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prennent alors le nom de côtés. Ni les lignes ni les angles ne peuvent être dans ce sens qualifiés du nom de figures, puis que, par abstraction, nous supposons les premières n'avoir qu'une seule étendue, et que les angles laissent échapper l'espace par leur ouverture d'une manière indéfinie.

Les figures tirent leurs noms du genre et du nombre de leurs côtés. On les nomme

figures planes lorsqu'on peut appliquer une règle en tous sens sur leurs superficies; une feuille de papier roulée présente au contraire une figure courbe. Lorsque les côtés d'une figure sont droits, la figure est rectiligne ; elle est curviligne ou mixuligne suivant que les côtés sont composés de courbes seules, ou de courbes et de droites mêlées. Ces deux derniers genres de figures, pour être mesurés, ont besoin d'être ramenés à la figure rectiligne, puisque la ligne droite sert d'unité de comparaison des lignes entre elles. C'est ce qui fait que, pour mesurer le cercle, l'ellipse et les autres espaces enfermés par des lignes courbes, on est obligé de les considérer comme des surfaces dont les côtés sont droits, mais infiniment petits. Ces rapports de la droite à la courbe restent toujours plus ou moins faux: c'est le sujet de la fameuse quadrature du cercle(voy.).

Une figure est équilatère ou équilatérale quand tous ses côtés sont égaux entre eux. Des figures sont équilatérales lors que leurs côtés homologues sont égaux chacun à chacun, même quand ces figures considérées séparément sont irrégulieres. On appelle côtés homologues ceux qui ont la même position, chacun dans la figure à laquelle il appartient. Une figure est équiangle lorsque tous ses angles sont égaux. La similitude des angles d'une figure avec les angles correspondants d'une autre rend ces figures équiangles, nonobstant l'irrégularité de chacune d'elles. Un losange n'est jamais une figure équiangle, et deux losanges peuvent être des figures équiangles s'ils ont la même configuration ou du moins leurs angles semblables.

Lorsqu'une figure est à la fois équilatérale et équiangle, c'est-à-dire que tous ses côtés et ses angles sont égaux, elle est dite régulière: tels sont le carré, le trian

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gle équilatéral, le cercle, le cube, la sphère, etc. La figure est irrégulière, soit qu'elle varie dans ses angles, soit qu'elle ait ses côtés inégaux.

On appelle figure inscrite celle qui est complétement renfermée dans une autre, laquelle se trouve circonscrite par rapport à la première.

Les figures sont semblables lorsque leurs angles homologues sont égaux et leurs côtés correspondants proportionnels. Les surfaces des figures semblables sont entre elles comme les carrés de leurs dimensions analogues; et les cercles, qui sont nécessairement des figures semblables, sont entre eux comme le carré de leurs rayons, ou de leurs diamètres, ou de leurs circonférences. Les contours des figures semblables suivent le rapport simple des côtés, et leurs surfaces suivent le rapport simple des carrés des côtés. Si, par exemple, le côté d'une figure est trois fois plus grand que celui d'une figure semblable, le contour de la première sera triple du contour de la seconde, et sa surface neuf fois plus grande. La même chose aura lieu pour les solides semblables qui seront entre eux comme le cube de leurs côtés homologues, c'est-à-dire que si le côté d'un polyèdre est trois fois plus grand que celui d'un polyèdre semblable, le volume de ce dernier sera contenu vingt-sept fois dans le premier. Les sphères, solides toujours semblables, seront donc entre elles comme le cube de leurs rayons, de leurs diamètres ou de leurs circonférences.

L'espace ne peut être enfermé par une seule ligne que lorsque cette ligne est courbe et se rejoint: telle est la circonférence, l'ellipse, la sphère, l'ellipsoïde, etc. Une droite et une courbe ou deux courbes peuvent produire des figures de deux côtés : le segment du cercle, le segment (calotte) sphérique, le demi-cercle, la demi sphère, le cône, etc., sont de cette espèce; mais il ne peut pas y avoir de figures rectilignes à moins de trois côtés, car deux lignes droites, soit parallèles, soit obliques, laisseront un vide si loin qu'on les imagine prolongées. Le triangle est donc la figure rectiligne la plus simple que l'on puisse concevoir.

Toute figure rectiligne a autant d'an

ainsi qu'un polygone, quel que soit le nom-
bre de ses côtés, peut se métamorphoser
en triangle sans rien changer à sa surfa-
ce, de même que la figure conique d'un
cornet de papier se déroule en un sim-
ple triangle sans rien perdre de sa super-
ficie.
L. L-T.

gles que de côtés; nous avons déjà dit à propos des figures curvilignes qu'elle pouvait en avoir une infinité; si le nombre n'en est pas déterminé et que ce soit une surface, c'est un polygone: voilà pourquoi le cercle peut être considéré comme un polygone régulier d'une infinité de côtés; on nomme cette figure polyèdre quand c'est un solide.

Donnons maintenant les noms des différentes figures suivant le nombre de leurs côtés.

Le triangle ou trilatère n'a que trois angles et trois côtés; le cylindre et le cóne tronqué sont aussi des figures de trois côtés.

FIGURE (beaux-arts). Dans la langue de l'art, ce mot désigne plus particulièrement la configuration de l'homme. La figure humaine étant l'objet le plus élevé, le plus beau, que les arts du dessin aient à représenter, c'est à son étude que l'artiste doit ses soins les plus assidus. Car sans la connaissance parfaite de ses formes, de leurs variations sous les influences de la volonté, des passions, des sexes, des âges, du tempérament, des habitudes, etc., etc.; sans la science de sa

Les figures de quatre côtés sont nommées quadrilatères et gardent ce nom lorsqu'elles sont irrégulières; ou bien ce sont des trapèzes, lorsque deux lignes seulement sont parallèles, et des paral-structure, de son mécanisme; sans une lélogrammes, lorsque leurs côtés sont parallèles deux à deux. On distingue parmi les parallelogrammes : le carré, la plus parfaite des surfaces et qui leur sert d'unité de mesure; le rectangle ou carré long; le losange ou rhombe, dont les côtés sont égaux et les angles inégaux; et le rhomboide, espèce de losange dont les côtés sont inégaux. Les pyramides ayant un triangle pour base, ou triangulaires, sont aussi des figures de quatre côtés.

La surface de cinq côtés se nomme pentagone, le solide en ayant le même nombre se nomme pentaèdre. La pyramide quadrangulaire (ayant un quadrilatère pour base), le prisme triangulaire, sont des pentaèdres.

étude comparative, et des beaux sujets offerts par la nature, et des merveilleux ouvrages de la statuaire grecque; enfin sans l'art de réunir, de combiner, de recomposer en quelque sorte les belles formes offertes par la nature et d'arriver ainsi au beau idéal, vers lequel doivent tendre tous ses efforts, l'artiste ne sera qu'un simple imitateur, qu'un ouvrier sans vocation; il ne produira que des figures sans élégance, sans beauté, sans accord, ajoutons sans expression et sans vie. Quel est l'homme expérimenté qui n'a reconnu qu'une figure, dite académique, est inerte sans le secours de la nature, et qu'elle manque d'élégance sans le secours de l'art; que sans vérité elle n'est rien, et rien non plus sans art; qu'il faut le concours de ces deux éléments pour produire une œuvre de génie, et que hors de là l'artiste risque de ne rencontrer que la trivialité ou des formes de pure convention?

La figure de six côtés est un hexagone si c'est une surface, un hexaèdre si c'est un solide. Tous les prismes ayant des quadrilatères pour base sont des hexaèdres : tels sont le cube, le plus parfait des solides, unité de mesure, et les parallelipipèdes. Par figure académique on n'entend pas Les figures de sept, huit, neuf, dix, seulement, comme on vient de le voir, la reonze, douze côtés, sont des heptagones présentation, par des lignes et des ombres, ou heptaèdres, octogones ou octaèdres, du modèle vivant, tel qu'il s'est présenté ennéagones ou ennéaèdres, décagones à la vue, mais cette même figure idéaliou décaèdres, hendécagones ou hendé-sée, embellie de la poésie et de l'art. L'Encaèdres, dodecagones ou dodécaèdres, dymion de Girodet est une figure acadéetc., suivant que ce sont des surfaces ou mique. Quelle académie! des solides. Voy. POLYGONE.

Une grande et féconde propriété des figures rectilignes, c'est de pouvoir se réduire à la plus simple de leur genre: c'est

Dans un dessin, dans un bas-relief, dans un tableau, dans un groupe de sculpture, on appelle figure principale celle qui fait le sujet de la composition, celle qui

commande aux autres, autour de laquelle tout s'arrange, se combine. Centre d'ac tion, c'est elle qui reçoit la lumière principale, attire d'abord l'attention, distribue les rôles aux autres personnages, enfin donne la vie à l'ouvrage.

On Domme figurine une figure de petite proportion en bronze, en argent, en marbre, en terre cuite, en plâtre, etc.; en peinture, ce sont des figures de très petite proportion, et accessoires, comme en renferment certains tableaux flamands. L. C. S. FIGURE (marine). C'est tantôt une statue d'homme ou de femme, héros ou déesse, qu'on met à cheval au sommet de la guibre d'un navire; tantôt un buste, la figure d'un animal, un écusson qui surmonte le taille-mer. Les anciens décoraient la proue de leurs navires de peintures et de sculptures: une tête d'éléphant, de cheval, de baleine, une statuette de Castor, de Pollux, ou d'une autre divinité honorée par les gens de mer, étaient les figures les plus ordinaires qu'ils plaçaient àl'avant des vaisseaux. Le même usage s'est perpétué jusqu'à nous à travers le moyenage. Les Scandinaves avaient d'effrayantes figures à la proue de leurs drakros et de leurs snekars, afin de jeter l'épouvante parmi les marins ennemis contre lesquels ils allaient à l'abordage. Les Chinois portent sur l'avant de leurs jonques la figure du dragon sacré. Au xvi* siècle l'avant des navires recevait en général la figure d'un animal féroce, et au xvii c'était encore une chose traditionnelle, à ce point que la guibre s'appelait le bestion, ou portebete. L'animal le plus ordinairement représenté était le lion: aussi les matelots nommaient-ils souvent de ce nom la guibre elle-même. A la fin du XVIIe siècle, on commença à substituer au lion la figure d'une syrene portant une couronne, allusion à l'empire de la mer que l'on se diputait alors. Au XVIIIe siècle, on décora l'éperon des vaisseaux de figures humaines ou emblématiques représentant le dieu, le héros, la femme dont le navire portait le nom : ainsi l'image de Jupiter, de Tourville, d'Amphytrite, etc., fut placée sur le Jupiter, le Tourville et l'Amphytrite. On remarqua que cette grande statue, bien que taillée dans du bois blanc, alourdissait l'avant des navires; on s'aperçut que

cette sculpture était une dépense inutile, et beaucoup d'armateurs la supprimèrent. Les bâtiments de l'état gardèrent leurs figures, presque toujours peintes en blanc. Aujourd'hui on en voit qui portent des figures, d'autres portent seulement un écusson aux armes de France, quelquefois présenté par un petit génie sculpté. La mode a fait ces changements. A. J-L.

FIGURÉ (SENS) se dit, en rhétorique, lorsqu'un passage a un sens littéral qui présente à l'esprit quelque autre chose que ce qu'on pouvait d'abord comprendre. L'abus des figures est toujours un défaut; mais il arrive parfois que, notre langue manquant de termes précis pour exprimer une idée, nous nous voyons obligés d'y substituer l'expression d'un objet qui tombe sous les sens. C'est pour cela qu'en littérature, comme en histoire, et même en sciences, le sens figuré se rencontre à des intervalles plus ou moins rapprochés. Mais c'est surtout dans l'oraison funèbre et dans les poésies d'enthousiasme, comme l'ode ou l'épopée, que l'on en fait usage. Les poésies orientales en sont remplies. Le sens figuré appliqué aux allégories et aux proverbes offre souvent l'avantage de les graver plus aisément dans la mémoire. D. A. D.

La langue maritime, toute poétique, est remarquable par l'originalité de ses figures; sa nomenclature est presque entièrement figurée. Pour dire forcer de voile, augmenter la voilure, le marin dit : faire de la toile; trope énergique et qui a beaucoup de caractère. S'il veut exprimer que le vent est d'une force terrible, il dira: Il vente à décorner les bœufs.Veutil parler d'un homme brave, fort, capable, il emprunte sa comparaison au chanvre, dont les plus longues et les plus solides fibres, appelées premiers brins, sont employées à faire les meilleurs cordages, et il dit : C'est un homme du premier brin. Le second brin est inférieur à celui-ci, et ne fait que des cordes médiocres. Clapotis, clapotage, exprimant l'état de la mer qui, renfermée dans un espace étroit, s'élève en petites lames, s'entrechoquant et faisant cla-cla-cla, est une onomatopée de la famille de cliquetis, claquer, cliquer, etc. Espalmer, frotter avec la main, è palmá, est un mot si

Enificatif. Bord est le nom de la planche | dans les langues du Nord, et le navire s'appelle figurativememt le bord. On capète une manœuvreà un mât, c'est-à-dire qu'on passe cette manœuvre, disposée en bague, en œillet,autour de la tête (caput)du mât. On met un navire à la cape quand le vent est contraire et violent; et le navire porte son cap, sa tête, dans le vent, pour lui résister et lutter contre lui. Le cutter tient son nom de ce qu'il coupe l'eau avec son éperon tranchant (culter) mieux que tout autre navire : il est cou-trique et qu'il semble moins apprêté. peur, et c'est ce qu'exprime le mot anglais cutter.

qu'un agencement agréable à l'œil, d'entrées sans aucune signification, les figures irrégulières doivent naturellement avoir la préférence. Les comparses (voy. ce mot et FIGURANTS) ne sont plus de simples automates se portant tous à droite ou à gauche, en haut ou en bas, comme par un mécanisme. Chaque groupe prend part à l'action d'une manière conforme aux passions qui sont censées l'agiter, et contribue à former un tableau d'autant plus pittoresque qu'il est moins symé

Nous pourrions multiplier ces exemples, mais nous en avons dit assez pour donner une idée du génie de la langue maritime, que tous les peuples naviguants ont enrichie de figures excellentes. Le vocabulaire de marine français est plus riche en tropes que ceux des autres peuples, parce que notre langue procède à la fois de celles du Nord et du Midi. La France est un vaisseau qui a une ancre mouillée dans l'Océan et l'autre dans la Méditer ranée : les langues de ces deux mers ont monté le long des câbles, et le mélange, les transformations, les compositions se sont faites à bord. A. J-L.

FIGURES (danse). Les chorégraphes entendent par ce mot le chemin que l'on suit en dansant. Cette ligne droite ou courbe prend toutes les inflexions imaginables et correspondantes aux différents dessins du maitre de ballets. Les figures sont régulières ou irrégulières lorsque le chemin que parcourent les groupes de danseurs de chaque côté de la scène est ou n'est pas identiquement le même. Les anciens compositeurs n'employaient presque que les figures régulières : les ballets dénués d'action se composaient de quelques entrées exécutées par les premiers sujets, et dans l'intervalle desquelles les chœurs, divisés méthodiquement, formaient, avec une harmonie froide et compassée, divers mouvements symétriques. Ces évolutions, répétées par tous les artistes avec une désolante uniformité de pas, de gestes et d'attitudes, étaient les figures régulières. Aujourd'hui que nos ballets (voy.) ont au moins la prétention de représenter quelque chose et d'être plus

La danse de société a aussi ses figures connues de tout le monde et que la contredanse, depuis son introduction dans nos salons, a pris à peine le soin de varier une ou deux fois. Chaque quadrille (voy.) se compose de cinq figures principales: le pantalon, l'été, la poule, la pastourelle, la finale. Au commencement de ce siècle, le célèbre danseur Trenis a eu l'insigne honneur de jeter un peu de variété dans ce monotone répertoire, en substituant à la pastourelle la figure qui porte son nom. Ces figures principales se composent elles-mêmes de figures secondaires, telles que l'en avantdeux, la chaîne anglaise, la chaîne des dames, le moulinet, le balancé, le chassez-croisé et la classique queue du chat. Il y avait autrefois dans les bals un homme chargé de dire à haute voix les figures aux danseurs : cette coutume ne s'est conservée que dans les établissements publics où la réunion est nombreuse; dans les fêtes villageoises, c'est le ménétrier qui est chargé de cette fonction. Dans la bonne compagnie, tout le monde sait ou est censé savoir les figures. Il y a bien assez longtemps qu'elles reviennent toujours les mêmes pour que personne ne se montre bien fier de cet effort de mémoire. Voy. BAL et DANSE. V. R.

FIGURES DE RHÉTORIQUE. La rhétorique ancienne, née de l'observation, avait été d'abord l'étude des moyens employés par les grands orateurs. Développée ensuite par l'analyse du langage et par celle des procédés de l'esprit humain, elle ne se renferma pas, surtout chez les Grecs, dans le cercle des études nécessaires à la pratique et à la discussion des affaires. L'art de la parole devint pour

naire nous en trouverons autant que dans une page de Fléchier.

quelques hommes un art d'agrément, tandis que d'autres y portaient les subtilités d'une philosophie curieuse qui travaillait à rendre compte de tous les effets du style, et souvent avait le tort de chercher dans la dissection du discours les movens de lui donner la vie. L'art oratoire a sans doute profité de leurs travaux; mais souvent cette composition minutieuse des éléments du langage ne conduisait à aucun résultat dans l'application. Souvent aussi l'abus qu'ils faisaient de leurs observations et de leurs théories en faisait révoquer en doute l'utilité : c'est ce qui est arrivé pour les figures.

Dès que l'art de parler et d'écrire devint l'objet de quelques études, il ne fut pas difficile de remarquer dans le langage certaines formes saillantes qui appelaient l'attention et donnaient plus de vivacité, plus de grâce ou plus de force au discours. L'imagination des anciens saisit le rapport qui existait entre ces formes du langage et les différentes attitudes du corps. Ce rapport, elle l'exprima par le nom de oxiμata en grec et de figuræ en latin.

Si les figures ne sont autre chose que les poses et les attitudes qui reproduisent dans la parole tous les mouvements de la pensée, il est clair qu'on ne peut les définir « des manières de parler qui s'écartent de l'expression naturelle. » Rien au contraire de plus naturel; et plus le discours sera vivant et animé, plus elles s'y multiplieront pour répondre à tous les besoins de l'imagination et de la passion. On a remarqué que l'enfance des langues était riche en métaphores et en figures, qu'elles abondaient dans les discours des sauvages. Tout le monde peut voir que le langage populaire en est rempli : il n'est pas de proverbe qui n'en présente une ou plusieurs, et, comme on l'a dit avec raison, il s'en fait plus sur la place publique en un jour de marché que dans toutes les séances de l'Académie pendant une année. Nous ne citerons pas le petit discours, assez mal imaginé du reste, où Ton a fait entrer toutes les figures de rhétorique dans les imprécations d'une femme du peuple contre l'ivrognerie de son mari; mais nous ouvrirons Molière, et dans le monologue du Malade imagi

Encyclop. d. G. d. M. Tome XI.

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Les figures sont donc toutes les manières de parler qui s'écartent de la nudité de l'expression logique. Toute passion vive, tout mouvement énergique, s'exprimera donc avec leur secours. On aurait peine à citer un beau morceau de Bossuet dont la beauté ne disparût si on en effaçait les figures. Blair a remarqué que les sentiments tendres et touchants sont souvent exprimés dans un langage qui n'a rien de figuré. Cela est vrai, mais plus rare pourtant qu'il ne le pense. Ses exemples, un seul excepté, prouveraient contre lui. Il cite entre autres deux vers de Virgile où se trouvent cinq ou six figures, et la traduction française en a conservé deux, la répétition et l'apostrophe.

Tendre épouse,c'est toi qu'appelait son amour; Toi qu'il pleurait la nuit, toi qu'il pleurait le jour.

Mais si les figures sont un mérite comme manifestation spontanée des mouvements de la passion ou de l'imagination, l'étude en saurait-elle être utile, non pas comme analyse philosophique, mais comme préparation à l'éloquence? Il nous semble qu'il n'est pas possible d'en douter. Elle donne, par l'habitude, de la souplesse, de la variété, du mouvement, de la richesse au style; elle facilite l'intelligence des effets produits par les grands écrivains; elle prépare un cadre élégant et riche pour la pensée. Sans doute il ne faut

pas que le cadre soit vide; mais il est bon de connaître d'avance toutes les ressources du langage, afin d'en disposer au besoin. C'est ainsi que l'expression vient seule en parlant ou en écrivant, que ses formes variées répondent sans peine à toutes les exigences de la pensée, et qu'on n'a plus à s'occuper des mots quand on veut rendre ses idées.

Ce qui a jeté de la défaveur sur les figures, comme sur toutes les études de la rhétorique, c'est l'abus qu'on en a fait. On s'est accoutumé peu à peu chez les anciens à regarder ces études comme devant révéler tous les secrets de l'éloquence, tandis qu'elles ne peuvent donner qu'une plus grande facilité de travail. Les figures, au lieu d'exprimer les mouvements de l'âme, étaient devenues une espèce d'or

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