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saurait être douteux qu'au moins personne ne voudrait en établir de nouveaux.

3. Le tarif des droits à lever. Il était indispensable de régler ces droits dans leur totalité, du point où la rivière devient navigable jusqu'à son embouchure, d'une manière fixe, uniforme et invariable, sauf à convenir, si on le jugeait nécessaire, d'une révision périodique du tarif fait par tous les états riverains, après un nombre déterminé d'années.

Il serait également nécessaire que la fixation des droits fut assez indépendante de la qualité particulière des marchandises, pour que la navigation ne soit pas arrêtée par un examen détaillé de la cargaison des bâtiments à la perception du péage. Quant à la qualité du péage, il faudrait voir s'il serait possible d'établir un principe assez général, pour être facilement appliqué partout, pour en déterminer au moins le maximum.

4. Le nombre des bureaux destinés à la perception de ces droits. Comme rien n'était si nuisible à la navigation que l'obligation de s'arrêter souvent pour payer les droits, la plus grande diminution de nombre des bureaux devait surtout fixer l'attention de la commission.

5. Une séparation absolue de la perception des douanes et de celle des droits de navigation, et les précautions nécessaires pour empêcher que le droit des états riverains d'établir des douanes ne puisse entraver la navigation.

6. L'emploi de la recette provenant des droits levés sur la navigation, et la distribution du reliquat entre les états riverains, à raison de leur étendue sur la rive.

et

La séparation des travaux nécessaires à la navigation, de ceux qui ont pour but de garantir les pays d'inondations, les précautions nécessaires pour que ces doubles travaux soient entrepris d'après un même système, et ne puissent point se nuire mutuellement.

7. Le règlement de la police à établir sur la navigation.

Cette police devait être uniforme et fixée d'un accord commun, sans pouvoir être changée par un seul des états riverains; mais elle ne doit point entraver celle que ces états, en vertu de leur droit de souveraineté, sont appelés à exercer sur les rivières, sans néanmoins porter le moindre préjudice à la liberté de la navigation.

8. Engagements mutuels à prendre pour assurer, autant que cela serait possible, la liberté de la navigation, même dans le cas malheureux d'une guerre entre les états riverains.

Les principes mentionnés ci-dessus étant tirés pour la plupart de la convention sur l'octroi de la navigation du Rhin conclue en 1804, rien n'était plus facile que de les appliquer à cette rivière; ayant égard cependant aux changements territoriaux survenus depuis cette époque, aux points qui sont des affaires domestiques de l'Allemagne, et aux modifications tellement détaillées et tellement dépendantes des localités, qu'il conviendrait de les renvoyer à une commission spéciale.

Quant à l'Escaut, l'auteur du mémoire, n'ayant point des connaissances locales assez étendues sur cette rivière, passait sous silence ce qui devrait être dit sur l'application particulière des principes à sa navigation.

Il considère ensuite le mode d'étendre les mêmes dispositions à toutes les rivières en général. Il regarde comme inutile de prouver l'impossibilité de conclure des conventions semblables à celles sur la navigation du Rhin, et applicables à toutes les rivières de l'Europe, pendant le temps du congrès. Mais on pourrait néanmoins faire un grand pas vers la liberté générale de la navigation des rivières. On pourrait inviter les puissances qui signeraient l'acte général et final du congrès, à s'engager mutuellement à convenir le plus tôt possible, tant entre elles qu'avec d'autres, d'arrangements sur la liberté de la navigation de celles des rivières de leurs états qui leur sont communes avec d'autres, ainsi qu'on a coutume de prendre, dans les traités de paix, l'engagement de conclure

des traités de commerce. Pour ôter ensuite à cet engagement le vague qui pourrait le rendre illusoire, on devrait, de plus, inviter les puissances à déclarer d'une manière positive et obligatoire, que les principes qui seraient établis comme entièrement généraux formeraient les bases de tous ces arrangements à mesure qu'on parviendrait à les conclure '.

Ces principes ont été adoptés par le congrès dans l'acte final, et ils ont été appliqués depuis par des conventions spéciales à la navigation du Rhin, de l'Escaut, de la Meuse, de la Moselle, de l'Elbe, de l'Oder, de la Vistule, du Weser et du Pô, avec leurs divers confluents 2.

Par l'annexe XVI de l'acte final, la navigation libre du Rhin est accordée dans tout son cours, et des règlements particuliers sont faits pour ce qui regarde ce fleuve, ainsi que le Necker, le Mein, la Moselle, la Meuse et l'Escaut, qui sont tous déclarés libres depuis l'endroit où ils commencent à être navigables jusqu'à leur embouchure. Des règlements semblables furent faits pour la navigation de l'Elbe par les états riverains de ce fleuve, par un acte signé à Dresde en date du 12 décembre 1824. Les stipulations par lesquelles les puissances qui y étaient intéressées garantirent la libre navigation de la Vistule et des autres fleuves de l'ancienne Pologne, et qui avaient été insérées dans le traité signé le 3 mai 1815 entre l'Autriche et la Russie, et dans celui signé le même jour par la Russie et la Prusse, furent confirmées aussi par l'acte final du congrès de Vienne. L'acte étend aussi les mêmes principes à la navigation du Pô 3. Et enfin les mêmes principes furent étendus à la navigation du Danube, par un traité entre l'Autriche et la Russie signé à Saint-Pétersbourg, le 13/25 juillet 1840'.

1 KLÜBER, Acten des Wiener Congresses, Bd. 3, S. 24. 2 Acle final du congrès de Vienne, art. 108-117. MARTENS, Nouveau recueil, vol. II, p. 427.

3 Acte final, Articles 96, 414, 148.

4 Wiener Zeitung, 22. October 1840.

:

L'interprétation de ces stipulations, relatives à la libre navigation du Rhin, est devenue ensuite l'objet d'un litige entre le gouvernement des Pays-Bas et les autres états riverains intéressés dans le commerce de cette rivière. Le gouvernement néerlandais a réclamé le droit exclusif de régler et d'imposer le commerce dans les limites de son territoire aux endroits où les diverses branches du Rhin se divisent en tombant dans la mer à son embouchure. Pour soutenir cette prétention, on alléguait que l'expression dans les traités de Paris et de Vienne, jusqu'à la mer, n'était pas synonyme avec le terme dans la mer; et que même si on prenait la lettre des traités dans ce sens, il fallait la restreindre au cours du véritable Rhin, qui n'était pas même navigable à son embouchure. La masse des eaux formant cette rivière se divise près de Nimègue en trois grands canaux naturels, le Waal, le Leck et I'Yssel le premier descendant par Gorcum, où il prend le nom de la Meuse; le second approchant la mer à Rotterdam; et le troisième, se dirigeant vers le nord par Zutphen et Deventer, tombe dans le Zuydersée. De ces trois canaux aucun n'est connu sous le nom du Rhin, nom qui est conservé à un petit fleuve qui laisse le Leck à Wycle, prend son cours par les retraites savantes d'Utrecht et de Leyde, et dispersant ses eaux graduellement, les perd entre les dunes de sable à Kulwyck. Le propre fleuve du Rhin devenant de cette manière sans utilité pour la navigation, le Leck y a été substitué pour cet objet, avec le consentement, commun de toutes les puissances intéressées dans la question; et le gouvernement néerlandais a ensuite consenti à ce que le Waal, comme étant mieux adapté à la navigation, fût substitué au Leck. Cependant ce gouvernement insistait pour que le Waal finit à Gorcum, jusqu'où la marée monte, et où se termine par conséquent le Rhin. Tout ce qui reste de cette branche de la rivière, de Gorcum à Helvoetsluys et l'embouchure de la Meuse, est un bras de mer, enclavé dans le territoire du royaume, et par

conséquent sujet à tous les règlements que son gouvernement trouve convenable d'y établir.

D'un autre côté, les puissances intéressées dans la libre navigation de la rivière soutinrent que les stipulations du traité de Paris, 1814, par lesquelles la Hollande, placée sous la souveraineté de la maison d'Orange, devait recevoir un accroissement de territoire, et en même temps la navigation sur le Rhin devait être libre « du point où il devient navigable jusqu'à la mer, et réciproquement, » étaient inséparablement liées ensemble dans l'intention des puissances alliées parties contractantes à ce traité. Cette intention fut remplie par le congrès de Vienne, qui décida l'union de la Belgique à la Hollande, et confirma la liberté de la navigation du Rhin comme une condition de cette augmentation de territoire qui avait été acceptée par le gouvernement hollandais. Le droit de libre navigation sur la rivière, disait-on, implique nécessairement le droit de faire usage des eaux diverses qui l'unissent avec la mer; et l'expression jusqu'à la mer pourrait être regardée sous ce rapport comme l'équivalent du terme dans la mer. La prétention donc du gouvernement néerlandais de lever des droits sur les passages principaux de la rivière dans la mer rendrait parfaitement inutile aux autres états le privilége de naviguer sur le Rhin dans les limites du territoire des Pays-Bas 1.

Après une négociation prolongée, cette question fut enfin décidée par la convention conclue à Mayence, le 34 mars 1834, entre tous les états riverains du Rhin, d'après laquelle la navigation de ce fleuve fut déclarée libre depuis le point où il devient navigable jusque dans la mer (bis in die See), en y comprenant ses deux principales embouchures dans les limites du royaume des Pays-Bas, le Leck et le Waal, comme prolongation du Rhin, en passant par Rotterdam et Briel par le

1 Annual Register, 4826, vol. LXVIII, pp. 259–263.

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