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réside, de donner dans son hôtel un asile aux sujets mêmes de l'état. Pour moi, je tiens la règle générale pour tous les priviléges des ambassadeurs, et je crois qu'il n'y en a aucun dont ils puissent prétendre la jouissance, si on a déclaré qu'on ne voulait pas le leur accorder, parce qu'une volonté expresse exclut toute volonté tacite, qui y répugne; et le droit des gens, comme je l'ai déjà dit, n'a lieu qu'entre ceux qui s'y soumettent par une convention tacite 1.»>

Dans son traité De rebus bellicis, il fait dériver le droit des gens de la raison et de l'usage, ex ratione et usu, et fonde l'usage sur le témoignage des traités et des ordonnances, pacta et edicta, avec la comparaison des exemples qui se présentent souvent. En parlant du droit de contrebande de guerre, il dit : « Le droit des gens sur cette matière ne peut dériver d'aucune autre source que de la raison et de l'usage. La raison m'ordonne d'être également amical envers deux de mes amis qui sont ennemis l'un de l'autre, et il s'ensuit que je ne dois pas préférer l'un à l'autre dans ce qui a rapport à la guerre. L'usage est démontré par la coutume constante, et pour ainsi dire perpétuelle, que les souverains ont observée de faire des traités et des ordonnances sur cette matière, parce qu'ils ont souvent fait de pareils règlements par des traités pour être mis à exécution en temps de guerre, et par des lois promulguées après le commencement des hostilités. J'ai dit par une coutume pour ainsi dire perpétuelle, parce qu'un traité et même deux traités, s'écartant de l'usage général, ne changent pas le droit des gens 2.»

1 BYNKERSHOEK, chap. 19, § 7. Voyez la note de Barbeyrac sur ce passage quant à la doctrine de Grotius.

2 «Jus gentium commune in hanc rem non aliunde licet discere; quam ex ratione et usu. Ratio jubet, ut duobus, invicem hostibus, sed mihi amicis, æque amicus sim, et inde efficitur, ne in causa belli alterum alteri præferam. Usus intelligitur ex perpetua quodammodo paciscendi edicendique consuetudine: pactis enim. principes sæpe id egerunt in casum belli, sæpe etiam edictis

Rutherforth.

Le grand ouvrage de Grotius continua à former le principal sujet des commentaires dans les différentes universités de l'Europe. Un des meilleurs commentaires de ce genre est celui de Rutherforth, publié en 1754, sous le titre des Instituts du droit naturel. La plus grande partie de cet ouvrage se compose de discussions de morale philosophique et de droit politique; mais le neuvième chapitre du livre II traite exclusivement du droit des gens proprement dit. En effet, dans cette partie de son ouvrage, l'auteur examine la proposition de Grotius, qui veut que le droit des gens soit un droit positif, devant son autorité au consentement de toutes ou de presque toutes les nations. Rutherforth, au contraire, veut que le droit des gens ne soit autre chose que le droit naturel appliqué, en vertu d'une convention positive, à l'ensemble des sociétés civiles, comme à des agents moraux, et aux différents membres de ces sociétés, comme à différentes parties de cet ensemble. Les règles du droit des gens ne seront donc que les règles de

contra quoscunque, flagrante jam bello. Dixi, ex perpetua quodammodo consuetudine, quia unum forte alterumve pactum, quod a consuetudine recedit, jus gentium non mutat.» (Q. J. publ., lib. I, cap. X.)

Dans la préface de ce traité sur les lois de la guerre, Bynkerskoek maintient la suprématie de la raison sur l'autorité dans les investigations de la science du droit international. «Nulla ullorum hominum auctoritas ibi valet, si ratio repugnet. Non Grotius, non Puffendorfius, non interpretes, qui in utrumque commentati sunt, me convincerint, si non convincerit ratio, quæ in jure gentium definiendo fere utramque paginam facit. Inde est, quod auctoritatibus coacervandis fere abstinuerim, non difficulter alioquin earum mole potuissem implere et onerare hos libros. Sæpe quidem Grotio et Puffendorfio testimonium denuntiavi, sed non alia ratione, quam quod illi in jure publico principatum teneant, et aliorum omnium familiam ducant, silentio fere præteritis minorum gentium interpretibus. Ab utriusque tamen sententia recessi, ipsa ratio videbatur recedere. Hanc præcipue in consilium adhibui, et, nisi illa vincat, nihil vincerit in omni quæstione juris publici.» (Q. J. publ., lib. I, ad lectorem.)

ubi

la saine raison, et on pourra les tirer de la nature même des choses, ou de l'histoire des événements du monde, ou bien encore de l'opinion des hommes éclairés.

$ 8. Publicistes secondaires.

Nous allons donner ici quelques notices abrégées sur les publicistes secondaires de cette période. Et parmi ceux-ci, Barbeyrar. nous mentionnerons Barbeyrac, qui par des traductions des ouvrages de Grotius, de Puffendorf, et de Bynkershoek, a répandu la science du droit international et l'a rendue populaire, en même temps qu'il l'a éclaircie par ses annotations utiles sur le texte de ces auteurs. Ces traductions écrites en langue française sont fidèles, mais le style en est un peu sec et

suranné.

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Avant la publication du traité de Vattel sur le droit des Réal. gens, le chevalier de Réal avait fait paraître un livre sous ce titre la Science du gouvernement, dont le cinquième volume contient un résumé du droit des gens positif d'un grand mérite. C'est un résumé des ouvrages des publicistes classiques, et des exemples tirés principalement de l'histoire de ce qui était arrivé dans les rapports des états modernes de l'Europe

L'abbé de Mably avait été employé par le cardinal Tencin Mably. à rédiger pour ce ministre des mémoires et des rapports. De ces papiers il a extrait un résumé historique des négociations et des traités qui ont eu lieu depuis le traité de Westphalie jusqu'à son temps; résumé qu'il a publié en 1748, sous le titre de Droit public de l'Europe, fondé sur les traités. On lui avait refusé d'abord la permission de publier cet ouvrage en France, et la personne à laquelle il s'adressait pour l'obtenir lui demanda «< Qui êtes-vous donc, M. l'abbé, pour écrire sur les intérêts des nations? Êtes-vous ministre ou ambassadeur? »

1 La Science du gouvernement, tome cinquième, contenant le droit des gens, qui traite des ambassades, de la guerre, des traités, des titres, des prérogatives, des prétentions, et des droits respectifs des souverains; par M. de Réal, grand-sénéchal de Forcalquier, Paris 4754.

Il fut réduit à la nécessité de faire publier son ouvrage en Hollande, mais plusieurs éditions subséquentes ont paru à Paris. Réal critique ainsi le titre donné par Mably à son ouvrage: «Le titre de Droit public de l'Europe, que l'auteur a donné à son ouvrage, dit-il, est vicieux. L'Europe n'a point de droit public; mais chaque nation de l'Europe en a un, et la matière que l'auteur a traitée se rapporte au droit des gens. » Cependant il loue l'ouvrage comme étant différent des autres collections d'actes diplomatiques de même nature, par son plan analytique et les détails historiques qui lui ôtent de l'aridité ordinaire à ces sortes de compilations '.

Heineccius. Jean Gottlieb Heinecke, mieux connu par son nom latin Heineccius, outre ses écrits élégants sur le droit romain, publia à Halle, en 1738, ses Elementa juris naturæ et gentium, ouvrage dans lequel il a légèrement traité du droit international comme faisant partie de ce qu'il appelle Jus sociale. Il a aussi composé des discours sur Grotius et Puffendorf, et une dissertation sur une partie très-importante du droit des gens maritime, sous le titre De navibus ob vecturam vetitarum mercium commissis, que nous aurons bientôt occasion de citer. Mackintosh dit de Heineccius : « C'est le meilleur écrivain élémentaire que je connaisse sur quelque sujet que ce soit 2. >> Le Commentaire sur l'ordonnance de la marine, publié en 1760 par Valin, et son Traité des prises, qui a paru en 1763, sont trop connus et trop bien appréciés pour rendre nécessaire une notice spéciale de ses savants ouvrages. Nous en dirons autant du Tratado juridico-politico sobre las presas maritimas, publié à Cadix en 1746, par Don Carlos d'Abreu, dont une édition en langue française, avec des notes par M. Bonnemant, a paru en 1802. Pothier, dans son Traité de

Valin, d'Abreu et Pothier.

1 Science du gouvernement, vol. VIII, p. 524.

2 MACKINTOSH, Discours sur l'étude du droit de la nature et des gens, traduit de l'anglais par M. ROYER-COLLARD, p. XXIII.

propriété, a commenté les parties de l'ordonnance de la marine de 1681 qui regardent les prises maritimes.

Les deux guerres maritimes, terminées par la paix d'Aixla-Chapelle de 1748, et celle de Paris de 1763, ont donné lieu à des questions multipliées sur les droits respectifs des états belligérants et neutres à l'égard de la navigation et du commerce. Toutes les puissances maritimes, parties contractantes aux traités d'Utrecht, furent aussi mêlées à la première de ces guerres. Les stipulations contenues dans ces traités, en opposition à la loi préexistante, en faveur du commerce et de la navigation neutre, ne sont jamais devenues applicables entre les parties contractantes; le casus fœderis, portant que l'une ou plusieurs de ces puissances devaient rester en état de paix, pendant que les autres étaient en guerre, ne s'étant pas présenté, l'avantage de ces stipulations ne fut pas étendu par elles à ces nations, qui restèrent neutres. Chaque état continuait à adhérer à ses propres interprétations du droit des gens, comme à la règle par laquelle il était guidé dans sa conduite envers les neutres. Les puissances maritimes, qui avaient adopté les maximes du Consulat de la mer relatives aux prises maritimes, continuaient à être dirigées par ces maximes, à l'exception des modifications introduites par des conventions particulières avec les puissances de la Baltique, qui ont gardé leur neutralité dans la guerre entre les nations du midi et de l'ouest de l'Europe.

En même temps la France a fait un changement essentiel dans sa législation maritime, en la rapprochant des principes du Consulat de la mer. L'ordonnance du 21 octobre 1744 a exempté de la saisie les vaisseaux neutres chargés de marchandises ennemies, en confisquant seulement ces marchandises, et a fait relâcher le vaisseau avec le reste de la cargaison, à l'exception des objets de contrebande. Cependant la même ordonnance renouvela deux restrictions fort remarquables contre la liberté du commerce neutre, et qui étaient

$ 9. Droit des gens maritime.

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