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voir retirer en 1786, après dix années de Tout ce que nous avons dit des machiprocès. Du reste, on doit le dire, on n'a nes à filer ne s'applique qu'au coton et à presque rien changé au métier continu la laine peignée et cardée. Le succès avait de cet inventeur; cependant il ne donne été complet : restait à obtenir le mème de bons fils pour les chaînes des étoffes, résultat pour la filature du chanvre et du pour la bonneterie, et pour coudre que lin. Ce fut dans ce but qu'en 1805 le jusqu'au degré de finesse n° 100. Ce fut gouvernement français offrit une prime pour obvier à ce défaut qu'un ouvrier de d'un million de francs à celui qui trouveLancastre, Samuel Crompton, composa rait le meilleur système de machines proure autre machine, ingénieuse combinai- pres à la filature de ces deux substances. son des systèmes des deux premiers in- | Le prix était magnifique: le concours fut renteurs. Cette machine, qui fut connue nombreux, et les essais d'abord faibles dès 1779, mais qui ne fut bien répan- ont bientôt acquis une grande perfection. due que vers l'an 1787, est appelée Mull-Le projet des frères Girard avait le mieux Jenny. Une récompense de 5,000 liv. st. (125,000 fr.) fut accordée à l'inventeur par une délibération du parlement.

Jusqu'en 1786, l'eau et les chevaux furent les seuls moteurs appliqués aux filatures de coton (powerlooms); ce n'est qu'à cette époque que Watt (voy.) le remplaça par des machines à vapeur. La première fut montée à Poplewick (comté de Nottingham. En 1787, Watt en fournit quatre autres; Manchester ne posséda des machines à vapeur pour la filature qu'en 1790. Foy. MACHINES et MÉTIER.

Ce n'est guère que depuis environ une douzaine d'années qu'en Angleterre et en France on fait usage des machines dites banc-à-broches (en anglais, spindle and flyroving frame). On n'y prépare bien que les fils de chaine assez forts pour résister à la grande vitesse des broches et au degré de tors qui leur est donné; mais il y a grande économie, et le prix de la façon se trouve réduit à plus de moitié. Le banc-a-broches est à trois laminoirs disposés comme dans la mull-jenny*.

Pour convertir une livre de coton en un fl bien mince de 100.000 pieds de long, il n'en coûte plus, grâce à cette invention, qu'environ 60 en 50 cent., et un seal ouvrier, aidé de ces puissantes machines, fait maintenant 150 fois on mème 200 fois plus de besogne que n'en faisait autrefois un fileur à la main. La consommation da eston, en Angleterre, est énorme: dans les quinze dernières années elle s'est élevée de 150 millions de livres à plus de 300 millions. L'exportation des États-Unis, en coton, nulle il ya 60 ans, est aujourd'hui annuellement de 300 millions de livres, et celle d'Égypte, inconnue encore il y a vingt ans, s'élève en de certaines années jusqu'à 30 et 40 millions de livres. On assure qu'en Angleterre et en Écosse il y a environ 100,000 powerlooms en mouvement, sans

compter les métiers a la main (C. L. der Gegen

Bart. Voir Porter,

S.

répondu au problème donné; après eux, venaient Mme la marquise d'Orgens et M. de Lafontaine. Plus tard, MM. Saulnier et Lagorzay, en apportant d'heureuses modifications au système des peignes continus, les ont rendus d'une application générale. MM. Dabo, à Paris, J. Collin, Laurent, etc., ont de même fait faire, de notre temps, d'utiles progrès aux machines à filer la laine peignée. Enfin la fi lature mécanique a été complétée le jour (et ce jour n'est pas encore très éloigné de nous) où elle fut appliquée aux étoupes (voy.) et à la bourre de soie (voy. FiLOSELLE).

:

Toutes les machines à filer le lin, le chanvre, etc., se composent d'une foule de pièces parmi lesquelles on remarque surtout le tambour étaleur, la machine à étirer et doubler, un boudinoir, une machine à filer en fin. Il faut que le lin et le chanvre, pour se filer, aient d'abord subi les diverses préparations connues sous les dénominations de l'étirage, du doublage, du boudinage, etc. De même pour la laine les préliminaires sont : le battage, le démêlage, etc. Le dévidage suit l'opération de la filature.

La filature de la laine et celle du coton ont pris en France, dans les 5 à 6 dernières années, une importance extraordinaire. Dans les environs d'Amiens, par exemple, le nombre des métiers à filer la laine s'élève à 360, divisés entre 42 filatures; ils produisent à peu près 1,100,000 livres de laine dans les nos de 25 à 60; l'estimation de tous ces métiers peut être portée à 720,000 fr.; plus de 2,000 ouvriers sont occupés à cette industrie. En filature de laine, Roubaix

Nous n'étendrons pas plus loin cet exposé de l'état actuel de la filature; les immenses progrès de cette vaste industrie sont connus de tout le monde. Pour en juger, il suffit de remarquer qu'en Angleterre, dans l'année 1786, le prix de la façon de 1 kilogr. de coton filé était de 30 fr., et qu'en 1819 il n'était plus que de 1 fr. pour 1 kilogr. de fil no 100. De même le prix de vente, qui était en 1790 de 80 fr., était descendu en 1819 à 10 fr. Personne n'ignore qu'à l'aide des ingénieuses et savantes machines dont nous avons donné l'historique un seul ouvrier file à la fois 3 à 400 fils. Hercule, le fort et puissant Hercule, habillé en femme et couché aux pieds d'Omphale, ne filait qu'un fil à la fois, et pourtant il était dieu ! E. P-C-T. FILAMENTS, voy. FILS.

(Nord) produit pour près de deux mil- | dites mull-jennys. Aujourd'hui, il est lions, et Tourcoing (Nord) pour plus du généralement reconnu que le coton se double. A Reims, on compte 275 à 280 file très bien en France jusqu'au no 140 assortiments en filature de laine cardée, et même un peu au-dessus*. et près de 55,000 broches ou 60 assortiments en filature de laine peignée, etc. On évalue à 170 millions de fr. la totalité des fils de coton obtenus, année moyenne, en France (voy. T. VII, p. 101). Les filatures les plus nombreuses sont : dans l'arrondissement de Lille, où il y en a 150, employant 600,000 broches; dans l'arrondissement de Saint-Quentin, où il existe 37 filatures garnies de 210,000 broches, qui produisent chaque année 3 millions de livres de fil de coton, valant 12 millions de francs; dans le département de la Seine - Inférieure, qui ne possède pas moins de 240 filatures grandes ou petites, fournissant 248,000 kilogrammes de filés par semaine; dans le département du Haut-Rhin, qui contient 40 filatures importantes, lesquelles, réunies à celles du Bas-Rhin et à celles avoisinant l'ancienne province d'Alsace du côté des Vosges et du côté des départements de la HauteSaône et du Doubs, forment un total de 56 filatures où il y a plus de 700,000 broches, produisant chaque année plus de 7 millions de kilogrammes de filés.

FILANGIERI (GAETANO, chevalier), célèbre publiciste italien, naquit à Naples, le 18 août 1752, de César, prince d'Arianiello, et de Mariana Montalto, de la maison des ducs de Fragnito. A en croire les prétentions de cette famille, ses aïeux seraient descendus des Normands, compagnons de Roger, qui, après avoir conquis la Sicile et la Pouille, en firent une monarchie nouvelle, au commencement du x1° siècle. Angerio, fils de l'un de ces Normands nommé Tunel, aurait été l'auteur de cette nombreuse postérité, et ses descendants se seraient honorés de porter le titre de Filii Angerii, d'où viendrait le nom de Filangieri. On conçoit facilement qu'un homme de la trempe de celui dont nous esquissons la vie s'inquiéta peu d'une aussi illustre origine. Ce fut dans son travail qu'il voulut puiser sa célébrité; et, loin de s'enor

D'après une statistique publiée en Angleterre sur la fin de 1832, il y existait alors 11,500,000 broches occupées au filage du coton, produisant chaque année 115,700,000 kilogrammes de filés. Le capital en machines et ateliers était estimé 12 millions de livres sterl. (300 millions de francs). En France, il paraît, d'après les relevés statistiques, que la consommation est le quart de la consommation anglaise.: or, il s'y trouve en activité à peu près 3,400,000 broches produisant par année 34 à 35 millions de kilogr. en filés de toute nature. Cent cinq à cent dix millions peuvent représenter la valeur des machines et ateliers, à 30 fr.gueillir de la position que le hasard de la la broche. Une filature bien établie peut, terme moyen, s'établir en France au prix de 40 à 45 fr. par broche, en y comprenant le perfectionnement des machines. C'est en 1788, sous le ministère de M. de Calonne, que furent apportées en France, par les Anglais Milne, les mécaniques à filer dites continues, et celles

naissance lui avait donnée, il fut l'un des philosophes qui contribuèrent le plus à saper de gothiques préjugés et à faire triompher les progrès de la raison humaine.

Gaetano, troisième fils de son père, fut dès l'enfance destiné à la carrière des (*) Voy. la note p. 19.

en homme d'affaires. Toutefois, comme la profession d'avocat le rapprochait davantage de l'objet de ses études, il déféra au vœu de sa famille et entra en 1774 au barreau, où son éloquence naturelle devait lui procurer d'honorables succès.

armes. D'après les usages de son pays et de son temps, à sept ans il avait déjà un grade dans un des régiments du roi, et il commença son service à quatorze. Quant à son instruction, elle était fort peu soignée. Confié à un précepteur qui voulut commencer par lui apprendre le latin, il en prit un dégoût singulier pour l'étude. On en augurait que son esprit était peu susceptible de culture, lorsqu'un heureux hasard vint montrer que c'était à la méthode employée et non à l'élève qu'il fallait s'en prendre s'il ne faisait aucun progrès. Assistant un jour à une leçon qu'un professeur de mathématiques donnait à l'un de ses frères, il s'aperçut spontanément que celui-ci s'était trompé dans l'explication d'un théorème d'Euclide. Ce trait prouva que, dirigé vers les sciences, le jeune Gaetano pourrait y faire de remarquables progrès. A partir de cette époque, il s'adonna spécialement aux sciences exactes, qu'il cultiva même après son entrée au service, ainsi que les sciences morales et politiques qui devaient un jour le conduire à la gloire. Ayant vu par expérience combien les mauvaises méthodes d'enseignement arrêtent le développement de l'esprit, le premier ouvrage dont il conçut la pensée eut pour objet la réforme de l'Éducation publique et privée. Frappé aussi de la funeste influence qu'exercent sur la société l'ignorance des princes et les déplorables préjugés au milieu desquels ils étaient élevés alors, Filangieri voulut appeler l'attention du public éclairé sur cet état de choses, et il essaya de l'exposer dans un traité particulier intitulé : la Morale des princes fondée sur la nature et sur l'ordre social.

De telles études se conciliaient mal avec les devoirs et les goûts de l'état militaire: aussi la famille de Filangieri vit elle qu'il était dorénavant inutile de persister à le laisser dans la carrière des armes. On l'autorisa donc à en sortir, mais à la condition qu'il embrasserait celle du barreau. Ce n'était point encore là que l'appelait sa vocation. Filangieri, il est vrai, méditait sur la législation, mais c'était en homme d'état, et sous le point de vue le plus élevé, qu'il embrassait la science du droit, et non en praticien et

La jurisprudence napolitaine ne présentait alors qu'un chaos confus, bien propre à rebuter un philosophe tel que Filangieri. Pour y porter remède, le sage ministre Tanucci (voy.) fit rendre par le roi Charles III, dans cette même année 1774, une ordonnance destinée à réformer une partie de ces abus. Les jurisconsultes, nourris dans ces vieilles idées et y trouvant probablement leur profit, murmurèrent contre la nouvelle ordonnance: Filangieri la défendit dans un écrit substantiel qui eut pour titre Réflexions politiques sur la dernière loi du souverain, relative à l'administration de la justice. Cet écrit fut dédié à Tanucci, qui ne vit pas sans étonnement combien il annonçait dans son jeune auteur de maturité et de savoir. Mais, cette fois comme tant d'autres, les préjugés furent plus forts que le ministre qui voulait les anéantir et que le publiciste qui le secondait dans cette tâche honorable. L'ordonnance ne fut point ou fut mal exécutée, et Filangieri, abreuvé de dégoûts, quitta le barreau et se consacra exclusivement à ses études spéculatives et à la société de quelques amis qui partageaient ses opinions et ses espérances.

Il passait au milieu de ce repos paisible et de cette retraite studieuse des jours heureux, lorsque l'ambition de sa famille vint encore tenter de l'arracher à une obscurité qui, suivant elle, était indigne du rejeton d'aussi illustres aïeux. Son oncle, Serafino Filangieri, archevêque de Naples, n'eut de cesse que lorsqu'il eut procuré à Gaëtano une charge à la cour: il le fit nommer, en 1777, majordome de semaine, gentilhomme de la chambre du roi, et ensuite officier du corps royal des volontaires de la marine. Il n'avait alors que vingt-cinq ans. Cette nouvelle position n'altéra point son goût pour la méditation; les plaisirs de la cour, les devoirs de sa charge, ne purent l'enleverà ses occupations favorites; et ce fut au milieu des agitations de cette brillante

carrière où il était entré contre son gré qu'il composa et publia la Science de la législation (la Scienza della legislazione), dont les deux premiers livres parurent en 2 volumes, à Naples, en 1780.

Pour bien apprécier la portée de cet ouvrage, il faut jeter un coup d'œil en arrière et rechercher quel était l'état des sciences morales et politiques en Italie à l'époque où il fut mis au jour. Cette terre de l'antiquité classique avait sommeillé comme les autres nations pendant la longue nuit du moyen-âge; toutefois, son réveil avait été plus précoce. La littérature y avait jeté un vif éclat lorsqu'elle était encore enveloppée, chez les autres peuples, des langes de l'enfance. Les sciences historiques et morales y avaient eu aussi de dignes représentants, et, sans citer des noms obscurs aujourd'hui, mais qui cependant rappellent des hommes en avant des idées de leur temps, il suffira d'indiquer Machiavel, Gravina et Vico (voy. ces noms), pour montrer que l'Italie était riche aussi en grands écrivains philosophes. Toutefois, vers le milieu du XVIIIe siècle, et lorsque la France et quelques autres nations de l'Europe étaient si vivement émues par les grandes luttes de la philosophie contre les anciennes idées, l'Italie était loin de se ressentir du contre-coup de cette révolution morale. Le grand nom de Machiavel n'y apparaissait plus que comme un emblème d'immoralité politique; on s'efforçait de le réfuter et non de le comprendre. Gravina, qui, dans ses Origines des Lois, avait eu l'honneur de fournir plus d'un trait à Montesquieu et à Rousseau, y était tombé dans l'oubli. Enfin Vico, qui a exposé avec une profondeur souvent systématique, mais toujours neuve et ingénieuse, les vicissitudes des gouvernements, avait passé en quelque sorte inaperçu au milieu du peuple qui l'avait vu naitre. L'honneur de faire éclore en Italie le goût de la science sociale était réservé à Beccaria (voy.), qui, dans son Traité des délits et des peines, mettant l'éloquence au service de la raison, avait excité l'attention de l'Europe entière et réveillé dans sa patrie une généreuse sympathie pour les efforts que des esprits éclairés faisaient

partout dans l'intérêt de l'humanité. Les voies ainsi préparées, Filangieri put être mieux compris; et lorsque sa Science de la législation parut, elle fut accueillie comme une œuvre qui devait continuer Montesquieu, et concourir à répandre la lumière sur les points les plus obscurs des théories sociales. Il ne faudrait pas croire néanmoins que les succès de l'auteur ne fussent point mêlés d'amertume, quoiqu'ils lui eussent valu l'éclatante protection du roi de Naples, auquel il fut redevable d'une commanderie de l'ordre royal de Constantin. A peine les deux premiers volumes avaient-ils paru, en effet, que ceux qui vivent de préjugés s'agitèrent pour en empêcher la continuation. Mais Filangieri ne s'effraya pas des difficultés que l'on voulait lui susciter. « Je n'ai pas entrepris ce travail pour mon avantage particulier, écrivait-il à l'un de ses amis, mais uniquement pour le bien de tous les hommes. Quant à moi, je me suis proposé de vivre loin des affaires. Je n'écrirais pas si les erreurs, les vices, qui accablent la société ne m'en imposaient le devoir. Cet affreux spectacle est toujours présent à ma pensée.

Veuille le ciel m'accorder le bonheur de remédier en quelque manière à tant de désordres! Puissent les princes eux-mêmes exaucer mes vœux pour la gloire de leur nom et pour la félicité de leurs peuples! » Cet espoir philanthropique le soutint, et, en 1783, il publia son 3* livre en deux volumes. Les clameurs des partisans exclusifs des idées rétrogrades recommencèrent; mais Filangieri ne se rebuta pas davantage. Tout entier au désir d'achever un ouvrage sur lequel il fondait l'espoir de consolider sa réputation et d'être utile à ses semblables, il s'était démis de ses emplois militaires et de ses charges de cour pour goûter au milieu de la paix domestique cette tranquillité d'âme nécessaire aux grands travaux littéraires; il s'était marié, dans cette même année 1783, à Caroline de Frendel, noble Hongroise, directrice de l'éducation de l'infante seconde fille du roi, et qui joignait un esprit distingué aux agréments extérieurs. Ce fut ainsi que, retiré dans une maison de campagne, près de la petite ville de Cava, à la

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dé le christianisme. Les doctrines de Filangieri se rapprochent souvent de celles de Montesquieu, qu'il a pris évidemment pour guide et pour modèle. Aujourd'hui que, après cinquante années de luttes et d'expériences, les peuples ont recueilli beaucoup d'heureux résultats des théo

distance de huit lieues de Naples, il continua son ouvrage, dont il fit paraitre, en 1785, le 4* livre en trois volumes. Cependant des circonstances imprévues vinrent s'opposer à ce que Filangieri pût terminer son œuvre. Sa santé, d'abord altérée par l'excès du travail et de la, méditation, le forçait souvent de s'arrê-ries de cette grande époque, les opinions ter; ensuite le roi Ferdinand IV (voy. de Filangieri ne sauraient être acceptées FERDINAND IT des Deux-Siciles) l'appe- sans de nombreuses modifications. Benla, en 1787, dans son conseil suprême des jamin Constant (voy.), dans le commenfinances. Il fut obligé de revenir à Na- taire qu'il a publié, en 1822, de la ples et de se livrer entièrement aux tra- Science de la législation, a combattu vaux de l'administration. Peu de temps plusieurs des idées avancées par l'auteur après, une maladie grave de son fils de ce célèbre ouvrage. aîné, une couche malheureuse de sa femme, vinrent altérer profondémeut sa santé déjà ébranlée. Atteint d'une mélancolie profonde, il prit le parti de se retirer avec toute sa famille à Vico-Equense, où il tomba sérieusement malade, et où il mourut le 21 juillet 1788, n'étant âgé que de 36 ans. Cette mort prématurée donna lieu à des bruits populaires, et l'on en accusa le ministre Acton (voy.), dont Filangieri aurait combattu les idées, dans le sein du conseil suprême, sur le système commercial des Anglais : il est inutile d'ajouter que cette conjecture ne reposait que sur les préventions qu'Acton avait inspirées aux Napolitains. Après la mort de Filangieri, on s'oc-in-8°. L'édition ci-dessus mentionnée de cupa de recueillir ce qu'il avait laissé de son travail. On ne trouva terminée que la première partie du cinquième livre, que l'on a publiée, et l'indication du sujet des chapitres de la seconde partie. Son ouvrage avait obtenu une si grande vogue en Italie que cinq éditions en furent successivement publiées à Naples, à Florence et à Milan.

Nous n'entreprendrons pas de présenter ici une analyse étendue de la Science de la législation et un jugement motivé sur cet ouvrage; nous dirons seulement que Filangieri fait reposer la science sociale sur la conservation et la tranquillité. Partant de cette base, il démontre que la bonté des lois est ou absolue ou relative; il expose ses principes d'économie politique, ses vues sur la législation criminelle, sur l'éducation, les mœurs et l'instruction publique, et donne des notions sur les religions qui ont précé

L'année même de la mort de Filangieri, l'avocat Tommasi, son ami, publia son Eloge historique. Ginguené lui a consacré un fort bon article dans la Biographie universelle, et feu M. Salfi a placé en tête de l'édition des OEuvres de G. Filangieri, traduites de l'italien et publiées à Paris en 1822, en 6 vol. in-8°, un éloge de ce publiciste. C'est le 6o vol. de cette édition qui contient le commentaire de B. Constant, dont nous avons déjà parlé. Dès 1786, M. Gallois, ancien tribun, avait commencé la publication d'une traduction française de la Science de la législation, qui fut complé tée successivement, et qui forma 7 vol.

1822 n'est que la reproduction de cette traduction justement estimée. Il a paru aussi deux traductions allemandes et une traduction espagnole du même ouvrage : cette dernière avait été faite, en 1787, par don Antoine Rudio; elle était très imparfaite à cause des suppressions et des changements que le traducteur avait jugé à propos d'y faire pour éluder la censure, ce qui n'empêcha pas le tribunal de l'inquisition de la condamner, ainsi que l'ouvrage italien. Don Jean de Ribera en publia une édition plus complète à Madrid en 1821.

Filangieri avait projeté un second ouvrage qu'il se proposait d'intituler Nuova scienza delle scienze, dans lequel il eût remonté aux vérités primitives de chaque science et recherché la connexion qui existe entre elles. Il méditait aus i un nouveau système d'histoire qu'il voulait intituler: Histoire civile, universelle et

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