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prier les mers qui baignent ses côtes, quoiqu'il cite un grand nombre d'anciens auteurs, pour prouver qu'une prétention plus étendue avait été quelquefois sanctionnée par l'usage, et qu'il puisse être réclamé de cette manière plus d'une portion très - limitée; et il parle toujours de pars ou portus maris, limitant ainsi ses vues à l'effet de la terre avoisinante, en donnant une juridiction et propriété nationale de cette nature 1.

Advocatio

Albericus Gentilis, le prédécesseur de Grotius dans la A. Gentilis, science du droit international, et professeur de droit romain hispanica. à l'université d'Oxford, avait soutenu le droit de souveraineté réclamé par les rois d'Angleterre sur la mer britannique, dans son Advocatio hispanica, publié en 1643 2.

En 1635, le savant Selden publia son Mare clausum, sous les auspices du fameux archevêque Laud. Dans cet ouvrage, les principes généraux soutenus par Grotius dans son Mare liberum sont mis en question, et les prétentions de l'Angleterre sont plus vigoureusement défendues que par Gentilis. Le premier livre de cet ouvrage célèbre traite de la proposition générale que la mer peut devenir la propriété d'une nation particulière à l'exclusion des autres, proposition que l'auteur cherche à démontrer, non par des arguments, mais en recueillant une multitude de citations des anciens auteurs, à la manière de Grotius, mais avec moins de choix. Il ne répond pas aux arguments par lesquels une prétention si vaste et si vague est repoussée; et dans la seconde partie de son ouvrage, qui embrasse son principal objet, il a recours seulement aux preuves tirées de l'usage, des lois, et des conventions positives, pour établir le droit de souveraineté réclamé par l'Angleterre depuis les plus anciens temps, dans les mers appelées par les Anglais, les Narrow seas 3.

1 GROTIUS, De jure belli ac pacis, lib. II, cap. III, §§ VIII, XIII. 2 De advocatione hispanica, lib. I, cap. VIII.

3 JOH. SELDEN, Mare clausum, sive de dominio maris libri II.

Selden, Mare clausum.

Opinion de Puffendorf.

Prétention de
l'Angleterre
à la
souveraineté
des mers
britanniques.

Puffendorf, dans son ouvrage publié en 1672 sur le droit naturel et des gens, pose le principe que dans une mer étroite la souveraineté en appartient aux souverains des terres avoisinantes; et il doit être distribué d'après les mêmes règles applicables aux propriétaires riverains sur les bords d'un lac ou d'une rivière, en supposant qu'il n'y a pas de convention pour l'approprier exclusivement à l'un d'entre eux, «< comme il est prétendu, dit-il, par la Grande-Bretagne. » Mais il s'exprime avec une certaine indignation contre la supposition que les grandes mers ou l'Océan puissent jamais être appropriées à une nation à l'exclusion des autres 1.

Les rois d'Angleterre manifestèrent principalement leur prétention à la souveraineté des mers, en excluant de la pêche les autres nations, et en exigeant de tous les vaisseaux étrangers, tant de l'état que des particuliers, le salut envers les vaisseaux de guerre anglais dans les quatre mers qui entourent les îles de la Grande-Bretagne et de l'Irlande. Les Hollandais avaient reconnu un droit exclusif à la pêche dans ces mers et près des côtes, en acceptant des licences ou permissions de pêche, moyennant des payements annuels. L'exercice de ce droit fut aussi entièrement suspendu à certaines époques, entre les souverains d'Angleterre et les princes de la maison de Bourgogne. Les honneurs réclamés pour le pavillon royal depuis les temps les plus reculés, devinrent un objet perpétuel de dissentiment avec les autres états maritimes, et le prétexte, sinon la cause réelle de plusieurs guerres sanglantes avec la Hollande, du temps de la république anglaise, et sous les derniers rois de la maison de Stuart. L'Angleterre

Primo, mare ex jure naturæ sive gentium omnium hominum non esse commune, sed dominii privati sive proprietatis capax pariter ac tellurem esse demonstratur; Secundo, Serenissimum Magnæ Britanniæ regem maris circumflui ut individuæ atque perpetuæ imperii britannici appendicis dominum esse asseritur.

1 PUFFENDORF, De jure naturæ et gentium, lib. IV, cap. 5, § 7.

et la Hollande, étant rivales pour la suprématie navale et commerciale, ont naturellement fait un point d'honneur de cette prétention, exigée par l'une et refusée par l'autre, comme une marque de supériorité. Le chevalier Guillaume Temple, en parlant dans ses mémoires des négociations qui précédèrent le traité de paix conclu à Westminster en 1671, dit « qu'un des principaux points de la plus grande difficulté fut celui du pavillon, qui a été porté aussi loin que sa Majesté pourrait le désirer; et de cette manière la reconnaissance de la souveraineté de la couronne dans les mers étroites (Narrow seas) concédée par convention avec le plus formidable de nos voisins, prétention qui n'avait jamais été reconnue par les plus faibles entre eux, autant que je m'en souviens, et qui n'avait servi jusqu'ici que comme prétexte de querelles, quand l'une ou l'autre partie était disposée d'en chercher une 1. »

Cette prétention ne fut jamais formellement

France.

La prétention anglaise n'a jamais été formellement reconnue par la France. Louis XIV publia, le 15 avril 1689, une ordonnance défendant aux officiers de sa marine de saluer les admise par la vaisseaux des autres princes portant pavillon d'un rang égal, et en même temps leur enjoignant d'exiger le salut des vaisseaux étrangers en pareil cas, et de les contraindre par la force, dans quelque mer et sur quelques côtes qu'ils puissent être trouvés. Cette ordonnance fut évidemment dirigée contre l'Angleterre. Et nous trouvons par conséquent, que dans le manifeste publié par Guillaume III, le 27 mai 1689, il allègue comme un de ses motifs pour déclarer la guerre à la France, «que le droit de pavillon qui appartient à la couronne d'Angleterre, a été disputé par son ordre (de Louis XIV); ce qui

1 TEMPLE'S Memoirs, vol. II, p. 250. Traité de Westminster, 1674, art. 4. DUMONT, Corps diplomatique, vol. VII, P. I, p. 254. BYNKERSHOEK remarque sur cette concession de la part de son pays: «Usu scilicet maris et fructu contenti Ordines, aliorum ambitioni, sibi non damnosæ, haud difficulter cedunt.» Q. J. publ., lib. II, cap. XXI.

tend à la violation de notre souveraineté sur la mer; laquelle a été maintenue de tout temps par nos prédécesseurs, et que nous sommes aussi résolus de maintenir pour l'honneur de notre couronne et de la nation anglaise 1. >>

L'historien anglais Hume, en parlant de l'attaque faite par une escadre anglaise sur des bateaux pêcheurs hollandais en 1636, dit : « Les Hollandais ont contesté ouvertement la prétention à la souveraineté des mers hors les baies, les détroits, et le long des côtes, et on peut douter si des prétentions plus étendues peuvent être soutenues par les principes du droit des gens 2. >>

Ces limites sont celles posées par sir Léoline Jenkins, juge de l'amirauté en Angleterre pendant les règnes de Charles Il et Jacques II, dont nous avons déjà eu souvent occasion de citer les rapports faits à ces monarques sur des questions du droit maritime. Il paraît, d'après ces pièces officielles, que hors de ces limites on n'exigeait rien des autres nations, excepté les honneurs navals réclamés par le pavillon royal, et qu'en outre il était défendu aux vaisseaux étrangers armés en guerre d'approcher trop près des côtes, dans la crainte de troubler la sécurité du commerce anglais, ou celui d'autres états amis naviguant dans les mers limitrophes. Cette définition modérée et raisonnable montre suffisamment que la souveraineté alors réclamée par l'Angleterre, ne fut pas d'une étendue aussi grande qu'on pourrait le supposer; parce que dans ce cas-là, on n'aurait pas trouvé nécessaire de limiter cette protection due aux personnes et aux propriétés étrangères appartenantes aux états en amitié avec l'Angleterre, dans les bornes de sa juridiction neutre. Ce savant magistrat insiste surtout sur l'immunité de l'exercice de tout acte d'hostilité commis par les étrangers dans ces portions de la mer, le long

1 VALIN, Commentaire sur l'ordonnance de la marine, liv. 5, tit. I. De la liberté de la pêche.

2 HUME'S History of England, vol. VI, chap. 52.

des côtes appelées the king's chambers, c'est-à-dire des portions de la mer découpées par des lignes droites tirées d'un promontoire à un autre. Dans tous les cas de saisie par les croisières étrangères dans ces limites, il décide que les biens saisis doivent être remis au propriétaire à cause de la violation du territoire neutre 1.

Bynkershoek aussi, dans son traité des lois de la guerre, De rebus bellicis, étend la protection du territoire neutre le long des côtes jusqu'à la portée du canon, et aux ports, rivières, baies, golfes et autres parties fermées de la mer. Il condamne en conséquence la conduite de diverses nations belligérantes, et entre autres des Hollandais, qui avaient commis des actes d'hostilité dans ces limites, pendant les guerres maritimes du dix-septième siècle. La seule exception qu'il fait à cette règle est le cas, où l'attaque contre l'ennemi aura été commencée en dehors du territoire neutre, dans lequel il soutient qu'il est permis de continuer le combat dans les limites du territoire neutre, dum fervet opus; avec cette condition que s'il s'ensuit quelque lésion pour les personnes ou les propriétés de l'état neutre, il doit être regardé comme un acte d'agression. Il avoue cependant qu'il n'avait jamais trouvé que cette distinction eût été admise en théorie par l'autorité d'aucun publiciste, ni mise en pratique par aucune nation d'Europe, excepté par les Hollandais. Il la soutient seulement par la raison et les exemples historiques qu'il cite de son application 2.

Bynkershoek avait commencé sa carrière brillante comme publiciste, par la publication, en 1702, de son traité De dominio maris. Dans cet ouvrage, il suppose qu'une seule nation peut s'approprier exclusivement certaines parties de la mer. Telles sont : 4° Les parties les plus proches de la terre, mare terræ proximum, jusqu'à la portée du canon 3. 2o Les mers

1 Sir L. JENKINS Life and Lettres, vol. II, pp. 727, 732, 755, 780.

2 BYNKERSHOEK, Q. J. Publ., lib. I, cap. VIII.

3

«Alioquin generaliter dicendum est potestatem terræ finiri,

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