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que Napoléon avait le dessein de pousser l'aile gauche sur le centre, et par là d'effectuer la séparation de l'armée anglaise de celle de Prusse, qu'il croyait devoir se retirer sur Maëstricht. Dans ce dessein, il avait placé la plus grande partie de sa réserve dans le centre, contre son aile droite, et c'est sur ce point qu'il attaqua avec fureur : l'armée anglaise combattit avec un courage qu'il est impossible de surpasser. Les charges répétées de la vieille garde furent repoussées par l'intrépidité des régiments écossais, et à chaque charge la cavalerie française était renversée par la cavalerie anglaise; mais la supériorité en nombre de l'ennemi était trop grande. Napoléon ramenait continuellement des masses considérables, et quelque fermeté que les troupes anglaises missent pour se maintenir dans leurs positions, il n'était pas possible que tant d'efforts héroïques n'eussent un terme. Il était quatre heures et demie la difficulté extrême du passage par le défilé de Saint-Lambert avait considérablement retardé la marche des troupes prussiennes, de sorte qu'il n'y avait que deux brigades du quatrième corps qui fussent arrivés à la position couverte qui leur avait été assignée.

Le moment décisif était arrivé, il n'y avait pas un instant à perdre les généraux ne le laissèrent pas échapper. Ils ; résolurent de commencer l'attaque sur-le-champ avec les troupes qu'ils avaient sous la main. En conséquence, le général Bulow, avec deux brigades et un corps de cavalerie s'avança rapidement sur le derrière de l'aile droite de l'ennemi; l'ennemi ne perdit pas sa présence d'esprit ; il tourna dans l'instant sa réserve contre nous et de son côté commença un combat meurtrier. Le succès de ce combat demeura longtemps douteux, pendant que la bataille avec l'armée anglaise continuait avec la même violence.

Vers les six heures du soir, nous reçûmes la nouvelle que le général Thielmann, avec le troisième corps, était attaqué près de Wavres par un corps très considérable de l'ennemi, et que déjà l'on se disputait la possession de la ville. Le feld-maréchal ne fut pas cependant beaucoup inquiet de cette nouvelle. C'était sur le lieu où il était et non pas ailleurs que l'affaire devait se décider. On ne pouvait obtenir

la victoire que par un combat soutenu continuellement avec la même opiniâtreté, et par de nouvelles troupes, et si on pouvait l'emporter sur le lieu où l'on était, tout revers du côté de Wavres était de peu de conséquence : c'est pourquoi les colonnes continuèrent leur mouvement; il était sept heures, et l'issue de la bataille était encore incertaine. Tout le quatrième corps et une partie du deuxième, sous le général Pwich, avaient été successivement engagés. Les troupes françaises combattaient avec toute la fureur du désespoir; cependant, on pouvait apercevoir quelques incertitudes dans leurs mouvements, et on observa que quelques pièces de canon se retiraient. Dans ce moment, les premières colonnes du corps du général Zeithen arrivèrent sur les points d'attaque, près du village de Smonhen, sur le flanc gauche de l'ennemi; elles chargèrent sur-le-champ. Ce moment décida la défaite de l'ennemi; son aile droite fut rompue en trois endroits et il abandonna ses positions. Nos troupes se précipitèrent alors au pas de charge et attaquèrent l'ennemi de tous les côtés, pendant que toute la ligne anglaise s'avançait.

Les circonstances étaient extrêmement favorables à l'attaque par l'armée prussienne; le terrain s'élevait en amphithéâtre, de manière que notre artillerie pouvait ouvrir librement son feu du sommet de plusieurs hauteurs qui s'élevaient graduellement l'une au-dessus de l'autre, et entre lesquelles la troupe descendue dans les plaines se formait en brigades et dans le plus grand ordre, tandis que de nouvelles troupes se développaient continuellement au sortir de la forêt sur les hauteurs de derrière.

L'ennemi cependant conservait encore des moyens de retraite jusqu'à ce qu'on eût emporté, après plusieurs attaques sanglantes, le village de Planchenet, qui était sur ses derrières défendu par sa garde. Dès ce moment-là, la retraite devint une déroute qui s'étendit bientôt à toute l'armée française.

Il était neuf heures et demie, le feld-maréchal assembla tous les officiers supérieurs et donna l'ordre d'envoyer à la poursuite de l'ennemi jusqu'au dernier cavalier. L'avantgarde de l'armée accéléra sa marche, L'armée française,

poursuivie sans relâche, était tout à fait désorganisée. La chaussée présentait l'image d'un immense naufrage; elle était couverte d'une immense quantité de canons, de caissons, de chariots, de bagages, d'armes et de débris de toute espèce. Ceux de l'ennemi qui voulaient se reposer, ne s'attendant pas à être poursuivis si vivement, furent repoussés successivement de plus de neuf bivouacs; ceux qui voulaient se maintenir dans les villages, ou prenaient la fuite au premier son d'un tambour ou d'une trompette, ou, se retirant dans les maisons, étaient taillés en pièces. Le clair de la lune favorisait beaucoup la poursuite de l'ennemi qui n'était qu'une chasse continuelle, soit dans les champs, soit dans les maisons.

L'ennemi s'était retranché à Genappe avec du canon et des chariots renversés; nous fûmes exposés en y entrant à un feu très vif de mousqueterie, auquel nous répondìmes par quelques coups de canon suivis d'un hourra, et, bientôt après, la ville fut à nous.

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Ce fut là, qu'entre autres équipages, on prit la voiture de Napoléon il venait de la quitter pour monter à cheval, et avec tant de précipitation, qu'il y avait oublié son épée et son chapeau. Les affaires continuèrent ainsi jusqu'à la pointe du jour. Environ 40,000 hommes dans le plus grand désordre, ce fut tout ce que l'ennemi put sauver dans sa retraite de Charleroi; 27 pièces de canon furent tout ce qu'il emmena de sa nombreuse artillerie. Nous n'avons pas de détails exacts de la perte de l'ennemi, il suffit de savoir que les deux tiers de l'armée ont été tués, blessés ou faits prisonniers. Parmi ces derniers, sont les généraux Mouton, Duhesme et Compan. Nous avons en notre possession environ trois cents canons et plus de cinq cents caissons. Cette bataille a été nommée la Belle-Alliance, du nom d'une ferme ou se tenait Napoléon pendant la bataille, et où, après la victoire, le feld-maréchal Blücher a rencontré le duc de Wellington.

FIN DE L'APPENDICE.]

TABLE DES MATIÈRES

DU TOME TROISIÈME ET DERNIER

CHAP. Ier.
II.

III.

IV.
V.

VI.

VII.

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Lucien Bonaparte en Italie (1804-1805).......
Lucien Bonaparte dans les États Romains
(1805-1806)..........

Lucien Bonaparte dans les États Romains
(1806-1807)....

L'entrevue de Mantoue (12 décembre 1807)...
Charlotte Bonaparte à la cour impériale

(1807)....

49

66

82

127

Lucien Bonaparte en Angleterre (1810-1814)... 158
Lucien Bonaparte, prince de Canino (1814)....

VIII. L'île d'Elbe (1814)..

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175

190

IX.

205

X.
XI.

229

285

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Paris. Imp. E. CAPIOMONT et V. RENAULT, rue des Poitevins, 6.

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