (MARSHALL, On Insurance, Vol. I, p. 425.)

toutes celles qui sont régies, non par des formules sacramentelles ou de rigueur, mais par des principes de bonne foi, il faut dire, avec la loi, que de simples omissions ou de simples irrégularités de formes ne sauraiant nuire à la vérité, si d'ailleurs elle est constatée, et si aliquid ex solemnibus deficiat, cum æquitas poscit, subveniendum est. »

Dans l'affaire du navire américain le Statira, il a été observé par le même légiste distingué « qu'en général}les règlements de la course, qui ne portent qu'improprement le nom de lois, et qui par eux-mêmes sont essentiellement variables pro temporibus et causis, sont toujours susceptibles dans leur application d'être tempérés par des vues de sagesse et d'équité. J'ajouterai qu'en exécutant des règlements d'une extrême rigueur, il faut plutôt les restreindre que les étendre, et que dans le choix de divers sens dont ils peuvent être susceptibles on doit préférer celui qui est le plus favorable à la liberté du commerce. Le droit ne naît pas des règlements, mais les règlements doivent naître du droit. Conséquemment, les lois et les règles particulières doivent toujours être exécutées de la manière la plus conforme aux principes de la raison universelle, surtout dans les matières appartenant au droit des gens, dans lesquelles les législateurs se sont glorifiés de n'être que les respectueux interprètes de la loi universelle '. >>

Les ordonnances de la marine d'une nation quelconque, peuvent donc être regardées non-seulement comme des témoignages historiques de l'usage de cette nation en ce qui regarde les pratiques de la guerre maritime, mais aussi comme constatant l'opinion de ses hommes d'état et légistes contemporains, sur les règles généralement reconnues, comme étant conformes au droit des gens universel.

1 Conclusions de Portalis relatives à la prise du navire américain le Statira devant le conseil des prises, 6 Thermidor, an 8.

français.

Les rédacteurs de l'ordonnance de la marine de Louis XIV Code des prises ont adopté la maxime du Consulat de la mer, que les marchandises ennemies chargées sur un vaisseau neutre étaient de bonne prise, tandis qu'ils ont rejeté la règle que les marchandises neutres chargées sur un vaisseau ennemi, étaient exemptes de confiscation. En renversant cette dernière maxime, ils ont non-seulement déclaré confiscables les marchandises d'un allié chargées sur un vaisseau ennemi, mais ils ont confondu dans le même arrêt de condamnation les vaisseaux amis chargés de marchandises ennemies, limitant de cette manière le commerce licite des neutres à leurs propres marchandises transportées dans leurs propres vaisseaux 1.

L'extrême sévérité de ces règlements rend nécessaire un examen plus minutieux relatif aux circonstances et aux antécédents historiques qui ont accompagné leur incorporation dans le code maritime de la France.

Les anciennes ordonnances de François Ier, des années 1533 et 1543, et de Henri III, de l'année 1584, avaient adopté la maxime énoncée par Demornac, d'après l'analogie du droit romain, que la robe d'ennemi confisque celle d'ami (ad l. penult., § 1, ff. locati conducti) et avaient en conséquence assujetti à la confiscation les marchandises d'un allié chargées sur un vaisseau ennemi. La maxime contraire avait été érigée en loi par la déclaration de 1650; mais la première règle fut rétablie de nouveau par l'ordonnance de la marine de Louis XIV en l'année 1681, et continua de faire partie du code des prises

1 << Tous navires qui se trouveront chargés d'effets appartenant à nos ennemis, et les marchandises de nos sujets ou alliés qui se trouveront dans un navire ennemi, seront pareillement de bonne prise.» (Ordonnance de la marine, lib. 3, tit. 9, Des prises, art. 7.)

La confiscation des vaisseaux ennemis avait déjà été prononcée par l'article 4, et celle des effets ennemis était sous-entendue d'après la loi préexistante.

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