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méridien de Paris. 2 Tout autour de l'île de Madagascar dans une zone de vingt lieues de largeur. 3o A la même distance des îles de Cuba et de Porto-Pico. 4° A la même distance des côtes du Brésil avec la stipulation que les bâti=ments suspects, vus et chassés par les croiseurs dans les limites de la zone de vingt lieues, pourront être visités hors de ces limites, pourvu que les croiseurs n'aient pas perdu de vue ces bâtiments et n'aient pu les saisir dans ces limites. Les bâtiments saisis de cette manière devraient être amenés dans un port du pays auquel ils appartiennent, pour y être jugés par les tribunaux et d'après les lois de ce pays '.

Le gouvernement anglais se plaignait que le gouvernement portugais n'avait pas exécuté les stipulations des traités entre les deux puissances pour la suppression de la traite. Le cabinet portugais n'ayant pas répondu d'une manière satisfaisante à ces plaintes, le ministère anglais présenta au parlement, en 1839, un bill pour exécuter par les forces navales de l'Angleterre ces stipulations contre les bâtiments portugais. Le duc de Wellington s'opposa à l'adoption de ce bill, qui ne pouvait être mis à exécution, disait-il, sans produire des collisions fâcheuses avec d'autres puissances maritimes qui n'avaient pas pris des engagements pareils à ceux du Portugal. Il y avait plusieurs nations, et entre autres une grande nation, les États-Unis d'Amérique, avec lesquelles l'Angleterre n'avait pas conclu de traités pour la suppression de la traite. Il était plus que probable que les États-Unis, non-seulement ne voudront pas se soumettre à l'exercice du droit de visite, mais qu'ils y opposeront la plus ferme résistance. D'après les clauses du bill, les commandants des forces navales chargés de l'exécution de cette mesure extraordinaire, devaient être indemnisés pour les conséquences qu'elles pourraient entrainer, mais l'état qui serait responsable envers d'autres états ne

1 MARTENS, Nouveau recueil, tome IX, p. 544.

pouvait pas être indemnisé pour les dommages-intérêts qui seraient dus aux propriétaires des bâtiments saisis. Lord Brougham, qui désirait vivement l'adoption de la mesure, ne pouvait cependant se dissimuler que la position de l'Angleterre envers les États-Unis était tout à fait particulière, cette puissance n'ayant pas accordé le droit de visite pour la suppression de la traite. Il ne fallait pas oublier non plus que les États-Unis avaient aboli ce commerce aussitôt que cela avait été possible d'après leur constitution fédérale, et qu'ils avaient donné le premier exemple d'une dénonciation de la traite comme crime de piraterie.

Nonobstant cette opposition, le bill fut adopté comme loi du parlement, mesure d'autant plus extraordinaire qu'elle se trouve en contradiction directe avec une communication officielle faite, peu de temps après, par lord Palmerston, secrétaire d'état pour les affaires étrangères, au gouvernement de la république de Haïti. Dans cet office il est question d'une loi de cette république qui autorise la capture de tout bâtiment, haïtien ou autre, engagé dans la traite des noirs, et ordonne que les bâtiments saisis sous ce prétexte soient amenés dans un port de la république, pour y être jugés par les tribunaux du pays. Lord Palmerston déclara que la république avait le droit incontestable d'établir une telle loi pour ses propres citoyens et leurs bâtiments, mais qu'elle n'avait pas celui de l'appliquer aux citoyens ou sujets d'autres états ou à leurs bâtiments. En temps de paix, les vaisseaux armés d'un état n'étaient pas autorisés à visiter et à arrêter les bâtiments naviguant sous le pavillon d'un autre état, et appartenants à ses sujets, sans la permission de cet état, permission qui est en général accordée par un traité; et si les vaisseaux armés de Haïti se permettaient d'arrêter, de rechercher et de saisir les bâtiments d'un autre pays et naviguant sous son pavillon, même si ces bâtiments étaient effectivement employés à la traite, l'état auquel ces bâtiments appartiendraient serait

fondé à demander une satisfaction et réparation du gouverne. ment haïtien, à moins que cet état n'eût accordé, par un traité, le droit de visite et de détention.

La prétention, repoussée par la note officielle que nous venons de citer, fut mise en avant pour la première fois dans la correspondance entre l'envoyé des États-Unis à la cour de Londres et le cabinet anglais, pendant les années de 1838 à 1841.

Dans la lettre officielle de lord Aberdeen à M. Stevenson, l'envoyé des États-Unis à Londres, datée du 13 octobre 1841, le ministre anglais cherche à faire une distinction entre le droit de visiter et le droit de rechercher pour vérifier la nationalité du bâtiment. Nous affirmons sans hésitation que cette distinction n'est pas reconnue par le droit des gens maritime et l'usage des tribunaux d'amirauté d'aucun pays. Le droit de visite entraîne nécessairement le droit de faire la recherche du bâtiment, de sa cargaison, et de ses papiers. Sans ces accessoires, l'exercice du droit de visite serait une vaine cérémonie et une interruption vexatoire du voyage. Mais le droit de visite n'existe pas en temps de paix, et par conséquent ces accessoires ne peuvent pas exister, pour être appliqués aux bâtiments d'un état qui n'a pas accordé ce droit par une convention spéciale.

Le ministre anglais observe «que ce n'est pas comme américains que ces bâtiments sont visités. »

On peut remarquer, sur cette observation, que les bâtiments neutres ne sont pas non plus visités en temps de guerre comme neutres; mais ils sont visités, et saisis, et amenés dans un port du capteur pour y être jugés, sous le soupçon d'être des ennemis, ou d'avoir dérogé à leur caractère de neutralité, en faisant un commerce de contrebande. C'est pourquoi la formule de condamnation par la cour d'amirauté déclare le bâtiment, ou les marchandises condamnés, propriété de l'ennemi, n'importe qu'ils appartiennent effectivement à l'ennemi, ou

qu'ils soient regardés comme ayant renoncé à leurs priviléges comme neutres, en faisant un commerce illicite. Ce n'est pas une réponse qui doit contenter le navigateur américain. que de lui dire que son bâtiment n'est pas visité comme américain, si la visite est suivie par la recherche la plus rigoureuse, par la détention et par être conduite dans un port étranger, pour y être jugé par un tribunal étranger, entraînant la perte du voyage, la détérioration des marchandises et la destruction de l'équipage par un climat pestilentiel. Il doit lui être parfaitement indifférent que son voyage soit interrompu parce qu'il est Américain et soupçonné d'avoir violé les lois de son propre pays, ou parce qu'il est soupçonné de ne pas être Américain bonæ fidei, et d'avoir violé les lois et les traités d'autres pays, en simulant ce caractère. S'il est engagé dans un commerce innocent, tout ceci lui est parfaitement indifférent, et même s'il est gravement suspect d'être engagé dans un commerce prohibé par les lois de son propre pays, il est exempt d'être visité sur les mers, en temps de paix, par les vaisseaux armés d'un pays étranger, et d'être arrêté pour être ensuite jugé par des tribunaux étrangers. Pour maintenir la doctrine contraire, il faut montrer quelque traité auquel son pays est partie contractante, ou quelque loi publique généralement reconnue comme formant partie du code du droit des gens universel.

Lord Aberdeen ajoute encore « qu'il a été d'usage invariable dans la marine anglaise, et, comme on croit, dans toutes les marines, de déterminer par la visite la nationalité des bâtiments marchands sur l'Océan, s'il y a de bonnes raisons de soupçonner leur caractère illégal. »

On peut se dispenser de demander des preuves de l'existence d'un pareil usage comme un fait, en démontrant qu'il n'a jamais été sanctionné par l'autorité des publicistes comme un droit. Nous avons vu que le principe contraire est maintenu par lord Stowell, en donnant ses conclusions dans le cas

du bâtiment français le Louis déjà cité. Dans ce jugement il déclare «qu'on ne peut trouver aucune autorité qui accorde un droit de visite ou d'interruption sur les bâtiments d'un autre état sur l'Océan, excepté celui que donnent les droits de la guerre aux puissances belligérantes contre les neutres. » L'assertion de ce savant magistrat, qu'on ne peut pas trouver une telle autorité, est suffisante pour prouver qu'elle n'existe pas.

Examinons un peu plus attentivement l'argument de lord Aberdeen. Il ne nous dit pas quelles seraient les conséquences de la visite, en supposant que les soupçons qui l'ont amenée se trouvent confirmés d'après le jugement de l'officier de marine chargé de l'opérer par suite de l'examen qui peut s'ensuivre. La visite n'est qu'un moyen pour arriver à un but, et si elle n'est pas accompagnée d'un examen du bâtiment, des papiers, de la cargaison et de l'équipage, elle serait, comme il a été déjà remarqué, une vaine cérémonie et une interruption vexatoire du navigateur dans son voyage, suivi de plus d'inconvénients pour lui que d'avantages pour la police maritime. Quel est ce «< caractère illégal» d'un bâtiment dont le soupçon autorise la visite par toutes les marines? Est-ce le caractère qui est démontré par des actes prohibés d'après les lois et les traités du pays auquel appartient le bâtiment en question, ou d'après les lois et les traités du pays auquel le vaisseau armé appartient, on enfin d'après la loi générale des nations? A ces diverses suppositions des considérations différentes sont applicables, mais nous voulons limiter nos observations au cas d'un bâtiment soupçonné d'être coupable de quelque crime contre le droit des gens, tel par exemple que la piraterie comme elle est définie par le code universel des nations.

Sur cette question nous pouvons citer l'autorité de la cour suprême des États-Unis, dans une sentence prononcée dans le cas d'un bâtiment marchand portugais, armé pour sa propre défense et saisi en 1821 par un vaisseau américain, armé et

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