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>>> C'est cette liste qui a fait la base de nos règlements de commerce maritime; nous l'avons toujours suivie, soit dans les guerres précédentes, soit dans la guerre actuelle, et elle nous paraît épuiser tous les articles qui appartiennent de fait à la contrebande proprement dite. Si elle pouvait être susceptible d'une nouvelle extension, nous n'y comprendrions jamais du moins le bois de construction, qui est une des principales productions du royaume de Prusse, et qui a toujours été regardé comme un objet de libre commerce dans toutes les guerres maritimes.

>> Le plénipotentiaire américain, M. Adams, répondit à cette communication que le principe sur lequel on s'est fondé, en proposant le changement relatif à la sûreté des propriétés ennemies à bord des bâtiments neutres, est, que par le droit ordinaire des gens, en temps de guerre maritime, les propriétés ennemies à bord des vaisseaux neutres sont sujettes à capture, et les propriétés neutres à bord des vaisseaux ennemis sont libres. Que cette règle ne peut être changée que par un consentement général de toutes les puissances maritimes, ou par des traités particuliers, dont les engagements ne peuvent s'étendre qu'aux parties contractantes. Que le principe contraire, dont l'établissement devait être un des principaux objets de la neutralité armée, pendant la guerre de l'indépendance de l'Amérique, n'avait pas été reconnu universellement, même à cette époque, et n'a pas été maintenu pendant la guerre actuelle par aucune des puissances qui accédèrent dans le temps à ce système. Que la Prusse même, tant qu'elle a été partie belligérante dans sa dernière guerre, ne l'admettait pas; et qu'au moment actuel l'ancien principe du droit des gens subsiste dans toute sa force entre toutes les puissances, excepté dans les cas où la règle contraire est stipulée pas les engagements d'un traité positif.

>> En proposant donc de reconnaître la liberté des propriétés neutres à bord des vaisseaux ennemis, et de reconnaître

comme sujettes à capture les propriétés ennemies à bord dest vaisseaux neutres, on n'a voulu que confirmer par le traité les principes qui existent au moment même, indépendamment de tout traité; on a voulu, non faire, mais éviter un changement à l'ordre actuel des choses.

>> Loin de vouloir prescrire sur ce point aux puissances belligérantes, on n'a pas supposé qu'un accord entre la Prusse et les États-Unis pût, en aucune manière, servir de règle à d'autres puissances n'ayant pas de part au traité, pour légitimer des prises; et comme l'effet de cette convention, même entre les hautes parties contractantes, ne saurait regarder que l'avenir sans être rétroactif, on s'est bien moins imaginé que les réclamations et procédures des sujets des puissances neutres, soit en Angleterre, soit en France, pour des prises illégales, en pussent être de manière quelconque affectées.

» On a tout aussi peu cru tomber en contradiction avec les puissances du Nord, qui ne peuvent être liées par un traité auquel elles ne seraient pas parties contractantes; d'ailleurs cette contradiction ne saurait regarder la Russie, puisque loin de soutenir le principe que le pavillon doit protéger les propriétés, elle s'est engagée, par sa convention avec la GrandeBretagne, en date du 25 mars 4793, à employer tous ses efforts pour l'empêcher pendant la guerre actuelle.

>>> La Suède et le Danemark, par leur convention du 27 mars 1794, s'engagent réciproquement, et vis-à-vis de l'Europe entière, de ne vouloir prétendre, dans les cas qui ne sont point exprimés dans les traités, à aucun avantage qui ne soit fondé sur le droit des gens universel, «reconnu et respecté jusqu'à présent par toutes les puissances, et par tous les souverains de l'Europe. » On ne conçoit pas qu'il soit possible de comprendre sous cette description le principe que les propriétés doivent suivre le sort du pavillon sous lequel elles voguent; et l'on pourrait ajouter qu'une expérience constante a démontré l'insuffisance des convois armés pour protéger ce

principe, puisqu'on les voit régulièrement suivre sans résistance leurs convois dans les ports des puissances belligérantes, pour y être jugés d'après les principes établis dans leurs tribunaux, qui sont entièrement contraires à celui de neutraliser la cargaison par le navire.

» D'après l'usage dans les tribunaux de toutes les puissances maritimes, les preuves du caractère de la cargaison doivent être distinctes de celles qui concernent le navire dans les traités mêmes qui adoptent le principe de couvrir les propriétés par le pavillon, il est ordinaire de stipuler pour des papiers qui désignent la cargaison, afin de prouver qu'il n'y a pas de contrebande. La charte partie, ou les connaissements, sont parmi les papiers que leurs excellences citent comme requis dans les tribunaux maritimes prussiens, et qu'elles proposent de désigner comme nécessaires dans le nouveau traité. Il semble donc que l'adoption du principe en question n'exigerait pas un papier de plus, et par conséquent n'ajouterait rien aux embarras des procédures contre les armateurs; ou tout au plus, si peu de chose, qu'on peut le regarder comme un faible inconvénient, en comparaison des pertes et des souffrances que cause la reconnaissance d'un principe abandonné déjà par presque toutes les puissances maritimes, et qu'aucune d'elles ne soutient efficacement, d'un principe auquel celle des hautes parties contractantes qui serait ́en guerre se trouverait liée par un engagement désavantageux, tandis que son ennemi ne le respecterait pas, et celle qui serait neutre n'y présenterait à ses sujets ou citoyens l'appât d'un commerce libre que pour le voir interrompre, intercepter et détruire.

» Mais comme la façon de penser de ce gouvernement paraît en quelque sorte différer de celle du gouvernement des États-Unis au sujet du principe prescrit par le droit des gens, et comme plusieurs inconvénients paraissent à leurs excellences pouvoir résulter de la substitution d'un principe con

DEPUIS LA RÉVOLUTION FRANÇAISE traire à celui que contenait l'ancien traité, le soussigné a l'honneur de leur proposer d'omettre entièrement cette partie de l'article, et de ne rien stipuler sur ce point, ce qui le laissera absolument dans la situation où il se trouve maintenant, sans engager l'une ou l'autre des hautes parties contractantes à une stipulation quelconque à cet égard. Et comme l'établissement d'un principe stable et permanent, avec l'espoir de le voir soutenu et respecté dans les guerres futures, est un objet important au commerce en général, et à celui des hautes parties contractantes en particulier, le soussigné consentira volontiers à une stipulation éventuelle pareille à celle que leurs excellences proposent, mais qui, sans impliquer de part ou d'autre l'admission d'un principe contesté, en remettra la décision à l'époque qui suivra la paix générale, soit par un accord ultérieur entre les hautes parties contractantes, soit par un concert avec les autres puissances intéressées. Et les États-Unis seront toujours disposés à adopter les principes les plus étendus qu'on puisse désirer en faveur de la liberté du commerce neutre en temps de guerre, du moment où l'on pourra se flatter de les voir adopter et reconnaitre d'une manière qui puisse en assurer l'exécution.

>> Quant à la liste de contrebande, le soussigné se persuade que son gouvernement n'a voulu spécifier les articles cités dans sa dernière note, que parce qu'il les considérait comme également compris dans la classe des articles de contrebande par le droit des gens, indépendamment des traités; cependant, comme le bois de construction forme un objet si important au commerce prussien, en consentant à l'omettre de la liste proposée, il ne doute pas que ce témoignage d'une disposition à se conformer aux désirs du gouvernement de Sa Majesté ne soit entièrement approuvé de celui des États-Unis.»

Les plénipotentiaires prussiens répondirent de nouveau à cette note, en exprimant leur désir d'apporter toute la célérité et toutes les facilités imaginables à la négociation qu'ils

étaient appelés à traiter avec M. Adams. Ils disaient ensuite que quelles que soient à cet égard les dispositions réciproques de M. Adams, il paraît cependant qu'il a eu de la peine à reconnaître la force des raisons qui nous empêchent d'agréer les changements proposés relativement à l'article VII du traité de 1785. Il nous objecte que, par le droit ordinaire des gens, les propriétés neutres à bord des vaisseaux ennemis sont libres en temps de guerre. Cette règle, il est vrai, a été suivie autrefois par la plupart des puissances de l'Europe, et elle se trouve établie dans plusieurs traités du quinzième et du quatorzième siècle; mais il est connu aussi qu'elle a été abandonnée, depuis que les inconvénients qui en sont résultés ont déterminé les nations maritimes et commerçantes à s'en départir. Dès l'année 1646, les deux traités conclus par les états-généraux des Provinces-Unies avec la France et avec l'Angleterre, ont stipulé que « les vaisseaux amis et neutres rendraient aussi leurs cargaisons libres; » et ce principe une fois posé, il a été reproduit et conservé dans presque tous les traités conclus depuis cette époque entre les nations commerçantes de l'Europe. La convention arrêtée entre la Russie et l'Angleterre, en 1798, que M. Adams cite dans sa note, est exclusivement dirigée contre la France, et n'est ainsi qu'une exception à la règle; et s'il est vrai, en général, que dans les commencements de la guerre actuelle les puissances coalisées ont cru devoir s'écarter du principe reçu, cette déviation momentanée ne peut et ne doit être attribuée qu'à des circonstances tout à fait particulières, et il n'en est pas moins décidé que la Prusse n'a eu qu'un seul et même système permanent relativement au commerce et à la navigation neutres. Il est fondé sur la maxime énoncée dans l'article XII de son ancien traité avec les États-Unis de l'Amérique, et cette règle s'accorde mieux que toute autre avec les convenances des nations commerçantes; elle abrége les formalités des preuves à fournir sur la propriété des différentes cargaisons d'un même na

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