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ces provinces au royaume de Pologne; mais ce royaume était regardé tellement comme création du congrès de Vienne, qu'on jugea nécessaire de réserver à l'empereur de Russie le pouvoir de donner à ce nouvel état l'extension intérieure qu'il jugerait convenable, et cette extension devait se trouver dans les provinces polonaises antérieurement soumises à la Russie, auxquelles on accorderait, en attendant, une représentation el des institutions nationales. Que le don de cette représentation et de ces institutions à ces provinces était une stipulation expresse, par laquelle l'empereur Alexandre était lié, et qui formait un contrat entre lui et les autres puissances, parties contractantes au traité de Vienne, dont elles avaient le droit de réclamer et devaient réclamer l'exécution de la part de ce prince. Que loin que cette obligation fût remplie, il était prouvé que quoique quelques institutions très - imparfaites eussent été accordées par l'Autriche à la province de Gallicie et par la Prusse au grand-duché de Posen, non-seulement aucune institution nationale ou représentation n'avait été accordée aux autres parties de l'ancien territoire polonais, mais que leurs anciennes institutions, qui donnaient une certaine sécurité à la vie et la liberté personnelle, leur avaient été enlevées.

Que cependant ce qui devait former la matière la plus importante de la discussion actuelle, c'était l'article du traité par lequel le duché de Varsovie était érigé en royaume en faveur de l'empereur Alexandre, sous de certaines conditions annexées au don de cette souveraineté de la part du congrès de Vienne. Qu'il n'y avait rien de vague, d'ambigu ou d'incertain dans les termes du traité. Que la chambre remarquerait la différence qu'il y avait dans les stipulations du traité, quant aux provinces polonaises déjà soumises à la Russie, et dans celles qui regardaient seulement le royaume de Pologne, céde à cet état. Par le traité, ces provinces devaient recevoir une représentation et des institutions nationales: mais le duché

de Varsovie, érigé en royaume, devait recevoir non-seulement une représentation, non-seulement des institutions nationales, mais une constitution, par laquelle le nouveau royaume serait irrévocablement lié à l'empire de Russie, et sans laquelle il ne devait pas et ne pouvait pas être lié. C'était la condition indispensable de domination sur ce pays par l'empereur de Russie, roi constitutionnel de la Pologne: la Pologne, non pas province, comme celles qui devaient recevoir une réprésentation et des institutions nationales, mais royaume et état jouissant d'une administration distincte, et auquel l'empereur pouvait donner telle extension intérieure qu'il jugerait convenable. La Pologne a été cédée à l'empereur de Russie, non pas pour former une partie intégrale de ses possessions, non pas pour être convertie à sa guise en une province russe, mais sous la condition expresse qu'elle devait être irrévocablement liée à son empire par sa constitution, et par nul autre lien. En supposant même que les termes du traité fussent vagues et incertains, qui donc était plus capable de les expliquer que l'empereur Alexandre lui-même? Les paroles prononcées par lui, dans son discours à l'ouverture de la diète en mars 1818, démontreraient comment il envisageait les conditions sous lesquelles il tenait la souveraineté en Pologne. Dans ce discours il disait : «Votre restauration a été définie par des traités : elle est sanctionnée par la charte constitutionnelle. L'inviolabilité des engagements extérieurs et de la loi fondamentale assurent désormais à la Pologne un rang honorable parmi les nations de l'Europe. »

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L'orateur cherchait ensuite à démontrer que la charte constitutionnelle, donnée de cette manière par l'empereur Alexandre, avait été violée par lui et par son successeur l'empereur Nicolas dans toutes ses prévisions, et était effectivement renversée et détruite par l'autorité des monarques qui avaient juré solennellement de la conserver et de la maintenir. La résistance de la nation polonaise en 1830 était donc justifiée

Stipulations du traité de Vienne relatives à la ville de Cracovie.

par tous les motifs qui ont pu justifier la révolution anglaise de 1688. Même en admettant que l'insurrection polonaise fût une rébellion criminelle, elle ne pourrait pas devenir un motif suffisant pour priver toute une nation de ses libertés. L'empereur Nicolas lui-même n'a pas accusé toute la nation polonaise de la rébellion. Il l'a considérée comme l'œuvre d'une faction qui avait détourné ses sujets de leur obéissance. Et l'orateur avait déjà concédé que tous ceux qui ont pris part à l'insurrection se sont exposés aux conséquences de sa nonréussite; mais que la constitution et les droits de la nation ne continuaient pas moins d'être en vigueur.

La plupart des autres orateurs ont adhéré à ces vues, et le ministre des affaires étrangères, lord Palmerston, consentit à déposer sur le bureau de la chambre des communes les pièces dont la production était demandée. Il déclara en même temps, que dans l'intérêt même de ceux qu'on voulait protéger, et ayant égard à toutes les circonstances, il remplirait mieux son devoir en n'entrant pas dans une discussion, et en ne donnant pas des explications sur la conduite du gouvernement anglais à l'égard de ces affaires. En même temps il devait ajouter que le gouvernement n'était pas inattentif, ni indifférent aux droits dont l'Angleterre était munie par le traite de Vienne. Personne ne pouvait douter qu'elle avait le droit d'émettre une opinion décidée sur l'exécution ou la nonexécution des stipulations contenues dans ce traité. Néanmoins il était incontestable que l'Angleterre n'était pas obligée d'intervenir directement par la force sans le concours des autres parties contractantes intéressées au maintien du traité

Les stipulations du traité de Vienne, relatives à la ville libre et indépendante de Cracovie, ont également fourni matière à des discussions dans le parlement d'Angleterre et les chambres françaises, par suite de l'intervention des trois puissances

1 HANSARD'S Parliamentary debates, vol. XIII, p. 4445.

protectrices, et de l'occupation de cette ville par les troupes autrichiennes, avec leur sanction, en 1836. La ville de Cracovie avait été soumise à l'Autriche, depuis le troisième partage de la Pologne en 1795, jusqu'à la paix de Vienne de 1809, entre l'Autriche et la France, et elle fut alors réunie au duché de Varsovie. Par l'acte final du congrès de Vienne, comme nous avons déjà vu, elle fut déclarée ville libre, indépendante, et neutre, sous la protection de l'Autriche, de la Prusse et de la Russie, avec l'adjonction d'un territoire de 51,000 milles carrés sur la rive gauche de la Vistule. L'Autriche concéda à la ville riveraine de Podgorze, en face de Cracovie, et appartenant à cette puissance, les priviléges d'une ville de commerce à perpétuité, et en même temps elle stipula de ne jamais former aucun établissement militaire qui pourrait menacer la neutralité de Cracovie. Cette neutralité était garantie par les trois puissances protectrices. Aucune force armée ne pourrait jamais être introduite dans la ville sous quelque prétexte que ce soit. En revanche, on stipula qu'il ne pourrait être accordé dans la ville et sur le territoire de Cracovie, asile ou protection à des transfuges, déserteurs, ou gens poursuivis par la loi, appartenant aux pays des trois puissances, et que sur la demande d'extradition qui pourrait en être faite par les autorités compétentes, de tels individus seraient arrêtés et livrés sans délai sous bonne escorte à la garde qui serait chargée de les recevoir à la frontière. Par le traité additionnel relatif à la ville de Cracovie, annexé au traité général, les dispositions sur la constitution, sur l'université, l'évêché, et le chapitre de cette ville, sont déclarées avoir la même force et valeur que si elles eussent été textuellement insérées dans l'acte final. D'après le quatrième article de la constitution, garantie de cette manière à la ville libre de Cracovie, le sénat dirigeant fut composé de douze sénateurs, dont six furent élus à vie, et six pour le terme de sept ans. L'un des sénateurs de chacune de ces classes devait être élu par le chapitre, l'un par l'uni

versité, et quatre par les représentants du peuple. Ces représentants devaient s'assembler tous les trois ans, au mois de décembre, pour délibérer sur les projets de lois proposées par le sénat.

Un changement fondamental apporté à cette constitution, par suite de l'intervention des puissances protectrices, fut publié par le sénat le 23 mars 1833, d'après lequel ce corps de l'état fut réduit au nombre de huit, dont quatre devaient être élus à vie, et quatre pour le terme de sept ans. Par le 27 article de cette nouvelle constitution, il fut ordonné qu'en cas de dissentiment entre le sénat et la chambre des représentants, ou entre les membres de ces deux corps, à l'égard de l'étendue de leurs pouvoirs respectifs, ou à l'égard de l'interprétation de la constitution, les résidents des trois cours protectrices, assemblés en conférence, devaient décider la question. Les anciens statuts de l'université furent aussi annulés par le nouveau statut organique du 15 août 1833, qui a privé le gouvernement de la république du droit de nommer les professeurs et l'a attribué aux puissances protectrices.

Pendant l'insurrection polonaise de 1830-31 la ville et le territoire de Cracovie furent occupés temporairement par les forces russes, et en 1836 ils furent encore occupés par des troupes autrichiennes, d'accord avec les deux autres puissances protectrices. Cette dernière occupation était motivée par la non-exécution des stipulations contenues dans le traité de Vienne relatives à l'asile ou protection accordés aux déser teurs ou transfuges dans la ville ou territoire de Cracovie, et par l'allégation que la république était devenue le foyer de complots contre la sécurité des états voisins. Dans les débats qui eurent lieu à la chambre des communes, le 18 mars 1836, sur la proposition de sir Stratford Canning, le ministre des affaires étrangères, lord Palmerston, déclara qu'il ne voyait aucune justification suffisante pour les mesures violentes qu'on avait adoptées contre Cracovie, dont il était tout aussi impor

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